Comme tous les ans, rendez-vous à Joyeuse au monument pacifiste à 14h30
Après le rassemblement, projection du film « Les mutins de la Courtine »
(20 000 soldats russes envoyés par le TSAR se sont mutinés après avoir laissé 6000 des leurs sur le « chemin des dames ». Un soviet au cœur de la Creuse)
Censure militaire et policière en 14-18
Maurice Rajsfus nous prévient au début de son ouvrage : quelle est la pire hantise pour un militaire qui se respecte, sinon la propagande pacifiste et encore plus en période de guerre ? Celle-ci devient alors un crime de guerre. D’autant qu’en 1914, après la déclaration des hostilités, le Parti socialiste entre au gouvernement et les syndicats optent majoritairement pour signer l’Union sacrée. À partir de ce jour, ils pratiqueront l’autocensure dans leurs publications contre les auteurs réputés opposés à la guerre. Les minorités antimilitaristes auront beau jeu de se réunir par deux fois en Suisse durant la guerre, ils ne seront jamais entendus tellement la censure s’impose petit à petit sur l’ensemble de l’espace public. Le système répressif se met en place après la bataille de la Marne (6-13 septembre 1914), tandis qu’apparaissent les premières désertions, parmi lesquelles on compte des officiers. Les conseils de guerre ne vont plus désemplir. D’autant qu’après la vaine bataille de la Somme qui coûtera la vie à 136 000 soldats. On dénombre 21 000 déserteurs. Leur nombre atteindra des sommets au printemps 1917 après la terrible offensive du Chemin des Dames qui fera 110 000 victimes.
Mais les livres d’histoire parlent rarement de la révolte de Coeuvres qui vit défiler environ 2 000 hommes armés chantant l’Internationale et d’autres fraterniser sur le front avec les soldats allemands. Peu de traces dans les archives de la préfecture de police des brûlots, le plus souvent rédigés par les femmes, qui rendent compte de ces manifestations de révoltes contre une guerre dévastatrice qui ne veut pas finir. On peut cependant consulter la lettre rédigée par trois courageux parlementaires socialistes qui, passant outre à la censure et le devoir de réserve imposé par les institutions, dénoncent en juin 1916 « la boucherie, le carnage, le massacre, la tuerie, le grand abattoir, le charnier humain, le plus grand crime de tous les temps contre l’humanité ». En effet, durant toute la période des hostilités, les censeurs de tout bord, militaires, préfets et leurs policiers vont s’activer sur trois thématiques : le non-respect de la morale, le pacifisme et le défaitisme. Jusqu’à la fin du conflit et encore un peu après, les policiers appliqueront une censure totale envers tous ceux qui osent formuler des propos hostiles à la guerre, mais également des allusions jugées trop « grivoises ». Une seconde armée est donc mobilisée : celle des censeurs. Ils sévissent dans la presse, s’immiscent dans les échanges de courriers, de télégrammes, afin de faire disparaître à coups de ciseaux les descriptions trop réalistes des conditions de survie des soldats dans les tranchées. Après la réouverture des théâtres, les spectacles subissent le même sort, idem pour le cinéma, les chansons populaires.
Ce système vient s’enrichir d’une spécialité bien française : celle de la délation. Les récalcitrants à la préparation de la « santé de la race future », une fois la guerre terminée, sont traqués et dénoncés par le bon peuple. Les prostituées en font également les frais. La police et l’armée musellent la presse, jusqu’au moindre entrefilet qui ne va pas dans le sens du discours cocardier officiel. Les zélés censeurs acquièrent petit à petit une grande liberté de mouvement et peuvent s’appuyer non seulement sur des consignes strictes, mais en rajoutent de leur propre initiative. Pour eux, les civils sont autant de pacifistes et donc d’ennemis potentiels. Puis, c’est l’église qui est appelée à la rescousse afin de ramener le laïque égaré vers les « bonnes valeurs » de la morale chrétienne : la résignation et l’obéissance aux lois. « Ainsi soit-il ! » Voilà qu’après les années qui ont séparé l’église de l’État le sabre et le goupillon se retrouvent enfin ! L’ouvrage de Maurice Rajfus, abondamment documenté, s’appuie sur les archives officielles, souvent des préfectures, puisque celles de l’armée sont classées « secret d’État ». Dans la première partie, il nous décrit le quotidien d’une presse sous tutelle, avec des anecdotes parfois touchant au surréalisme, la chasse au subversif pouvant se cacher dans une publicité ou une petite annonce ! La deuxième partie raconte l’histoire de la parole confisquée, des atteintes aux libertés, la censure pratiquée sur les femmes pacifistes. Dans la troisième partie, Maurice nous fait découvrir les mécanismes d’une surveillance active sur le courrier. Enfin, la dernière nous éclaire sur la censure culturelle, maisons d’édition, spectacles, chansons de rue, dans le but d’éliminer toute expression antimilitariste, antinationale ou antipatriarcale… En 40 dans la France de Vichy, durant la guerre d’Algérie ou encore en Mai 68, les pères la censure des préfectures de l’Hexagone n’auront plus à se creuser le cerveau pour remettre en place la censure : tout étant parfaitement organisé dans ce programme très bien ficelé de leurs prédécesseurs et qui ne demande qu’à refleurir a chaque période propice…
Mais les livres d’histoire parlent rarement de la révolte de Coeuvres qui vit défiler environ 2 000 hommes armés chantant l’Internationale et d’autres fraterniser sur le front avec les soldats allemands. Peu de traces dans les archives de la préfecture de police des brûlots, le plus souvent rédigés par les femmes, qui rendent compte de ces manifestations de révoltes contre une guerre dévastatrice qui ne veut pas finir. On peut cependant consulter la lettre rédigée par trois courageux parlementaires socialistes qui, passant outre à la censure et le devoir de réserve imposé par les institutions, dénoncent en juin 1916 « la boucherie, le carnage, le massacre, la tuerie, le grand abattoir, le charnier humain, le plus grand crime de tous les temps contre l’humanité ». En effet, durant toute la période des hostilités, les censeurs de tout bord, militaires, préfets et leurs policiers vont s’activer sur trois thématiques : le non-respect de la morale, le pacifisme et le défaitisme. Jusqu’à la fin du conflit et encore un peu après, les policiers appliqueront une censure totale envers tous ceux qui osent formuler des propos hostiles à la guerre, mais également des allusions jugées trop « grivoises ». Une seconde armée est donc mobilisée : celle des censeurs. Ils sévissent dans la presse, s’immiscent dans les échanges de courriers, de télégrammes, afin de faire disparaître à coups de ciseaux les descriptions trop réalistes des conditions de survie des soldats dans les tranchées. Après la réouverture des théâtres, les spectacles subissent le même sort, idem pour le cinéma, les chansons populaires.
Ce système vient s’enrichir d’une spécialité bien française : celle de la délation. Les récalcitrants à la préparation de la « santé de la race future », une fois la guerre terminée, sont traqués et dénoncés par le bon peuple. Les prostituées en font également les frais. La police et l’armée musellent la presse, jusqu’au moindre entrefilet qui ne va pas dans le sens du discours cocardier officiel. Les zélés censeurs acquièrent petit à petit une grande liberté de mouvement et peuvent s’appuyer non seulement sur des consignes strictes, mais en rajoutent de leur propre initiative. Pour eux, les civils sont autant de pacifistes et donc d’ennemis potentiels. Puis, c’est l’église qui est appelée à la rescousse afin de ramener le laïque égaré vers les « bonnes valeurs » de la morale chrétienne : la résignation et l’obéissance aux lois. « Ainsi soit-il ! » Voilà qu’après les années qui ont séparé l’église de l’État le sabre et le goupillon se retrouvent enfin ! L’ouvrage de Maurice Rajfus, abondamment documenté, s’appuie sur les archives officielles, souvent des préfectures, puisque celles de l’armée sont classées « secret d’État ». Dans la première partie, il nous décrit le quotidien d’une presse sous tutelle, avec des anecdotes parfois touchant au surréalisme, la chasse au subversif pouvant se cacher dans une publicité ou une petite annonce ! La deuxième partie raconte l’histoire de la parole confisquée, des atteintes aux libertés, la censure pratiquée sur les femmes pacifistes. Dans la troisième partie, Maurice nous fait découvrir les mécanismes d’une surveillance active sur le courrier. Enfin, la dernière nous éclaire sur la censure culturelle, maisons d’édition, spectacles, chansons de rue, dans le but d’éliminer toute expression antimilitariste, antinationale ou antipatriarcale… En 40 dans la France de Vichy, durant la guerre d’Algérie ou encore en Mai 68, les pères la censure des préfectures de l’Hexagone n’auront plus à se creuser le cerveau pour remettre en place la censure : tout étant parfaitement organisé dans ce programme très bien ficelé de leurs prédécesseurs et qui ne demande qu’à refleurir a chaque période propice…
Patrick Schindler