Août 1983, quand le Pape venait visiter Lourdes.

 lu sur Brèves du Désordre

12 août 1983 : la veille de l’arrivée de Karol Wojtyla (alias Jean-Paul II) à Lourdes pour deux jours de pèlerinage en grande pompe (avec accueil de Mitterrand à la descente d’avion), la première statue du chemin de croix de la ville, celle de Ponce Pilate (une tonne et demi de bronze), est dynamitée à 2h36 du matin. Une attaque signée du groupe Arrêt Curés : « Nous revendiquons l’attentat de Lourdes à l’occasion de la venue du PDG de la multinationale du Vatican en visite sur la Sarl Soubirous. D’autres actions anti-soutanes auront lieu, ce week-end. Alea jacta est. »

13 août 1983 : vingt personnes de Toulouse et du Pays-Basque sont perquisitionnées et mises en garde-à-vue par le juge d’instruction de Tarbes. Une personne chez qui un bout de mèche lente (en vente libre) est retrouvé est incarcérée, ainsi que deux amis de passage chez elle.

14 août 1983 : les locaux du journal catholique toulousain La Croix du Midi sont saccagés puis incendiés dans la nuit, un A cerclé est retrouvé sur place. La même nuit à Toulouse, la librairie Croisade pour le Livre Chrétien reçoit cinq impacts de balles. La revendication ? « Demain, le Pape, Pan ! Pan ! Pan ! Pan ! Pan !« 
Dans la journée, 13 des interpellés de la veille sont relâchés du commissariat de Toulouse, après avoir assisté à des tabassages. Le soir à 20h, deux amis des interpellés, Bernard et Jean-Claude, sont chopés dans la cathédrale St Etienne avec du matériel incendiaire. Après tabassage, ils sont incarcérés à la prison St Michel de Toulouse.

15 août 1983 : les derniers interpellés de la rafle du 13 août sortent de garde-à-vue au bout du délai maximum de 48h.

16 août 1983 : le groupe Arrêt Curés disculpe par des détails précis de l’explosion de la statue de Lourdes les 3 incarcérés de la perquisition.

19 août 1983 : le juge Belmas refuse de libérer les 3 incarcérés (dans les prisons de Tarbes et Pau) et confirme leur placement à l’isolement.

23 août 1983 : incendie de l’imprimerie SGIT (Société graphique et industrielle de Toulouse), après avoir été saccagée. Sa principale activité était l’impression de textes juridiques.

24 août 1983 : les locaux de la Fédération départementale du parti communiste sont visités. Un gros pétard relié à une cigarette déclenche les extincteurs anti-incendie, qui inondent les locaux. Sur le mur intérieur, on retrouve le tag ironique « Vive le Pape » et le nom de quatre journalistes.

27 août 1983 : tracts, affiches et bombages dénoncent les intrigues politico-judiciaire et l’attitude crapuleuse des médias.

28 août 1983 : au début de la messe de la chapelle du Sacré-Coeur à Tarbes, des affiches sont collées à l’intérieur de l’église, et un faux-curé prononce un sermon devant les fidèles « A bas l’Etat ! A bas la religion ! A bas l’économie ! » puis sacrifie un poulet sur l’autel. Le curé et ses paroissiens sont ensuite enfermés à clé dans la chapelle. Le tout est signé des amis de Bernard et Jean-Claude, que la cour d’appel a refusé de libérer.

7 septembre 1983 : les 3 incarcérés pour la mèche sortent de prison en conditionnelle sur ordre du parquet.

[Tiré de Toulouse la canaille, novembre 1983, pp. 6-10. A noter que pendant cet été, les attaques anti-nucléaires contre la construction de la centrale de Golfech ne cesseront pas pour autant.]


Il y a 33 ans, un attentat dévastait les locaux du journal La Croix du Midi à Toulouse

Côté Toulouse, 14/08/2016 à 18:18

Dimanche 14 août 1983, un groupe anarchiste incendiait les locaux de La Croix du Midi situés dans l’immeuble du Télégramme, rue Gabriel-Péri à Toulouse. Récit.

C’est une nuit d’été tout à fait calme et pleine de quiétude qui s’achève à la caserne des pompiers du Boulingrin en centre-ville de Toulouse lorsque le téléphone retentit. Il est 4 h 45, ce dimanche 14 août 1983. Un noctambule, qui a composé le 18 depuis une cabine téléphonique du boulevard Carnot, est au bout du fil : « Venez vite ! Il y a le feu rue Gabriel-Péri. Des flammes sortent des fenêtres de la Croix du Midi ».

Il faut moins d’une demi-heure aux soldats du feu pour dépêcher voitures-pompes et grande échelle sur les lieux du sinistre et éviter que tout le pâté de maison enchâssé entre la rue Castellane, la rue des Sept-Troubadours et la rue Gabriel-Péri ne s’embrase.

Au moment où elle dépliait ses lances, la compagnie du Capitaine Gisquet voyait bel et bien sortir les flammes des fenêtres et de la porte d’entrée du siège du journal La Croix du Midi, ancêtre de l’actuelle Voix du Midi, solidement installée depuis des lustres dans les locaux de l’ancien journal Le Télégramme de Toulouse qu’il avait absorbé en 1932.

Quatre foyers volontairement allumés

Depuis les années 1960, La Croix du Midi louait au Trésor Public la partie où se situe aujourd’hui le restaurant Le Télégramme et n’occupait plus que l’autre moitié du vaste bâtiment s’étendant jusqu’au niveau de la rue Castellane et l’actuel iBAR. Comme devaient le constater rapidement les enquêteurs du SRPJ, c’est cette partie du bel immeuble construit en 1910 qui était clairement visée par des individus mal intentionnés.

Après avoir pénétré dans les locaux, ceux-ci ont d’abord saccagé une partie des installations du journal, détruisant à coup de poings et de tournevis le matériel de photocomposition, dévastant les différents bureaux, vidant les tiroirs de tous leurs papiers, avant de mettre le feu.

Lorsque je pénétrai dans les ruines fumantes de ce qui était mon bureau, lorsque j’ai découvert le hall d’accueil devenu un monceau de ruines, les locaux administratifs entièrement détruits, la rédaction, la salle des claviers de saisie et le laboratoire saccagés, je suis resté un moment silencieux, atterré, submergé par une immense détresse. Le travail de plusieurs générations de collaborateurs dévoués anéanti par des flammes allumées par des mains anonymes et criminelles, témoignait Christian Boué, le directeur de La Croix du Midi, quelques heures après les faits.

Arrivés sur place, après avoir appris la nouvelle par les flashs de la radio, les collaborateurs de Christian Boué découvrent à leur tour, l’immensité des dégâts. La chaleur du feu a été d’une intensité si forte que c’est à elle que l’on doit les plus graves destructions : le matériel informatique à littéralement fondu. Les flammes ont, de leur côté, détruit la quasi-totalité des précieuses archives d’un journal déjà quasi-centenaire à cette époque.

Pour protester contre la venue du pape à Lourdes !

Malgré les décombres, le SRPJ identifie que quatre foyers ont été volontairement allumés par des bidons de liquides inflammables retrouvés sur place. Les enquêteurs repèrent également rapidement la signature du forfait : une lettre A dans un cercle tracé en blanc sur un mur de l’édifice.

Non, je n’ai pas eu de sentiment de haine ou de vengeance, mais j’ai éprouvé une immense pitié pour ceux qui ont voulu détruire notre journal. Pourquoi cet acharnement destructeur ? La question dépasse certainement le simple fait divers dont La Croix du Midi est victime, écrivait dans l’éditorial suivant la catastrophe, Christian Boué.

Plus tard, l’enquête confondra un petit groupe anarchiste de la mouvance « Arrêt Curés » et dont l’objectif avait été de mener une action contre la venue du pape Jean-Paul II à Lourdes le 15 août 1983, c’est à dire le lendemain de cet attentat. Ne parvenant pas à forcer les portes de la cathédrale Saint-Etienne qu’ils voulaient vraisemblablement vandaliser, ils se sont repliés sur la rédaction de La Croix du Midi dont la ligne éditoriale était d’inspiration catholique [cette version policière est évidemment fausse]. D’autres membres de ce même groupe avait fait sauter la statue de Ponce-Pilate à Lourdes, deux jours auparavant.

Quoique durement atteinte, la rédaction de La Croix du Midi, qui comptait alors 12 éditions hebdomadaires dans l’actuelle région Occitanie, du Gers au Gard, reprit son travail tant bien que mal, publiant ses journaux dès la semaine suivante.