informations reprises du blog Brèves du Désordre pour répondre à une question posée lors de la discussion après la projection « des dépossédés »
Le mur de Calais
Instantanés d’une semaine à Calais, oppressé par la situation migratoire
La Voix du Nord, 30/07/2016 (extraits)
Depuis plus d’une semaine, les travaux de sécurisation du Tunnel se poursuivent pour empêcher l’intrusion de migrants sur le site. Des grilles – sur une longueur de deux kilomètres – sont en train d’être posées le long des bretelles d’accès sur l’autoroute A16 et le long des voies qui mènent au terminal. Ces clôtures viennent s’ajouter aux quarante kilomètres de grilles déjà posés l’année dernière autour du site et entre les quais du terminal. Un dispositif efficace puisque, depuis l’automne, Eurotunnel indique n’avoir plus à déplorer d’intrusion. Mais l’impression visuelle, quand on emprunte l’A16 à l’approche du Calaisis, est marquante devant ces clôtures.
« Je pense que quelque part, on s’est habitué à ces grilles qui font désormais partie de notre horizon », relativise pour sa part un porte-parole d’Eurotunnel. Depuis un an, c’est vrai, les habitants se sont habitués – ou non d’ailleurs – à un paysage modifié. Au nom de la sécurité, 100 hectares de végétation ont été sacrifiés. Ce déboisement a été décidé après plusieurs centaines de tentatives d’intrusion de migrants recensées l’été dernier dans le Tunnel. Côté rocade, des grilles anti-intrusions s’érigent également. Elles seront prolongées par un mur antibruit au mois d’août. Le Tunnel et le port sont de plus en plus inaccessibles, ce qui pousse les migrants à des comportements plus extrêmes comme la pose de barrages sur les axes routiers la nuit pour stopper les camions…
Sept mille exilés
Selon le dernier recensement effectué par les associations, 7 000 exilés vivent actuellement à Calais : Afghans, Syriens, Irakiens, Soudanais, Éthiopiens, Érythréens. Mille cinq cents sont hébergés dans les conteneurs du centre d’accueil provisoire, géré par l’association La Vie Active. Le reste se masse dans la « jungle », bidonville de tentes et de cabanons.
Le mur de Calais (bis)
Intrusions de migrants à Calais : les questions autour du mur anti-bruit sur la rocade portuaire
La Voix du Nord, 07/07/2016
Une centaine de personnes ont assisté mercredi soir, dans une ambiance parfois houleuse, à une réunion publique sur la construction à venir d’un mur le long de la rocade. D’une hauteur de 4 mètres, il sera végétalisé, anti-bruit et anti-franchissement. Passage en revue des informations qui ont été livrées.
Combien ça coûte et qui finance ?
Le budget prévu pour la construction de ce mur est de 2,7 M€. Il sera totalement financé par les Britanniques.
À quoi ça ressemblera ?
Il sera érigé entre le pont de la route de Gravelines et la zone Marcel-Doret, dans le prolongement des grilles posées du port jusqu’au pont. D’une hauteur de 4 m, il sera en béton lisse, avec « une alternance de murs striés et de murs gravillonnés ». Seule la surface intérieure sera habillée de végétaux grimpants : pas la surface extérieure, car « cela risquerait de permettre aux migrants de grimper », selon la DIR-Nord. Il sera pourvu de quatre à six caméras de vidéosurveillance de chaque côté (le sous-préfet s’engage à ce que les libertés individuelles soient respectées : « On ne filmera pas les gens dans leur jardin »), d’un éclairage vers l’extérieur, d’un système anti-bruit et d’un système « antifranchissement » équipé de bavolets (partie supérieure penchée de la clôture).
Quand sera-t-il construit ?
Les travaux préparatoires commenceront début août. Il faudra ensuite compter seize semaines de chantier.
À quoi va-t-il servir ?
À empêcher les intrusions de migrants sur la rocade. Ce mur a un triple intérêt, selon le sous-préfet : il protègera les véhicules, mais aussi les riverains qui « souffrent d’intrusions dans leurs jardins ou sur leurs terrains ». Enfin, il protègera l’économie du port, « un des premiers employeurs de la ville ». Autre argument soulevé par Vincent Berton : il permettra « d’avoir moins recours à l’hélicoptère », source de bruit pour les riverains. Le commissaire Patrick Visser-Bourdon a pour sa part expliqué que les intrusions avaient explosé sur cette portion : « On en a dénombré 22 000 en juin, alors qu’il y en avait eu 3 000 en janvier. » « Il est impossible pour moi de placer un fonctionnaire tous les 10 m pour sécuriser la zone. Ou alors il me faudrait mobiliser 2 000 policiers chaque soir ! », a argué le commissaire. Sur cette portion, il est assez facile pour les migrants de réaliser des « attaques de masse », a-t-il poursuivi : « La zone est délimitée par des espaces très vastes où ils peuvent passer : les stades du Courgain-est d’un côté, les champs de l’autre. » Une fois que cette partie sera protégée par le mur, les forces de l’ordre pourront se mobiliser du côté la zone Marcel-Doret, « où les attaques de masse ne sont pas aussi faciles », selon M. Visser-Bourdon.
Intrusions de migrants : Eurotunnel s’équipe de drones pour renforcer sa sécurité
Voix du Nord, 27/06/2016
Lors d’une conférence de presse ce lundi matin, le groupe Eurotunnel a présenté ses deux dernières acquisitions : deux drones qui survoleront désormais son site pour repérer les intrusions de migrants. Pour Jacques Gounon, PDG d’Eurotunnel, les arrivées de migrants à Calais pendant l’été, mais aussi le Brexit, justifient cet investissement.
Deux drones « de nature militaire »
Il s’agit de deux drones « de nature militaire », dixit Jacques Gounon, équipés de caméras thermiques « de longue portée », capables de filmer « avec une très grande précision, malgré le vent, les intempéries ou le peu de visibilité ». Un centre de surveillance sera construit prochainement pour les entreposer. Selon le PDG d’Eurotunnel, ces drones permettront « d’identifier les zones à risques et d’intervenir rapidement pour empêcher les migrants qui arrivent sur le site de prendre des risques et de se faire happer » par des trains : « Les drones seront mis en service dès qu’une alerte sera reçue par les caméras situées en périphérie du site. »
Ils fonctionneront alternativement, « lorsque les caméras auront décelé une attaque ». Ils ont une capacité d’une demi-heure de batterie et peuvent monter à 100-150 mètres d’altitude. Enfin, ils sont programmables par GPS : « Nous avons introduit dans leurs cerveaux toutes les zones de circulations qu’ils ne peuvent pas survoler pour des raisons de sécurité », indique Jacques Gounon. Le financement est « totalement à notre charge », précise le PDG, et s’intègre « dans les 20 M € consacrés par an à la sécurisation du site ».
Un site déjà ultra sécurisé
Le site Eurotunnel, d’une superficie de 660 hectares, est déjà équipé de plus de 500 caméras thermiques en postes fixes. 300 vigiles surveillent le site 24 h sur 24, ainsi que des gendarmes mobiles déployés à l’extérieur. Pour rappel, 21 millions de passagers, 2,5 millions de voitures et 1,5 million de camions transitent chaque année par le Tunnel.
Aucune intrusion « depuis octobre dernier », selon Eurotunnel…
Selon Jacques Gounon, il n’y a eu « aucune intrusion depuis octobre sur le site du Tunnel ». Les migrants continuent en revanche de tenter de passer en se cachant dans les camions. Mais même sur ce point, le PDG du groupe assure que tout est sous contrôle : « Nous vérifions 100 % des camions. »
… mais des « craintes » pour cet été
Malgré cette ultra-sécurisation du Tunnel et l’absence d’intrusion depuis plusieurs mois, Jacques Gounon dit craindre, « avec l’été, que la pression migratoire s’intensifie ». L’été 2015 avait été marqué par des arrivées massives de migrants à Calais, et le Tunnel avait fait l’objet de tentatives d’intrusions tout aussi massives. D’où la pose de hautes clôtures, le défrichage des abords du Tunnel et l’inondation volontaire de terrains qui ont suivi.
A Calais, une nuit dans le manège infernal de la rocade portuaire
AFP, 29/07/2016 à 13:15
Calais – Nuit noire, poids lourds lancés à toute vitesse, forces de l’ordre sous tension, et barrages inlassablement replacés par des cohortes de migrants prêts à tout pour passer en Angleterre : un jeu dangereux se joue tous les soirs sur la rocade portuaire de Calais.
Dès minuit, la radio de police crache des appels à renfort, avec une rengaine : « barrage posé échangeur 47« . Les fourgons de CRS tournent déjà dans le manège infernal de la rocade, si peu éclairé.
En ce début de nuit d’été, la menace plane mais les migrants demeurent invisibles pour les non-avertis. Le petit bois qui sépare la route des premières résidences calaisiennes, à 1,5 km de la « Jungle », bruisse de craquements.
Détonation soudaine, une épaisse fumée blanche s’élève des cimes et envahit le ciel : la première grenade lacrymogène est lancée. Elle vient s’ajouter aux 30.000 déjà tirées depuis octobre, selon un décompte du syndicaliste policier Gilles Debove (SGP-FO).
Au travers des longs barreaux que forment les troncs d’arbre, se détachent des dizaines de silhouettes progressant lentement en file indienne, de l’autre côté du bois. Le premier objectif des migrants est de rassembler branchages, paille et barrières de métal pour concevoir des barrages. Tentatives aussi méthodiques que désespérées.
Peu avant 02H00, on devine quelques têtes sur un talus sombre et informe. A 100 mètres, un trente tonnes, monstre de tôle et de mécanique, avale la route en leur direction. Subitement, la cinquantaine de migrants se déverse sur la rocade et, rapides et organisés, posent leurs barrages.
Crissement de pneus, coups de klaxon scandalisés… le camion pile, et se retrouve encerclé en une poignée de secondes. Le conducteur, manifestement paniqué, entame de brusques manoeuvres marche arrière-marche avant sur plusieurs dizaines de mètres, au hasard.
On frôle le drame, mais au bout d’une minute, le camion parvient à repartir sur les chapeaux de roue, sans faire de victime. La veille, un autre migrant n’a pas eu la même chance : il a péri percuté par un poids lourd, comme six autres depuis le début de l’année.
Burlesque –
Vers 04H00, deux policiers de la BAC arrêtent leur voiture banalisée. Sur l’autre bord de la route, ils ont repéré un groupe de migrants s’affairant à un énième barrage, et actionnent leur lance-grenades lacrymogènes.
La riposte ne tarde pas : du ciel obscur pleut une dizaine de projectiles, dont certains passent à quelques centimètres des fonctionnaires tête nue. Ce sont leurs grenades à eux.
On atteint alors le pic d’activité. Les migrants sentent le jour proche et redoublent leurs efforts. Ils posent un barrage trois fois de suite au même endroit. Mais cette nuit-là, les conducteurs parviennent à forcer les barrages presque chaque fois.
L’exercice aura peut-être fait un heureux. Vers 05H00, un poids lourd se retrouve coincé, l’espace de quelques secondes. Parmi les candidats à l’exil qui se hâtent, on distingue des femmes, des adolescents.
Sur la dizaine qui grimpent, un a la bonne idée de se faufiler derrière la cabine conducteur, un espace n’excédant pas un mètre, tandis que les autres doivent se laisser retomber sur l’asphalte faute de prise fiable.
Se croyant délesté de tout passager clandestin, le chauffeur pourrait ne pas demander de contrôle thermique lors de son arrivée au port.
Ces migrants qui sans cesse reposent en accéléré leurs barrages de bric et de broc, souvent au même endroit, avant de repartir en catastrophe quand la cavalerie déboule, donnent au spectacle une dimension burlesque.
A l’aube, raconte Gilles Debove, ils sortent des talus, des buissons et des fossés, lèvent les mains en criant « We go back +Jungle+ » à l’adresse des policiers, avant de rentrer. Comme des gamins jouant à cache-cache ils pourraient tout aussi bien dire : « Pouce !« , s’ils ne jouaient pas leur vie.
La violente nuit où un camion fut incendié sur la rocade portuaire
Nord Littoral, 30/07/2016
Les attaques des migrants sont de plus en plus dures pour stopper les camions allant vers l’Angleterre.
Dès 22h30, dans la nuit de vendredi à samedi, des feux se sont déclarés à la Jungle puis des barrages ont bloqués la rocade et l’autoroute. Entre minuit et 1h30, devant la violence des attaques de certains migrants, la rocade dans le sens zone Marcel Doret vers le port est interdite à la circulation par les forces de l’ordre.
Une déviation est mise en place via la zone Marcel Doret, obligeant les usagers à passer par cette zone ou par le centre-ville. Des déviations qui créent de nombreux ralentissements, permettant à des exilés de tenter de nombreuses intrusions.
Le reste de la nuit, des barrages « conséquents » continuent d’être construits avec des troncs, des branchages, des poteaux métalliques, etc. Et comme cela semble insuffisant pour freiner l’ardeur des routiers, ils y mettent le feu. Au total, les pompiers de Marck sont intervenus six fois pour éteindre ces feux et ont transporté cinq migrants blessés entre 22h30 et 9h. « C’est pas mal pour une nuit », reconnaît un pompier.
Comme chaque nuit, il y a également eu des jets de projectiles contre les forces de l’ordre à la jungle. C’est vers 4h20, qu’on frôle le drame. Un camion emprunte la bretelle de l’ancien hoverport pour sortir de la rocade littorale après un assaut de migrants. Il est en feu. Une enquête est ouverte mais d’après les premiers éléments, il est d’origine criminelle. Et ce n’est pas à cause d’une bombe artisanale… D’après les chauffeurs, un groupe de migrants a volontairement mis le feu au camion…
Les pompiers de Marck interviennent avec l’aide la police et de la Dir Nord. Les deux chauffeurs sont sains et saufs mais le camion est fortement dégradé. Une chose est sûre, avec l’incendie de ce camion, la violence aux alentours de la jungle a franchi un nouveau cap.