VALENCE [Drôme] : rappel à la loi pour un militant

 lu surdauphiné libéré 24/03/16

VALENCE État d’urgence : rappel à la loi pour un militant

Une trentaine de manifestants se sont rassemblés ce jeudi matin devant le tribunal de grande instance de Valence pour soutenir Dominique Malvaud. Ce militant était convoqué pour un rappel à la loi après avoir distribué des tracts dans la rue le 29 novembre dernier. Or, ce jour-là, ouverture de la COP 21, il était formellement interdit de manifester sur tout le territoire français.

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et ce texte ci dessous  a été distribué, par une individualité anarchiste,auprès des personnes qui voulaient bien l’accepter

Terrorisme d’Etat] : calamités publiques

Dans son actualisation hebdomadaire en date du 18 mars 2016, la commission des lois de l’Assemblée a rendu les derniers chiffres officiels des mesures prises par le ministère de l’Intérieur grâce à un état d’urgence prolongé jusqu’au 26 mai : on en est à 3 458 « perquisitions à domicile de jour et de nuit » depuis le 14 novembre dernier ! Quant aux assignations administratives à résidence, 285 étaient toujours en vigueur mi-février, et 70 assignations de plus ont été décrétées par les préfectures ces trois dernières semaines (du 26 février au 18 mars), ce qui fait plus de 400 depuis novembre, et un nombre inconnu autour de 300 toujours en cours.

Rappelons également que le ministère de l’Intérieur évite de fournir les données concernant nombre d’autres mesures mises en place dans le cadre de l’état d’urgence, y compris à son cache-sexe démocratique, la commission des lois visant à « un contrôle effectif et permanent de la mise en œuvre de l’état d’urgence » (les case de leurs tableaux indiquent systématiquement : « donnée consolidée non disponible« ).Ces mesures déployées en toute discrétion et jamais renseignées publiquement sont pourtant conséquentes (attention, bouchez-vous le nez) : Interdiction de la circulation des personnes ou des véhicules, Institution de zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé, Interdiction de manifester, Remise des armes de catégories A à D, Réquisition de personnes ou de biens, soit les articles 5, 9 et 10 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 modifiée sur l’état d’urgence. La mise en lumière régulière du total des perquisitions (dont beaucoup de nocturnes), des saisies d’armes et des assignations à résidence sert largement d’opération publicitaire destinée à resserrer les rangs citoyens, tout en gardant dans son ombre beaucoup de ce qui sert actuellement de laboratoire policier grandeur nature pour la suite.Petit exemple, l’établissement à tout moment de zones rouges avec checkpoints militaires et policiers (les « zones de protection » dans lesquelles « les individus doivent quitter les lieux sans délais s’ils ne peuvent justifier de leur présence ou de leur passage« ), déjà mises en place sur le plateau (nucléarisé) de Saclay lors de l’arrivée de la caravane de la ZAD ou à Calais sur la rocade contre les migrants, autour de l’aérodrome des Yvelines et du Technocentre Renault,… sans même parler de la « Réquisition administrative de personnes ou de biens » (qui relève ordinairement du Code de la Défense et dont les exemples distillés au compte-goutte concernent une centaine de serruriers et d’interprètes) jusqu’à mai : et hop, toi, ta caisse, ton appart ou plus largement une boîte, un stock de marchandises, un moyen de transport, ou un individu à la compétence particulière appartiennent aux flics et aux militaires, avec les dues conséquences en cas de refus (Code de la Défense, on vous dit) ! C’est ça l’Etat, quelle que soit sa façade plus ou moins autoritaire.

Enfin, les deux chambres sont en train de voter une loi pour « constitutionnaliser l’état d’urgence », ou plutôt l’alourdir, sous le doux nom de « Projet de loi constitutionnelle de Protection de la Nation » (qui devra ensuite être approuvé en Congrès cet été). Si l’article 2 sur la déchéance de nationalité sera certainement écarté faute d’accord entre Sénat et Assemblée (sur son élargissement ou pas à ceux qui ne sont sujets que d’un seul Etat et sur son élargissement ou pas aux auteurs de « délits » et pas uniquement de « crimes »), son article 1 a par contre fait consensus. Il a été voté le 10 février 2016 à l’Assemblée et le sera définitivement au Sénat le 22 mars 2016.

Cet article 1 définit les conditions pour déclencher l’état d’urgence par le gouvernement, avant une première prolongation au bout de 12 jours, et les suivantes à l’infini de quatre mois en quatre mois (ou de trois en trois pour le Sénat). Le fait de basculer une loi (celle de 1955 liée à la guerre d’Algérie, modifiée par celle du 20 novembre 2015) dans la constitution, a pour conséquence de verrouiller les mesures de simple police administrative , mais aussi les « contrôles d’identité sans nécessité de justifier de circonstances particulières établissant le risque d’atteinte à l’ordre public » ou encore la « saisie administrative d’objets et d’ordinateurs durant les perquisitions administratives » (auparavant seuls les objets-armes étaient concernés, le matos informatique devant donc par exemple être siphonné sur place). Pour rappel, cette sacro-sainte démocratie qui fait tant saliver ses citoyens, compte d’autres possibilités encore que l’état d’urgence : les pleins pouvoirs au Président lorsque le « fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu » (et hop, article 16 de la Constitution), ou l’état de siège en cas de « péril imminent résultant d’une guerre étrangère ou d’une insurrection armée » (et hop, article 36 de la Constitution qui renvoie au code de la Défense). Franchement, à côté de ça, mieux vaut l’anarchie que la démocratie… Sans dirigeants ni dirigés, c’est peut-être l’inconnu de la liberté, mais en tout cas pas la certitude de la coercition institutionnelle –policière et militaire labellisée citoyenne et démocrate– de quelques-uns sur tous !
La nouvelle définition de l’état d’urgence est bien sûr très large pour offrir carte blanche à l’Etat, puisqu’il sera décrété « 
en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique » selon les députés, ou « en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public » selon les sénateurs (ils ont pas fini de trancher entre eux). Et quant à ce que peut signifier une atteinte « grave » à l’ordre public aux yeux de ceux qui tentent à tout prix de préserver la paix de l’exploitation et de la domination, pas besoin de massacres indiscriminés dans des concerts ou des bars au nom d’un État concurrent : rappelons que des émeutes incendiaires ciblées comme celles de novembre 2005 avaient suffi à déclencher pour la première fois l’état d’urgence au plan national (et pas uniquement dans les colonies).Le fils de Bourvil et ex- du parti communiste Dominique Raimbourg, désormais député PS et rapporteur de ce projet de loi à l’Assemblée, a défendu le 28 janvier que l’introduction de la notion de « calamité publique » pour pouvoir nous balancer cet état d’urgence dans la gueule était en fait « une mesure curative » (si, si !). Cet article a été appuyé par les députés écologistes (Duflot en tête), jamais en retard en matière de cogestion et d’accompagnement du désastre. A côté d’exemples comme les catastrophes nucléaires ou chimiques, ce bouffon tragique a aussi mentionné les « incendies de forêt, les inondations » ou les « épidémies« . Avec cet article 1 bien entendu justifié par la « guerre au terrorisme« , l’état français souhaite se doter d’une couverture légale relookée pour pouvoir gérer à une vaste échelle et d’un poing de fer tous les désastres en cours. Des catastrophes dont il est à la fois l’administrateur et le garant. En plus du confinement des populations et de l’intervention de l’armée dans les zones concernées, il aura ainsi de quoi faire jouer sur le reste du territoire son urgence d’éviter toute explosion de révolte face à cette situation d’instabilité.Comme l’affirmait déjà il y a quelques année une affiche italienne après Fukushima (Il n’y a pas de catastrophe naturelle, 2011) : « maintenant que nous avons détruit le monde pour pouvoir nous déplacer plus vite, pour manger plus vite, pour travailler plus vite, pour gagner de l’argent plus vite, pour regarder la télé plus vite, pour [sur]vivre plus vite, nous osons nous plaindre en découvrant que nous mourrons aussi plus vite ? Il n’y a pas de désastres naturels, il n’y a que des désastres sociaux« . Et l’état, cette calamité publique armée de sa raison, de ses lois et de ses larbins avec ou sans uniformes, n’est pas le moindre de ces désastres.