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Ce texte paru sous le même titre que celui de cette brochure dans la revue radicale américaine Telos n° 21 (Department of Sociology – Washington University – St Louis, MO 63130 USA) en 1974 et fut réimprimé par Black and Red (PO Box 9546, Detroit, Mich 48202 USA) et par Solidarity (Pamphlet n° 47 – c/o Lathom Road 123, London E 6). La traduction qui figure ici est celle de la brochure publiée en décembre 1975 par Échanges sous le même titre. Dans cette brochure figurent un second texte de Zerzan paru dans la brochure de Solidarity et une postface d’Henri Simon. Les notes d’Échanges sont intégrées aux notes de Zerzan avec l’indication [NEM].
Les commentateurs sérieux qui ont traité des soulèvements ouvriers de la période de la grande dépression semblent être d’accord pour estimer que la cause des troubles de toutes sortes, y compris des occupations de 1936-37, a été, avant toute chose, l’accélération des cadences [1]. Les ouvriers de la production n’en montrèrent pas moins rapidement leur mécontentement à l’égard de leur nouveau syndicat, la C.I.O. [2] : celui-ci ne faisait aucun effort pour s’opposer au droit des dirigeants de mettre en place de nouvelles méthodes de production et de modifier les conditions de travail quand il le jugeait bon. En 1945, une étude Trends in Collective Bargainings (Tendances dans les accords collectifs) remarquait qu’autour de 1940 le cynisme bien répandu des salariés américains à l’égard des dirigeants patronaux s’était étendu aux dirigeants syndicaux [3]. Plus tard dans les années 40, C. Wright Mills, dans son livre The New Men of Power : America’s Labor Leaders (Les nouveaux hommes du pouvoir : les dirigeants syndicaux américains) décrivait ainsi le rôle des syndicats : « l’intégration des syndicats dans l’usine a pour conséquence que le syndicat se charge d’une grande partie du travail du bureau du personnel des entreprises en devenant l’agent disciplinaire de base [4]. »
Au milieu des années 50, Daniel Bell comprit que la syndicalisation n’avait pas apporté aux ouvriers un contrôle sur leur vie de travailleurs. Frappé par la grande grève spontanée de River Rouge [5], qui éclata en juillet 1949 à cause de l’accélération des cadences sur les chaînes de Ford, Bell notait que « parfois les contraintes du travail mènent à une explosion aussi soudaine que l’éruption d’un geyser » [6]. Son ouvrage Work and its Discontent (Le travail et les sujets de mécontentement) (1956) établissait que « la révolte contre le travail était très répandue et prenait des formes diverses » [7] ; tout comme l’étude de Walker et de Guest faite à Harvard en 1953, The Man on the Assembly Line (L’Homme sur la chaîne de montage), qui témoignait du mécontentement et de la résistance des ouvriers sur la chaîne. Du même genre et de quelqu’un qui avait lui-même une grande expérience ouvrière : The Myth of the Happy Worker (Le mythe de l’ouvrier heureux) par Harvey Swados (The Nation, août 1957).
Travailleurs et syndicats continuaient de s’opposer sur les conditions du travail. Pendant cette période, dans l’automobile, par exemple, les accords de 1955 passés entre l’U.A.W. (United Auto Workers, syndicat des ouvriers de l’automobile) et la General Motors n’avait rien fait, ni pour arrêter l’accélération des cadences, ni pour permettre de satisfaire des doléances des travailleurs au niveau de l’atelier. À peine Walter Reuther (président de l’U.A.W.) avait-il rendu publiques les dispositions de l’accord qu’il venait de signer que plus de 70 % des ouvriers de la General Motors se mirent en grève. Et on en vit même un pourcentage encore plus important faire une grève sauvage après la signature des accords de 1958 parce que le syndicat avait, une fois de plus, refusé de faire quoi que ce soit au sujet des conditions de travail. Et c’est pour la même raison que les travailleurs de l’automobile débrayèrent en 1961 faisant stopper toutes les usines de la General Motors et un grand nombre d’usines Ford [8].
The State of the Unions (Où en sont les syndicats) de Paul Jacobs, The Disenchanted Unionist (Le syndicaliste désabusé) de Paul Saltan, et The Triumphs and Failures of Unionism in the United States (Triomphes et échecs du syndicalisme aux États-Unis) de B.J. Wildick, sont quelques-uns de ces livres, écrits au début des années 60 par des gens favorables aux syndicats, ayant été en règle générale eux-mêmes militants actifs, mais qui étaient déçus en venant à découvrir partiellement ce qu’était le rôle du syndicat. Un ouvrier noir, James Boggs, expose clairement ce processus dans une phrase : « Si on regarde en arrière, dit-il, on voit qu’aux côtés de la lutte pour contrôler la production s’est déroulée une autre pour contrôler le syndicat. Et le recul s’est produit simultanément sur les deux fronts [9]. » Mais ce qui déplaisait ainsi à Boggs, ne déplaisait pas particulièrement au patronat. L’année où Boggs fit paraître ses remarques, Fortune, ce périodique américain qui fait autorité dans le capital américain, avait comme article leader dans son numéro de mai 1963 : « Les syndicats valent bien le prix qu’on y met ». Pourtant, l’année suivante, le mécontentement persistant des travailleurs commençait de paraître au grand jour, et en juin 1964 le même Fortune signalait la montée d’une pression pour contraindre les syndicats à agir et remarquait que « la monotonie du travail à la chaîne – ce qui n’était pas sans rappeler les Temps modernes de Charlie Chaplin – avait fait sa réapparition comme un des griefs les plus importants lors des négociations de Detroit en 1964″ [10].
Dans le milieu des années 60, un autre phénomène surgit de manière dramatique et violente. Les explosions qui eurent lieu dans les ghettos noirs ne semblaient pas, pour la majorité des observateurs, avoir une quelconque relation avec les luttes quasi-clandestines qui se poursuivaient autour des conditions de travail. Pourtant, comme le montre la liste des personnes arrêtées lors de ces émeutes, bien des participants aux insurrections de Watts, de Detroit ou d’ailleurs, n’étaient pas des chômeurs [11]. La lutte pour la dignité au travail concernait certainement l’ouvrier noir qui était plus opprimé dans le travail comme dans d’autres domaines que les ouvriers non noirs. Jessie Reese, un syndicaliste responsable de la S.W.U. (Steel Workers Union – syndicat des ouvriers des aciéries), décrit la méfiance dont faisait preuve à son égard ses camarades noirs et cela parce qu’il était un agent du syndicat : « Pour syndicaliser ces gars-là aujourd’hui, il faut faire ses preuves à leurs yeux parce qu’ils ne croient pas ce que tu leur dis [12]. » L’autorité irrite, pas la couleur de la peau [13].
Quant aux formes plus directes d’opposition à ce monde du travail aliénant qui échappe au contrôle des travailleurs, on tombe sur l’expérience remarquable que fit Bill Watson dans une usine d’automobiles près de Detroit. La pratique des ouvriers était nettement « post-syndicale ». En 1968, Watson a vu des efforts systématiquement planifiés des ouvriers pour substituer leurs plans de production et leurs méthodes à celles des dirigeants de l’usine. Il qualifie de « phénomène normal » ce comportement qui répond au refus de la direction et de l’U.A.W. d’écouter les propositions des ouvriers pour des modifications et des améliorations des produits. « Les contradictions entre la planification du travail et la mauvaise qualité de la production commencèrent d’abord à alimenter des plaisanteries, mais elles finirent par devenir un motif de colère… On vit se nouer des sortes d’accords temporaires entre le contrôle et les travailleurs de la chaîne, entre les travailleurs de la chaîne et ceux de la finition, chacun planifiant son propre sabotage. Des piles et des piles de moteurs attendant d’être réparés s’entassaient… il devenait presque impossible de se déplacer. Il fallut transporter ailleurs les ateliers de contrôle et de montage des moteurs six cylindres et mettre de nouveaux ouvriers à ces postes. Il devint alors absolument – et ’dramatiquement’ – nécessaire de retirer la production des mains d’ouvriers qui voulaient la planifier eux-mêmes [14]. »
L’ampleur et la coordination de l’organisation propre des ouvriers dans l’usine atteignit un tel niveau que Watson, qui les décrit, se demande si ce n’était pas l’ébauche d’une forme sociale entièrement nouvelle, surgissant de l’échec du syndicalisme. Stanley Weir, parlant de phénomènes du même genre, quoique peut-être moins poussés, explique que « dans des milliers d’établissements industriels de l’ensemble des États-Unis, les travailleurs ont créé des syndicats informels et clandestins, et cela à cause de la détérioration ou de la non-amélioration de la qualité de la vie quotidienne au travail » [15].
Jusqu’aux années 1970, et très souvent encore maintenant, on s’est surtout intéressé à l’aspect « revendications de salaires » et « lutte pour les avantages sociaux ” dans les conflits ouvriers, c’est-à-dire à cette part de la lutte dans laquelle les syndicats pourraient être impliqués. En 1965, Thomas Brook remarquait que l’ »apathie » des membres des syndicats venait précisément de cette fausse orientation. « Les doléances qui portent sur des points qui ne concernent pas les salaires sont, soit ignorées, soit perdues dans le dédale de la bureaucratie syndicale [16]. » Quelques années plus tard, un conseiller industriel de la General Motors, David Whistler, devait admettre que » plus d’argent ce n’est pas tout ce qu’ils veulent, c’est tout ce qu’ils peuvent obtenir [17]. ”
A la fin des années 60, certains observateurs parmi les plus perspicaces du côté du patronat étaient sur le point de découvrir l’existence de cette séparation, et bientôt ils furent contraints par la pression de la base d’en parler ouvertement.
En octobre 1969, Fortune préférait encore mettre l’accent sur l’importance des salaires – considérée comme le problème fondamental – dans un article de Richard Armstrong Labor 1970 : Angry, Aggressive, Acquisitive (Le travail en 1970 : la colère, l’agressivité, l’appât du gain), tout en reconnaissant que la base était en révolte contre ses propres dirigeants et, en bien des égards, contre la société elle-même. Mais le numéro de juillet 1970 publiait un article de Judson Gooding Blue-collar Blues on the Assembly Line (Ras-le-bol des cols bleus sur la chaîne). On y lisait que :
« Les jeunes travailleurs de l’automobile trouvent que la discipline du travail est dure et ennuyeuse et ils expriment leur frustration par l’absentéisme et un taux de » turnover » (rotation d’entreprise à entreprise) élevé, le travail mal fait, voire le sabotage. Il est temps de regarder d’un œil nouveau qui est là, sur la chaîne. »
Les années 70 voient enfin poindre clairement l’idée que, sur la question la plus fondamentale, celle du contrôle du processus du travail, les syndicats et les travailleurs sont très opposés. Un camionneur de Saint-Louis remarquait que la pratique syndicale traditionnelle revenait à « abandonner les points qui débouchaient sur le contrôle ouvrier du travail, pour de l’argent et des avantages en nature » [18]. Et, rendant compte du rôle disciplinaire joué par les syndicats, il précisait la nature de ces accords consacrés par l’usage : « Les entreprises ont bien voulu abandonner de grosses sommes d’argent aux syndicats en échange de leur garantie d’éviter les arrêts de travail. » En 1973, Daniel Bell écrivait que le mouvement syndical n’avait jamais mis en question l’organisation du travail lui-même ; il résumait ainsi : « Le point crucial c’est que, quelles que puissent être les améliorations apportées aux taux de salaires, aux conditions de retraite et dans la surveillance, etc., les conditions de travail elles-mêmes, c’est-à-dire le contrôle des cadences, la répartition, la conception et l’arrangement du travail, restent en dehors du contrôle des travailleurs eux-mêmes [19]. »
En général, cette position des syndicats est passée sous silence, ce qui n’empêche pas qu’on ait vu sortir un vrai déluge d’articles et de livres traitant de cette révolte contre le caractère arbitraire des rôles assignés dans le travail, rébellion qu’il était impossible d’ignorer plus longtemps. Voici les titres de premières pages de quelques périodiques nationaux : Harper’s (juin 1972) : To Hell with work (Au diable le travail) par Barbara Garson ; Life (1 septembre 1972) : Bored on the job : Industry contends apathy and anger on the assembly line (On s’emmerde au boulot : l’industrie face à l’apathie et à la colère à la chaîne) ; Newsweek (26 mars 1973) : Who wants to work ? (Qui veut travailler ?). Dans d’autres articles, on voit apparaître clairement ce fait important : la désaffection envers le travail ne se rencontre pas seulement chez les ouvriers d’usine. Voici quelques-uns de ces articles : Fortune (décembre 1970) : The fraying white collar (Le col blanc élimé [20]) par Judson Goodings ; The Nation (13 septembre 1971) : The corporate underground (La clandestinité « corporative ») par Timothy Ingrams ; San Francisco Chronicle (27 décembre 1971) : Getting back of boss : The new underground paper (S’en prendre au patron : les nouveaux journaux clandestins) par Marshall Kilduffs ; Psychology Today (août 1972) : Collar color does not count (La couleur du col ne compte pas) par Seashore et Barnowe.
En 1971, exemple assez typique, le livre de Kenneth Lasson The Workers (Les ouvriers), traçant le portrait de neuf travailleurs en col bleu, mettait l’accent sur le mécontentement croissant. En 1972, Judson Goodings, dans son ouvrage The Job Revolution (La révolution du travail), présentait, du point de vue des managers, une discussion sur la libéralisation de la gestion du travail comme moyen de contenir la pression des travailleurs. Une équipe spéciale, constituée à la demande du secrétariat d’Etat à la Santé, à l’Éducation et à l’Aide sociale publique (Secretary of Health, Education and Welfare – HEW), rendait public son rapport intitulé Work in America (Le travail en Amérique). Page 19, on y admet que les faits essentiels comme l’absentéisme, les grèves sauvages, le turnover et le sabotage industriel sont devenus une partie importante des coûts quand on gère une entreprise. Le nombre important des personnes interrogées par Studs Terkel (cf. Working : People talk about what they do all day and how they feel about what they do– Travailler : Les travailleurs parlent de ce qu’ils font dans la journée et de ce qu’ils pensent de ce qu’ils font) (1974) montre la profondeur de ces révoltes contre le travail qui produisent de véritables ravages. Le livre révèle un mépris quasi unanime du travail et le fait qu’une résistance active est rapidement en train de remplacer le désespoir muet enduré par la majorité des ouvriers. Du soudeur au rédacteur de journaux en passant par l’ancien cadre, les interrogés font spontanément référence à leurs sentiments d’humiliation et de frustration.
La littérature qui traite de la « révolte contre le travail » passe en général sous silence les syndicats. Il suffit pourtant de jeter un coup d’œil sur certains aspects de quelques actions ouvrières spécifiques, entre 1970 et 1971, pour confirmer les remarques faites ci-dessus que cette révolte est nécessairement de nature anti-syndicale.
En mars 1970, une grève sauvage des postiers américains éclata, faisant fi des ordres des syndicats, se moquant des lois interdisant la grève aux employés du secteur public et des ordres et injonctions des autorités fédérales. S’étendant à l’ensemble du pays, elle paralysa les bureaux de postes dans plus de 200 villes [21]. À New York, où la grève commença, le président de la section syndicale des facteurs, Gus Johnson, fut pendu en effigie, au cours d’un meeting tumultueux le 21 mars, les dirigeants syndicaux se faisant traiter de noms divers comme « rats », « creeps » (salauds) [22]. Souvent, les postiers décidèrent, comme modalité d’action, de ne pas s’occuper du courrier commercial. Ce n’est que l’intervention de milliers de gardes nationaux qui put mettre un terme à cette grève. Les revendications principales des postiers portaient sur les projets de licenciement d’un grand nombre d’employés et sur les conditions de travail. En juillet 1971, les postiers de New York voulurent relancer la grève lorsque le nouveau président de la section syndicale des facteurs, Vincent Sombrotto, vint leur proposer le nouvel accord. À la fin d’un meeting orageux regroupant 3 300 ouvriers, Sombrotto et un de ses lieutenants furent finalement chassés de la salle et poursuivis tout le long de la 33e Rue par 200 syndiqués de base enragés qui les accusaient de « vendre les postiers » [23].
Revenons au printemps 1970 pour constater que 100 000 camionneurs de 16 villes déclenchèrent une grève sauvage qui dura de mars à mai, pour rejeter l’accord national signé le 23 mars par le président de l’I.B.T. (International Brotherhood of Teamsters – Fraternité internationale des camionneurs) [24], Fitzsimmons. Une irruption de violence s’en suivit dans le Middle West et sur la Côte ouest. A Cleveland (Ohio), les camionneurs bloquèrent les artères principales de la ville pendant trente jours et on estime qu’ils causèrent 67 millions de dollars de dégâts [25].
Le 8 mai 1970, une bande importante d’ouvriers du bâtiment coiffés de leur casque de travail attaquèrent des manifestants pacifistes qui défilaient dans Wall Street, envahirent le Pace College et l’hôtel de ville de New York, pour s’en prendre à des étudiants et autres personnes qu’ils soupçonnaient de ne pas être en faveur de la poursuite de la guerre au Vietnam. En réalité cette bagarre fut soutenue et dirigée par des cadres d’entreprises du bâtiment et par des dirigeants syndicaux [26], sans doute pour détourner l’hostilité des travailleurs d’eux-mêmes. Seule, peut-être, la télévision publique de New York, W.N.E.T., a compris cet incident. Dans son programme du 13 mai, intitulé « Great American dream machine » (La grande machine à rêver américaine), il y a un passage où s’expriment les véritables doléances des ouvriers du bâtiment qui, apparemment, se trouvent derrière cette affaire. Par une suite habile de questions, le programme montrait que les commies punks (salauds de communistes) n’était pas entièrement la raison de leur révolte. On y entendit défiler un tas de plaintes sur l’insécurité dans le travail, sur la tension engendrée par les cadences, sur le fait que l’on pouvait vous virer à tout moment. Quant au chef du syndicat du bâtiment, Peter Brennan, il fut reçu avec ses collègues permanents du syndicat à la Maison blanche et chaudement félicité pour son patriotisme et pour avoir fourvoyé les ouvriers. Brennan devint un peu plus tard secrétaire d’État au Travail.
En juillet 1970, pendant le travail de l’équipe du mercredi après-midi, un ouvrier noir de l’usine Chrysler à Detroit sortit une carabine M1 et tua trois membres de la maîtrise avant d’être désarmé par des membres de la section de l’U.A.W. À cela, il faut ajouter que deux autres personnes furent abattues au cours de deux incidents dans deux autres usines d’automobile, quelques semaines après que Johnson, l’ouvrier noir, eut fait son carton. En mai 1971, Johnson fut acquitté parce que considéré comme fou par le jury qui avait visité l’endroit où Johnson travaillait et s’était déclaré particulièrement choqué par les « conditions démentielles de travail » [27].
La grève de soixante-sept jours déclenchée par l’U.A.W. à l’automne 1970 est un exemple « classique » de la manière dont une grève ordinaire officielle s’oppose aux intérêts des travailleurs. Elle est une parfaite illustration de ces manipulations rituelles des individus qui se répètent si souvent et qui n’aboutissent à strictement aucune modification de la nature du travail.
Un article du Wall Street Journal (29 octobre 1970) discute des raisons pour lesquelles le patronat et les syndicats considèrent la grève comme nécessaire. Pour l’U.A.W., débrayer c’était « ouvrir une soupape de sécurité pour désamorcer la frustration des ouvriers remplis d’amertume par ce qu’ils estiment être des conditions de travail intolérables ». Une longue grève effiloche les espoirs des syndiqués de base. Et le Wall Street Journal ajoutait : « Parmi ceux qui comprennent clairement qu’il faut des grèves pour détendre les pressions à l’intérieur des syndicats, il y a beaucoup de négociateurs patronaux… Ceux-ci ont parfaitement conscience que les dirigeants syndicaux peuvent avoir besoin de ces grèves pour imposer la ratification des accords passés et se faire réélire » [28]. William Serrin l’a exprimé ainsi d’une manière très succincte : « la grève, en mettant les ouvriers dans la rue, les vide de leur ’vapeur’ ; elle réduit leurs revendications, et, ainsi, elle renforce l’autorité de la hiérarchie syndicale » [29]. Donc, la grève fut déclenchée. La première chose faite lors des négociations, c’était l’abandon des revendications sur les conditions de travail qui d’abord avaient été présentées seules. Un geste de propagande destiné au syndicaliste de base, c’était admis par tous. La discussion, et toute la publicité, se concentrait uniquement sur des questions de salaires et sur l’avancement de l’âge de la retraite. Et la farce était jouée pour aboutir finalement à une conclusion arrangée d’avance. « La compagnie céda sur toutes les revendications présentées par Woodcock (président de l’U.A.W.), des revendications qui auraient pu être satisfaites dès septembre [30]. » On n’est guère surpris d’apprendre que la General Motors a pu prêter au syndicat, pendant la grève, 23 milliards de dollars par mois [31]. Comme l’admet Serrin « la compagnie et le syndicat ne se conduisent même pas comme des adversaires et bien moins encore comme des ennemis… » [32].
En novembre 1970, les livreurs de fioul de la ville de New York, exaspérés par la résistance du président de leur syndicat à leurs appels d’action, le rossèrent en public. Toujours à New York mais au mois de mars 1971, les conducteurs de Yellow Cabs [la compagnie de taxis new-yorkaise – N.d.T.] mirent à sac le lieu de réunion du syndicat des camionneurs à Manhattan, répondant ainsi au refus des permanents syndicaux d’abandonner la tribune et le micro aux gens de la base.
En janvier 1971, les internes de l’hôpital général de San Francisco se mirent en grève, simplement pour protester contre les conditions régnant dans l’hôpital et les soins donnés aux malades. Évitant tout lien avec des organisations syndicales, leur pratique dans les négociations était de voter publiquement sur chaque point, tous les internes étant présents.
La grève de la General Motors, dont il a été question ci-dessus, ne visait en rien le contenu du travail [33]. Sachant qu’elle ne rencontrerait aucune opposition de l’U.A.W. et pensant, de plus, que c’était juste après une grève qui avait eu des effets « purifiants », la General Motors commença, en 1971, à faire porter ses efforts coordonnés pour accélérer la vitesse de construction de ses voitures ; opération nommée la G.M.A.D. (General Motors Assembly Division – Brigade de montage de la General Motors). La vitrine de cette réorganisation c’était les ateliers Vega de Lordstown (Ohio). La force de travail comptait 85 % de blancs, d’âge moyen 27 ans. Les voitures s’y déplaçaient à peu près deux fois plus vite sur les chaînes qu’avant l’installation de la G.M.A.D. Les ouvriers résistèrent sur place de diverses manières à cette cadence infernale. La General Motors les accusa de sabotage et elle dut arrêter la chaîne à plusieurs reprises. Certaines estimations fixent le nombre d’automobiles délibérément mises hors d’état de marche à 500 000 pour la période allant de décembre 1971 à mars 1972. Finalement une grève officielle fut déclenchée, après consultation de la section syndicale 1112 de Lordstown, avec 97 % de votes favorables à la grève. Mais la grève qui dura trois semaines ne put aboutir à une réduction des cadences, car le syndicat, comme toujours, n’avait, pas plus que le patron, envie de voir les ouvriers contester le contrôle de la production. Les syndiqués ont alors perdu toute confiance dans le syndicat. Gary Bryners, président de la section 1112, âgé de 29 ans, dut admettre que : « les gars sont furieux après le syndicat. Quand je traverse l’usine, je me fais siffler » [34].
Dans l’usine G.M.A.D. de Norwood (Ohio), une grève semblable à celle de Lordstown éclata en avril et dura jusqu’en septembre 1971. Ce fut le plus long débrayage (174 jours) de l’histoire de la General Motors [35]. Les travailleurs de Norwood avaient voté à 98 % en faveur de la grève au mois de février précédent, mais le syndicat, l’U.A.W., avait contraint, d’abord la section de Lordstown, et ensuite de Norwood, à débrayer séparément. Ainsi les deux usines se trouvaient isolées, ce qui protégeait le déroulement du programme de la G.M.A.D. En effet, les actions anti-ouvrières de l’U.A.W. commencèrent encore plus loin dans le passé, en septembre 1971, quand la section syndicale 674 de Norwood fut « suspendue » et administrée directement par la centrale syndicale, les syndiqués de base ayant tenté de s’opposer à la G.M.A.D. lors de la suppression des droits d’ancienneté.
Au cours de l’été 1973, trois grèves sauvages éclatèrent en moins d’un mois sur les conditions de Chrysler à Détroit. La grève sauvage d’un jour à l’usine de montage de Jefferson se termina par un succès. Doug Fraser, vice-président de l’U.A.W., déclarait à ce sujet que Chrysler avait fait une grave erreur en « apaisant les ouvriers ». Quant au débrayage de l’usine de Mack Avenue, il dut cesser lorsqu’une bande de permanents et de membres de comités syndicaux vinrent, armés de battes de base-ball et de matraques, se réunir devant la porte de l’usine pour « persuader » les ouvriers de reprendre le travail [36].
Octobre 1973 vit la signature d’une nouvelle convention de trois ans entre Ford et l’U.A.W. Mais cette signature donnait encore des preuves que les ouvriers ont l’intention de s’occuper des décisions concernant leurs vies au travail. « En dépit des accords, 7 700 ouvriers de sept usines Ford débrayèrent lorsque la date limite à partir de laquelle l’accord prévoyait qu’aucune grève ne devait être déclenchée, fut atteinte. Un certain nombre d’ouvriers cessèrent le travail parce qu’ils étaient mécontents du secret qui avait entouré les négociations [37]. »
Partant de ces brèves remarques, concernant un tout petit nombre d’actions ouvrières parmi d’autres, essayons de comprendre quelque peu l’état d’esprit général du salarié américain depuis 1965 environ.
Sydney Lens estime que le nombre de grèves en 1968, 69 et 71 a été particulièrement élevé. Il faut remonter à 1937, 1944-46 et 1952-53 pour retrouver des niveaux comparables [38]. Plus intéressante est la tendance croissante du nombre de grèves déclenchées pour rejeter des accords conclus au nom des travailleurs. Pour les accords où il y a eu intervention de la Federal Mediation et du Conciliation Service [39], et qui sont les seuls pour lesquels on ait des statistiques, on constate que le nombre de rejets des accords par la base est passé de 8,7 % en 1944 à 10 % en 1965, 11 % en 1966 et 14,2 % en 1967. Ce pourcentage s’est stabilisé depuis autour de 12 % par an [40]. D’autre part, le nombre d’arrêts de travail pendant les périodes où un accord est en vigueur a augmenté, et ceci a son importance quand on se rappelle qu’aujourd’hui la plupart des accords précisent que le déclenchement de grèves est interdit pendant la durée de l’accord. Les statistiques du Bureau du travail révèlent que, pendant 1968, un tiers environ des arrêts de travail se sont produits pendant la période de validité de tels contrats, et que c’est un « chiffre alarmant » [41] ; en 1972, ce pourcentage avait atteint deux cinquièmes [42]. En 1973, Aronowitz résumait très bien la situation : « La forme et la fréquence des grèves depuis 1967 sont un phénomène nouveau dans l’histoire du mouvement ouvrier américain. Le nombre total de grèves généralement mais aussi le nombre d’accords passés par les syndicats et le patronat et rejetés par la base, comme le nombre d’actions sauvages, a dépassé tout ce qu’on a pu enregistrer dans la période moderne [43]. » Et, comme l’ont montré Sennett et Cobb en 1971, cette période a connu « le refus le plus actif de l’autorité des syndicats par les travailleurs jeunes [44]. »
La grève de 1970 à la General Motors a été, nous l’avons dit, un exemple de l’utilité des combats « bidons » pour faire sortir, en toute sécurité, le mécontentement refoulé des ouvriers. La grève des téléphones, qui s’est étendue à tout le pays en juillet 1971, en est un autre exemple où l’on peut aussi observer les effets de la vague montante de l’hostilité envers les syndicats. Rejetant une offre de la Bell System, qui accordait 30 % d’augmentation de salaire répartis sur trois ans, le syndicat des ouvriers des téléphones C.W.U. (Communication Workers Union) déclencha une grève annonçant publiquement que la seule revendication était que “ nous avons besoin de 31 à 32 % ”, comme le déclara le président du syndicat Joseph Beirne [45]. Après six jours de débrayage, le pour cent supplémentaire était acquis en même temps qu’était définie une nouvelle politique de la Bell selon laquelle chaque employé devait se syndiquer et bien se conduire s’il voulait conserver son travail. Mais tandis que la C.W.U. se voyait ainsi accorder le statut classique de syndicat bénéficiant d’un “ closed-shop ” nécessaire pour qu’il puisse exercer le rôle d’agent disciplinaire de la force de travail, des milliers de travailleurs du téléphone refusèrent de reprendre le travail, certains poursuivant même la grève pendant plusieurs semaines, au mépris des ordres de la C.W.U.
Le 15 août, le gouvernement lança sa politique de blocage des prix et des salaires. Pour une bonne part, il s’agissait d’une réponse aux actes d’indiscipline et d’indépendance des ouvriers, dont un exemple typique était l’insoumission des ouvriers du téléphone. Sans doute y avait-il des raisons économiques annexes, mais ce blocage, et les contrôles qu’il entraînait, fut adopté aussi parce que les syndicats avaient besoin de l’aide du gouvernement pour freiner les travailleurs. Évidemment, les grèves « bidons » cessent d’être efficaces lorsque les travailleurs refusent de remplir le rôle qui leur est assigné, par exemple lorsqu’ils décident eux-mêmes de poursuivre la grève.
Georges Meany, le leader de l’A.F.L.-C.I.O., s’est fait l’avocat d’une politique de blocage des prix et des salaires depuis 1969 [46]. Dans les semaines qui ont précédé le 15 août, il a rencontré confidentiellement le président Nixon plusieurs fois [47]. Publiquement, il se sentait obligé de dénoncer le blocage comme tout à fait injuste pour les travailleurs et de le qualifier de « manne distribuée au big business » (grand capital) ; mais on ne le vit même pas exiger une taxe spéciale sur les super-bénéfices. Toutefois, il se prononça pour la tenue permanente d’une commission de contrôle des prix et des salaires à laquelle devraient bien entendu collaborer des représentants officiels des travailleurs.
Il semble assez évident que les dirigeants patronaux aient compris la nécessité d’une intervention gouvernementale. En septembre, un article de Fortune clamait que la mise en place d’un « système de commissions d’examen et de contrôle des prix et des salaires est le meilleur espoir de briser la poussée des coûts à laquelle les employeurs et les syndicats n’ont pas pu résister » [48]. Comme les travailleurs doivent chercher des compensations partielles au manque d’autonomie dans leur travail en demandant des augmentations de salaires et des avantages sociaux, les seules concessions qu’on leur accorde, leurs actions ont contribué, bien évidemment, à renforcer la pression économique, surtout dans une période inflationniste. Arthur M. Louis (Fortune, novembre 1971) remarquait que les permanents syndicaux avaient été sur le gril pendant quelque temps. Parlant de « base en révolte » chez les dockers, les mineurs, les métallurgistes, il ajoutait : « bien avant que le président Nixon ait annoncé le blocage des prix et des salaires, de nombreux dirigeants syndicaux demandaient la stabilisation, ne serait-ce que pour se sortir eux-mêmes d’une situation impossible » [49].
Un éditorial de Fortune (janvier 1972) prédisait qu’à l’automne une vague de grèves sauvages pourrait bien déferler sur le pays et contraindre à la démission les représentants des travailleurs aux commissions tripartites (gouvernement, patronat, syndicats) [50]. En fait, Meany et Woodcock durent quitter la commission tripartite bien avant cette date, précisément parce que la base refusait d’endosser la politique salariale nettement anti-ouvrière de cette commission. Bien que Fitzsimmons, leader du syndicat des camionneurs, ait décidé d’y rester et que la commission ait continué ses contrôles, celle-ci, au cours des quatre « phases » de son existence qui dura jusqu’au début de 1974, vit sa crédibilité fortement entamée et son influence décliner rapidement. Bien que ce programme de contrôle ait connu une fin prématurée, le Bureau des statistiques du travail (Bureau of Labour Statistics) attribue au plafonnement des augmentations de salaires qu’il imposa les raisons essentielles du faible nombre de grèves en 1972 (le plus faible depuis cinq ans) [51].
Pendant la première « phase », c’est-à-dire la période de blocage des quatre-vingt-dix jours, David Deitch écrivit que « le nouveau capitalisme a besoin d’un mouvement syndical puissant et centralisé avec lequel il pourrait passer des accords ». Et il explicitait ce qu’il entendait par « puissant » : « La bureaucratie doit finalement pouvoir imposer silence à la base si elle veut participer à la planification tripartite, c’est-à-dire que les grèves sauvages ne doivent pas être tolérées » [52].
Là encore, les membres de la communauté patronale ont clairement fait voir qu’ils comprenaient parfaitement quel rôle crucial jouaient les syndicats. En mai 1970, quelques heures après l’accident d’avion qui coûta la vie à Walter Reuther, le président de l’U.A.W., on put entendre des voix s’élever publiquement pour réclamer un remplaçant capable de « contenir » les travailleurs. Virgil Boyd, président de Chrysler, déclarait au New York Times : « On avait une forte personnalité pour contrôler la situation… J’espère que la personne qui lui succédera pourra maintenir la discipline intérieure de semblable manière » [53]. Et Fortune, en janvier 1971, se plaignait qu’on n’ait pas à sa disposition un tel homme fort au syndicat des charbonnages. Le sous-titre de l’article déclarait : “ les fournitures de charbon de ce pays tout comme sa prospérité industrielle dépendent d’un syndicat qui a perdu le contrôle de ses membres ” [54].
Bien que le contrôle des salaires et des prix ait échoué, le gouvernement a aidé les syndicats de nombreuses autres façons. Depuis 1970 par exemple, le gouvernement s’est efforcé de renforcer les grèves officielles en raison du rôle de soupape de sûreté qu’elles jouent. En juin 1970, la Cour suprême des États-Unis statua qu’un employeur peut obtenir d’un tribunal une décision forçant ses employés à reprendre le travail, lorsqu’il existe un accord passé entre cet employeur et les syndicats comportant des clauses de non-grève et d’arbitrage. « Cette décision de 1970 surprit fortement de nombreux observateurs du monde des relations sociales » [55], car elle allait à l’encontre d’une décision de 1962 de la Cour suprême qui ne voyait dans les débrayages que des conflits de travail qui ne pouvaient être considérés comme illégaux. De même en 1970, pendant la grève de quatre mois à la General Electric à Schenectady (New York), on vit des employés du gouvernement « supplier des ouvriers non syndiqués de ne pas tenter de traverser les piquets de grève avec comme argument que cela pourrait mettre en danger la paix sociale » [56]. Fortune reproduit une photo de cette scène avec la légende suivante : « Empêcher les ouvriers d’entrer. Empêcher les ouvriers qui voulaient travailler de tenter de traverser les piquets de grève, telle a été l’étrange tâche des policiers de Schenectady » [57].
Une décision de la Cour suprême de 1972 montre jusqu’où le pouvoir d’État est prêt à aller pour sauvegarder la farce des grèves syndicales. Elle ordonna, en effet, de réintégrer quatre camionneurs de Californie, avec paiement rétroactif de cinq ans de salaires (décision du 7 novembre 1972 prise à l’unanimité), avec comme motif que « mettre à la porte un travailleur sur le simple fait qu’il a participé à une grève est une pratique illégale et préjudiciable » [58]. Le gouvernement a soutenu les grèves « reconnues » pas seulement de manière négative mais également de manière positive. La Whatton School of Finance and Commerce, menant une étude pendant dix huit mois, a découvert que les allocations de chômage, l’aide publique et les bons de nourriture distribués aux grévistes constituaient en fait « un financement, pour une bonne part, des arrêts de travail prolongés, assuré par le contribuable américain » [59].
Il y a pourtant des domaines où les syndicats ne veulent même pas prendre le risque d’une grève officielle. L’United Steel Workers of America (syndicat de la sidérurgie) est un syndicat qui ne permet qu’aux seuls membres permanents de voter lors de la ratification d’un accord et qui « par hasard » partage le point de vue des grandes compagnies de l’acier, exprimé en mars 1973, selon lequel seuls les négociations et les arbitrages peuvent résoudre les conflits. Les accords passés dans la métallurgie et ratifiés en avril 1974, spécifiaient que le non-déclenchement de grèves devait couvrir au moins la période 1974-1980 [60]. En mars 1974, quelques jours auparavant, la cour fédérale, rejetant une requête d’ouvriers métallurgistes de la base, statua, en gros, que le syndicat n’avait pas à être démocratique pour conclure un accord avec la direction [61].
David Deitch, que nous avons déjà cité plus haut, a dit que la stabilité du système exige une structure syndicale centralisée. Le processus de centralisation est passé dans les faits et il s’est accéléré à la suite de l’agitation croissante des salariés depuis les années 60. Un article du journal fédéral Monthly Labour Review (Le mensuel du travail) de juin 1971, discute de cette accélération de la fusion des syndicats pendant les trois années précédant 1971 [62]. En août 1972, on a vu deux fusions de ce type, celle de l’United Papermakers and Paperworkers (les papetiers et les ouvriers de la papeterie réunis) et de l’International Brotherhood of Pulp, Sulphite and Paper Mill Workers (Fraternité internationale des ouvriers de la pâte à papier, de la fabrication des sulfites et des papeteries), celle de l’United Brewery Workers (brasseurs réunis) et du syndicat des camionneurs [63]. Harry Bridges, président du syndicat des dockers, s’est fait, dans un discours le 5 juillet 1973, l’avocat de la création « d’un grand mouvement du travail ou d’une fédération à l’échelle nationale » [64].
Ce mouvement de centralisation a comme conséquence d’éloigner de plus en plus l’individu de toute position donnant la possibilité d’influencer la hiérarchie syndicale, et ceci à un moment où il y a de plus en plus de chances qu’il soit obligé d’adhérer à un syndicat s’il veut avoir du travail. La situation n’est donc pas sans rappeler celle qui existait en Allemagne national-socialiste où chaque travailleur était contraint d’adhérer à « un grand mouvement national du travail ou fédération ». Dans la région de la baie de San Francisco, par exemple, on a vu en 1969, à Oakland, “ l’East Bay Regional Park District passer un accord, rare et probablement même unique, aux termes duquel chaque employé d’une agence publique [c’est-à-dire d’État – N.d.T.] devait soit adhérer au syndicat, soit lui payer le montant des cotisations ” [65]. Et toujours dans la même région, une telle pratique était jugée correcte en 1973. Un jugement du juge arbitre Robert E. Burns, dans un procès qui servait de précédent et qui concernait la ville de Hayward, statuait qu’une « ville peut exiger de ses employés qu’ils paient l’équivalent des droits d’adhésion et des timbres annuels à un syndicat, s’ils veulent garder leur travail » [66]. Si l’on en croit le département du Travail [ministère américain du Travail – N.d.T.], cette décision n’est pas seulement applicable aux employés du service public. Dans un article intitulé « Que se passe-t-il lorsque tout le monde est syndiqué ? », il laisse sous-entendre que l’obligation générale de se syndiquer serait inévitable.
Le sujet de cet article ne porte pas en principe sur l’absence de démocratie dans les syndicats ; mais il est important d’insister sur le fait que la base ne les contrôle en rien. En 1961, Joel Seidman commentait ainsi l’état de sujétion du syndiqué typique : « Il est difficile de lire les statuts régissant les syndicats sans être frappé par les nombreuses clauses qui parlent des devoirs des membres et de leur discipline et, en regard, par le faible nombre de sections qui traitent des droits de ces membres au sein de l’organisation [67]. » On peut citer ici deux excellentes études sur ce sujet parues en 1970 : Autocracy and Insurgency in Organized Labour (Autocratie et rébellion dans les organisations ouvrières) par Burton Hall [68] et Apathy and Other Axioms : Expelling the Unions’ Dissenters from History (Apathie et autres axiomes : rayer de l’histoire ceux qui contestent les syndicats) par H.W. Benson [69].
Étant relativement peu mis en danger par les actes de leurs membres, les syndicats ont commencé à resserrer leurs liens avec le gouvernement et le patronat. Le Times Post Service, dans son numéro d’avril 1969, dévoile la tenue d’une réunion de trois jours entre des dirigeants de l’A.F.L.-C.I.O. et des membres détenteurs de hauts postes dans l’administration Nixon. Réunion secrète tenue dans une station thermale très « select », Greenbriar. On y lit que le « big labor et le big government ont mitonné bien tranquillement un rendez-vous d’amoureux très intéressant dans les montagnes de la Virginie occidentale ; il s’agissait d’une réunion privée où on ne comptait pas moins d’une douzaine de membres du cabinet Nixon » [70]. Il est tout aussi bon de citer un article surprenant du New-York Times, paru le dernier jour de 1972, car il augure de ces liens entre le gouvernement et les représentants des syndicats. « Un permanent de la Maison blanche, bien au courant, révéla que le président Nixon avait offert de réserver à un représentant des syndicats un poste de haut niveau dans chaque ministère du gouvernement fédéral. L’offre que l’on dit sans équivalent dans toute l’histoire des syndicats a été faite aux membres des syndicats délégués à la National Productivity Commission (Commission nationale de la productivité) y compris Georges Meany, président de l’A.F.L.-C.I.O., et Frank F. Fitzsimmons, président de l’I.B.T., lors d’une réunion à la Maison blanche, la semaine dernière. Selon certaines sources syndicales, il faut entendre par cette offre une proposition de donner à des hommes des syndicats des postes équivalents à un sous-secrétariat du point de vue hiérarchique dans toutes les agences du gouvernement qui touchent de telles questions. Si l’offre du président est acceptée, ce serait à marquer d’une pierre blanche dans l’évolution des relations traditionnelles entre les syndicats et le gouvernement » [71].
Dans l’Oregon, les activités des Associated Oregon Industries (Industries associées de l’Oregon), qui représentent le patronat des grosses entreprises, et celles de l’A.F.L.-C.I.O. révélaient vers le début des années 1970 des rapports étroits et quotidiens entre patronat et syndicats et sur à peu près toutes les questions. Ils associaient leurs efforts pour faire les couloirs du Congrès en vue de mettre en échec les propositions de loi des défenseurs des consommateurs et de l’environnement, et ils sont même allés jusqu’à envoyer des conférenciers parler à leurs meetings réciproques à l’automne de 1971. Le 2 septembre, c’est le président des A.O.I., Phil Bladine, qui s’adressait à l’A.F.L.-C.I.O. ; le 18 septembre, Ed Whalen, président de l’A.F.L.-C.I.O., parlait devant les membres des A.O.I. [72]. En Californie comme dans bien d’autres États, le schéma a souvent été le même : par exemple, les syndicats et le patronat ont travaillé main dans la main pour s’attaquer aux écologistes en 1972 et pour s’opposer à ceux qui réclamaient une réforme des modalités financières des campagnes électorales en 1974 [73].
Révélateur est l’éditorial du Wall Street Journal de Jonathan Kwitney (15 mai 1973) intitulé Strange Bedfellows From Labor, Business Own Dominican Resort (Étranges compagnons de lit. De la plage dominicaine appartenant au syndicat et au patronat). On y apprend que la plage et une plantation de 6 000 hectares à Punta Cana en République dominicaine compte parmi ses actionnaires majoritaires George Meany et Dane Kirkland, respectivement président et trésorier de l’A.F.L.-C.I.O., Keith Terpe, permanent de la Seafarers’ Union (syndicat des marins) d’une part, et des membres haut placés de la société anonyme Seatrain Line Inc., société qui emploie des marins syndiqués au syndicat de Terpe d’autre part.
Comme leur caractère véritable est souvent méconnu, ces exemples frappants du développement de la collusion et de la coopération entre les dirigeants et le patronat ont été pour la plupart oubliés ou ignorés. Mais ceux qui peuvent se rendre compte que le travailleur ne tolère plus ses conditions de travail quotidiennes dont le contrôle lui échappe, et ceci d’une manière active, voient qu’une telle coopération entre syndicats et patronat est nécessaire et doit aussi se resserrer de plus en plus. Personnel, périodique de l’American Management Association (association des cadres et directeurs d’usine d’Amérique) déclarait au début de 1971 qu’il « était temps peut-être de célébrer un mariage de convenance entre les deux (syndicat et direction) pour maintenir l’ordre » [74]. Mais il soulignait que de nombreux travailleurs “ ont tendance à ne pas avoir confiance dans le syndicat » [75].
La raison de cette méfiance est, nous l’avons vu, ce refus historique des syndicats de se mêler du contrôle du travail par la direction des entreprises. Le périodique de l’A.F.L.-C.I.O., The American Federationist, admettait ouvertement que les syndicats ne s’y intéressaient pas, et que par conséquent ils ne s’en mêlaient pas, dans un article intitulé Work is here to stay. Alas (Le travail dure toujours. Hélas !). C’est cette position traditionnelle sur la question qui explique pourquoi, en retour, C. Jackson Grayson, doyen de la School of Business Administration (École de gestion industrielle et commerciale) de la Southern Methodist University et hier président de la Price Commission (Commission des prix), en appelait à la collaboration des syndicats avec la direction. Et dans le numéro du 12 janvier de Business Week, on trouve un appel pour « une consécration symbolique du 4 juillet 1976 » [76], consécration qui prendrait la forme de la signature réelle d’un document, d’une déclaration d’interdépendance entre les syndicats et le patronat car ils sont inséparablement liés dans la recherche de la productivité.
La productivité – autrement dit la production par heure de travail – a évidemment décru par suite de l’agitation des ouvriers résultant de leur insatisfaction. Un indice de la révolte continuelle contre le travail se trouve dans les campagnes conjointes répétées pour l’accroissement de la productivité, comme par exemple les efforts de l’United Steel Workers (syndicats de la sidérurgie) qui ont reçu une grande publicité. Un numéro spécial sur la productivité de Busines Week, daté du 9 septembre 1972, a souligné ce problème ; il a fait aussi remarquer l’opposition des ouvriers à ce genre de campagnes soutenues par les syndicats [77]. Il semble y avoir un rapport étroit entre cette baisse de productivité et les résistances aux heures supplémentaires même pendant les périodes de récession. Plusieurs milliers de travailleurs de Ford ayant refusé de faire des heures supplémentaires, un haut cadre de cette entreprise déclara en avril 1974 : « Nous sommes déroutés par ce qui s’est passé si nous nous référons à la situation économique globale [78]. »De même, au mois d’avril 1974, le Labor Department (ministère du Travail) déclara que « la productivité des travailleurs américains a connu sa plus forte chute jamais enregistrée quand, au cours du premier trimestre, cette baisse a atteint tous les secteurs de l’économie » [79].
En 1935, la N.R.A. publia le rapport Henderson dans lequel on pouvait lire « si rien n’est fait rapidement, ils ont (les travailleurs) l’intention de prendre tout en main » [80]. On fit quelque chose. Les syndicats regroupés dans l’organisation nationale et hiérarchisée de la C.I.O. furent créés et ils permirent la stabilisation. Il est possible qu’aujourd’hui, dans les années 1970, une forme de participation ouvrière soit nécessaire pour empêcher les salariés de « prendre quelque chose en main ». Irving Bluestone, chef de la section General Motors de l’U.A.W., prédisait, au début de 1972, qu’une certaine forme de participation serait nécessaire sous le contrôle du syndicat et de la direction bien entendu [81]. Comme l’a fait remarquer, à la fin des années 60, Arnold Tannenbaum de l’Institute for Social Research du Michigan, céder un peu de pouvoir aux travailleurs peut être un des meilleurs moyens d’accroître leur sujétion, si cela donne l’impression d’influer sur les choses [82].
Mais il reste douteux qu’une participation bidon puisse adoucir l’aliénation ouvrière. Plus vraisemblablement, elle ne fera que la renforcer et rendra encore plus claire la véritable nature des relations syndicat-patronat qui dureront toujours. Il est plus que probable que les institutions traditionnelles des syndicats comme la couche de professionnels rétribués, de permanents et de délégués, le monopole de la syndicalisation garanti par le patronat, et même les accords collectifs en général, seront de plus en plus remis en question [83] au fur et à mesure que les travailleurs continuent à se battre pour faire passer en leurs mains le contrôle de leur vie de travailleurs.
John Zerzan
[1] [Note EM] Voir Herbert Harris, American Labor (New Haven : Yale University Press, 1939), p. 272 ; Sidney Fine, Sitdown(Ann Arbor : University of Michigan Press, 1969), p. 55 ; Mary Vorse, Labor’s New Millions (New York : Modern Age Books, 1938), p. 59 ; Charles Walker, « Work Methods, Working Conditions and Morale », in A. Kornhauser et Industrial Conflicts (New York : McGraw-Hill, 1954), p. 345.
[2] [NEM] C.I.O. : syndicat d’industrie créé à la suite de ces grèves en opposition à l’A.F.L. syndicat de métiers (aujourd’hui fusionnés).
[3] S.T. Williamson et Herbert Harris, Trends in Collective Bargaining (New York : The Twentieth Century Fund, 1945), p. 210.
[4] C. Wright Mills, The New Men of Power : America’s Labor Leaders (New York Harcourt, Brace, 1948), p. 242.
[5] River Rouge : ville de la banlieue de Detroit.
[6] Daniel Bell, « Work and its Discontents », The End of Ideology (New York : The Free Press, 1960), p. 240.
[7] Ibid., p. 238.
[8] Stanley Vire, USA – The Labor Revolt (Boston : New England Free Press, 1969), p. 3.
[9] James Boggs, The American Revolution : Pages from a Negro Worker’s Notebook (New York : Monthly Review Press, 1963), p. 32.
[10] E.K. Faltermayer, « Is Labor’s Push More Bark than Bite ? », Fortune (Juin 1964), p. 102.
[11] J.C. Leggett, Class, Race, and Labor (New York : Oxford University Press, 1968), p. 144.
[12] Straughton Lynd, ed., Personal Histories of the Early C.I.O. (Boston : New England Free Press, 1970), p. 23.
[13] Stanley Aronowitz, False Promise : The Shaping of American Working Class Consciousness (New York : McGraw-Hill, 1973), pp. 44-46.
[14] Bill Watson, « Counter-Planning on the Shop Floor », Radical America (Mai-Juin 1971), p. 78.
[15] Weir, op.cit., p. 2.
[16] Thomas R. Brooks, « Labor : The Rank-and-File Revolt », Contemporary Labor Issues (Belmont, Calif. : Wadsworth, 1966), p. 321.
[17] William Serrin, « The Assembly Line », The Atlantic (October, 1971), p. 73.
[18] George Lipsitz, « Beyond the Fringe Benefits », Liberation (Juillet-Août 1973), p. 33.
[19] Daniel Bell, The Coming of Post-Industrial Society (New York : Basic Books, 1973), p. 144.
[20] [NEM]Jeu de mot intraduisible en français. « Fraying » au sens propre signifie élimé, usé, mais il y a des expressions comme « fraying nerves », « fraying tempers », pour traduire « à bout de nerfs », etc.
[21] Jeremy Brecher, Strike ! (San Francisco : Straight Arrow Press, 1972), p. 271.
[22] Washington Post, 27 Mars 1970.
[23] Workers World, 30 Juillet 1971.
[24] [NEM]Ce syndicat, qui englobe beaucoup plus de métiers que les camionneurs, a eu de nombreux démêlés avec les autres syndicats et fut finalement expulsé de la confédération A.F.L.-C.I.O. en 1957. Son président d’alors, James Hoffa, aujourd’hui disparu dans des circonstances mystérieuses, passait pour un véritable gangster. « Efficace dans les négociations de salaires », il était systématiquement réélu à la tête du syndicat. L’attitude décrite ici est donc une évolution considérable.
[25] Cleveland Plain Dealer, 11 Mai 1970.
[26] Fred Cook, « The Rampaging Patriots », The Nation (15 Juin 1970), pp. 712-719.
[27] William Serin, The Company and the Union, (New York : Alfred A. Knopf, 1973), pp. 233-236.
[28] Cité par Brecker, op.cit., pp. 279-280.
[29] Serrin, op.cit., p. 4.
[30] Ibid., pp. 263-264.
[31] Ibid., p. 202.
[32] Ibid., p. 306.
[33] Roy B. Helfgott, Economics (New York : Random House, 1974), p. 506.
[34] Aronowitz, op.cit., p. 43.
[35] Wall Street Journal, 9 Décembre 1972.
[36] Michael Adelman, in Labor Newsletter (Février 1974), pp. 7-8.
[37] Los Angeles Times, 27 Octobre 1973.
[38] Sidney Lens, The Labor Wars (Garden City, N.Y. : Anchor, 1974), p. 376.
[39] [NEM]Il s’agit d’organismes mis en place par le gouvernement fédéral pour servir d’intermédiaire, des sortes de commissions « bons offices ».
[40] Richard Armstrong, « Labor 1970 : Angry, Aggressive, Acquisitive », Fortune (Octobre 1969), p. 144. William and Margaret Westley, The Emerging Worker (Montreal McGill-Queen’s University Press, 1971), p. 100.
[41] Harold W. Davey, Contemporary Collective Bargaining (New York : Prentice-Hall, 1972), p. 153.
[42] Norman J. Samuels, Assistant Commissioner, Wages and Industrial Relations, lettre à l’auteur, 19 Avril 1974.
[43] Aronowitz, op.cit., p. 214.
[44] Richard Sennett et Jonathan Cobb, The Hidden Injuries of Class (New York : Alfred A. Knopf, 1972), p. 4.
[45] Remark by CWA president, Joseph Beirne, New York Times, 18 Juillet 1971.
[46] Aronowitz, op.cit., p. 224.
[47] Voir la colonne de Jack Anderson « Merry-Go-Round » du 23 Août 1971, par exemple.
[48] Robert V. Roosa, « A Strategy for Winding Down Inflation », Fortune (Septembre 1971), p. 70.
[49] Arthur M. Louis, « Labor Can Make or Break the Stabilization Program », Fortune (Novembre 1971), p. 142.
[50] Editorial : « Phasing Out Phase Two », Fortune (Janvier 1972), p. 63.
[51] Bureau of Labor Statistics, Work Stoppages in 1972 : Summary Report (Washington : Department of Labor, 1974), p. 1.
[52] David Deitch, « Watershed of the American Economy », The Nation (13 Septembre 1971), p. 201.
[53] Cité par Serrin, op.cit., p. 24.
[54] Thomas O’Hanlon, « Anarchy Threatens the Kingdom of Coal », Fortune (Janvier 1971), p. 201.
[55] Arthur A. Sloane et Fred Whitney, Labor Relations (New York : Prentice-Hall, 1972), p. 390.
[56] D’après un article anti-syndicat de John Davenport, « How to Curb Union Power » (titré Opinion), Fortune(Juillet 1971), p. 52.
[57] Ibid., p. 54.
[58] Los Angeles Times, 8 Novembre 1972.
[59] Armand J. Thieblot et Ronald M. Cowin, Welfare and Strikes – The Use of Public Funds to Support Strikers (Philadelphia : University of Pennsylvania Press, 1973), p. 185.
[60] New York Times, 13 Avril 1974.
[61] Weekly People, 27 Avril 1974.
[62] Lucretia M. Dewey, « Union Merger Pace Quickens », Monthly Labor Review (Juin 1971), pp. 63-70
[63] New York Times, 3 et 6 Août 1972.
[64] Confirmé par Harry Bridges, lettre à l’auteur, 11 Avril 1974.
[65] Dick Meister, « Public Workers Union Win a Rare Agreement », San Francisco Chronicle (13 Avril 1969).
[66] San Francisco Chronicle, « Union Fee Ruling on City Workers », 31 Octobre 1973.
[67] Joel Seidman, « Political Controls and Member Rights : An Analysis of Union Constitutions », Essays on Industrial Relations Research Problems and Prospects (Ann Arbor : University of Michigan Press, 1961).
[68] Button Hall, ed., Autocracy and Insurgency in Organized Labor (New Brunswick, N.J. : Transaction Books, 1972).
[69] 64 H.W. Benson, « Apathy and Other Axioms : Expelling the Union Dissenter From History », Irving Howe, ed., The World of the Blue Collar Worker (New York : Quadrangle Books, 1972), pp. 209-226.
[70] Times-Post Service, « Administration’s Tryst with Labor », San Francisco Chronicle (14 Avril 1969).
[71] New York Times, « Key Jobs Offered to Labor by Nixon » (31 Décembre 1972), p. 1.
[72] Phil Stanford, « Convention Time », Oregon Times (Septembre 1971), p. 4.
[73] Voir California A.F.L.-C.I.O. News, éditorial : « The Convention Caper » (14 Janvier 1972).
[74] Robert J. Marcus, « The Changing Workforce », Personnel (Janvier-Février 1971), p. 12.
[75] Ibid. p. 10.
[76] [NEM]Bicentenaire de la déclaration d’indépendance des U.S.A.
[77] Business Week, « The Unions Begin to Bend on Work Rules » (9 Septembre 1972), pp. 106, 108.
[78] New York Times, 27 Avril 1974.
[79] New York Times, 26 Avril 1974.
[80] Cité par Serrin, op.cit., p. 118.
[81] David Jenkins, Job Power (Garden City, N.Y. : Doubleday, 1973), pp. 319-320.
[82] Ibid., p. 312.
[83] Le San Francisco Social Service Union (Syndicat des services sociaux de San Francisco) est plutôt un syndicat anti-syndicat d’environ 200 travailleurs des services d’aide sociale qui a rejeté délibérément ces institutions depuis 1963. Ceci, ajouté à son militantisme dans des prises de parole et ses exposés fréquents sur la corruption et la collusion des « syndicats » leur vaut la haine de ces syndicats en place à San Francisco.