Deux marionnettistes du groupe Títeres desde Abajo (= Marionnettes d’en bas, http://titeresdesdeabajo.blogspot.c…) ont été arrêtés le 5 février à Madrid, alors qu’ils présentaient leur spectacle La sorcière et Don Cristobal, durant le carnaval. Ce spectacle, destiné aux adultes, a soulevé la colère de quelques parents… et d’un juge de l’Audiencia Nacional, tribunal d’exception hérité du franquisme – . Les comédiens sont accusés d’apologie du terrorisme. L’un de ces travailleurs du spectacle est militant de la CNT-AIT.
L’oeuvre proposée est critique par rapport aux organes de pouvoir, police, justice et autres. Le déroulement de l’action fait qu’à un moment de la pièce, un policier s’oppose à la sorcière et la laisse inconsciente. Il installe alors autour d’elle divers objets constituant un montage policier qu’il prend en photo, objets parmi lesquels figure la pancarte incriminée : « Gora ALKA-ETA ».
Pour plus de précisions sur le contenu du spectacle, lire ci-dessous le communiqué de la CNT de Grenade du 8 février (traduit par la CNT de Montpellier), qui explique en détails la manipulation dont la presse s’est fait écho.
Depuis l’arrivée à la mairie de Madrid de la gauche alternative, une guerre ouverte est déclarée par l’ancien pouvoir municipal du parti populaire (PP) qui n’arrête pas de harceler les nouveaux gestionnaires, notamment dans le domaine culturel, en exploitant certaines maladresses et la liberté prise vis-à-vis de la tradition. Dans cette affaire, comme dans d’autres, la maire de Madrid Manuela Carmena et son équipe, qui avaient commandé le spectacle, ne se sont pas montrés solidaires des marionnettistes qu’ils avaient engagés.
Des dizaines de milliers de signatures et des manifestations importantes ont eu lieu à Madrid et dans plusieurs villes sur le territoire espagnol (une quarantaine) pour exiger la libération des deux marionnettistes.
Le 10 février, les deux comédiens, toujours inculpés, ont été remis en liberté sous contrôle judiciaire.
Communiqué de la CNT-AIT concernant la détention, en Espagne, de marionnettistes accusés d’apologie du terrorisme.
Le vendredi 5 Février 2016, les deux membres de la troupe « Marionnettes d’en bas » (dont l’un est adhérent du syndicat espagnol) ont été arrêtés durant la représentation de leur dernière production, La Sorcière et Don Cristobal sur des accusations d’apologie du terrorisme. La première du spectacle a eu lieu le 29 Janvier dernier et a été reprise le 31 à Grenade, sans incidents et avec un public nombreux. La position défendue, qui se veut humanitaire, face à certains problèmes de l’actualité, pouvait trancher avec celle d’autres positions politiques. L’oeuvre prône la coexistence, la tolérance et l’acceptation des différences.
Lors de la représentation du 5 février à Madrid, une partie du public s’est sentie gênée par cette oeuvre, et loin de se limiter à une question ou des critères esthétiques, a appelé la police pour dénoncer une prétendue apologie du terrorisme. La police a procédé à l’arrestation des membres de « Marionnettes d’en Bas » qui ont été mis au secret. La presse a publié le rapport tel quel, sans y opposer la version des accusés, donnant par là-même une version totalement erronée de l’oeuvre. Les médias soulignaient la glorification du terrorisme qui y était faite par une pancarte portant le slogan « Gora Alka-ETA » (Vive Alka-ETA), jeu de mots à partir de la phrase basque et du mot Al-Qaida), sorti de son contexte. Les médias parlaient aussi d’assassinats et de viols de religieuses et de juges.
En fait, La Sorcière et Don Cristobal veut représenter la « Chasse aux sorcières » dont a été victime le mouvement libertaire ces dernières années, avec des affaires policières du style « opération Pandora », et ceci par les figures récurrentes des contes et du théâtre.
Le personnage principal, une sorcière, représente les personnes de mauvaise réputation, et elle se voit obligée d’affronter les quatre pouvoirs régissant la société, la Propriété, la Religion, la Force de l’Etat et la Loi. L’héroïne est chez elle et sa vie est d’abord interrompue par l’apparition du Propriétaire, qui est le possesseur légal de sa maison. Il n’y a pas de religieuses violées ici, mais une tentative de viol de la sorcière par le propriétaire qu’elle tue au cours de l’agression. Elle se retrouve enceinte, et un enfant naît. Là, apparaît la deuxième figure, une religieuse incarnant la Religion. Celle-ci veut, emmener l’enfant, mais la sorcière s’y oppose, et durant l’affrontement, la religieuse meurt. C’est alors qu’apparaît le Policier représentant la Force de l’Etat ; il frappe la sorcière jusqu’à ce qu’elle tombe inconsciente, puis fabrique un montage policier pour l’accuser devant la Loi en accrochant une pancarte « Gora Alka-ETA » sur son corps, qu’il tente de maintenir debout pour prendre une photo, comme preuve. A la suite vient la quatrième figure, le juge, qui accuse et condamne la protagoniste à la pendaison. La sorcière trompe le juge qui passe la tête dans sa propre corde, et elle en profite pour le pendre, sauvant ainsi sa propre peau…..
On peut estimer que cette oeuvre est ou non pour des enfants ou pour tout public, mais il est surprenant que deux personnes soient détenues au secret pour une question d’âge . Par contre la troue « Marionnettes d’en bas » n’a jamais mentionné que sa dernière création était pour les enfants. Alors que dans son blog, elle présente ses oeuvres à tout public de façon séparée : « théâtre populaire » ou « spectacles pour enfants ». Et La Sorcière et Don Cristobal n’apparaît pas dans cette dernière catégorie, on ne peut donc accuser ses auteurs de tromperie et d’attirer un public déterminé, malgré l’utilisation de poupées. De plus, dans le synopsis présenté, il était clairement question de « matraques » et de « liberté » ; le public connaissait donc le thème du spectacle, évidemment pas le terrorisme, parce que, là, il n’y a pas de terrorisme ni d’apologie du terrorisme (motif de la détention au secret). Une mesure répressive extrêmement paradoxale : c’est précisément ce que dénonce cette oeuvre. Il est surprenant de voir comment les lois anti-terrorises peuvent servir des préjugés politiques bien définis avec autant d’efficacité et peuvent mettre les accusés en situation d’impuissance, à cause de quelques plaintes. Les plaintes de personnes qui confondent le terrorisme avec ce qu’elles n’acceptent ni socialement ni politiquement.
C’est dans ce contexte international de société sécuritaire que notre confédération exprime son soutien à la troupe « Marionnettes d’en bas ». Nous exigeons la remis en liberté immédiate des détenus et revendiquons le droit à la libre expression.
10 février 2016
repris à partir du site de l’ OCL