Migrants : en accepter quelques-uns veut dire pour les Etats expulser tous les autres

Un plan européen sur le retour des migrants non réfugiés en débat

RFI, 08-10-2015 à 10:55

La question migratoire est au coeur d’une nouvelle réunion européenne. Un Conseil des ministres de l’Intérieur des 28 Etats membres qui se tient au Luxembourg ce jeudi 8 octobre. Et c’est la question du retour de ceux qui n’obtiennent pas le statut de réfugié qui sera débattue. Mais déjà, le contenu de ce plan, révélé par la presse britannique, suscite des réticences.

« Il n’y a pas de politique d’accueil durable sans éloignement de ceux qui ne relèvent pas de la protection internationale. » Bernard Cazeneuve, le ministre français de l’Intérieur le répète : un meilleur accueil des réfugiés passe aussi par une plus grande fermeté à l’égard des migrants économiques. Et l’Europe est au diapason, assure-t-il. Il lui faut juste savoir agir. « Les Européens doivent appliquer les politiques qu’ils décident, affirme-t-il. C’est toujours mon problème au sein de l’Union européenne. Les décisions sont bonnes, mais le temps et trop long. »

Pierre angulaire du plan européen pour les migrants : les « hotspots », ces centres vers lesquels les nouveaux arrivants doivent être aiguillés en attendant de déterminer s’ils répondent ou non aux critères de l’asile. Un outil important aussi pour faciliter les retours, affirme Bernard Cazeneuve. « Les « hotspots » doivent être mis en place au 1er novembre au plus tard. Cela veut dire qu’il y a un processus de contrôle européen, permanent, qui permet de veiller à ce que des règles soient établies. Cela veut dire qu’il y a un dispositif de retour qui est organisé par Frontex. »

Mesures contraignantes

L’agence en charge du contrôle des frontières extérieures de l’Union devrait en effet voir ses effectifs renforcés, avec la création d’une unité spéciale chargée d’aider les Etats membres dans les expulsions, par une aide logistique et financière.

Mais le plan prévoit également des mesures plus contraignantes. Selon quotidien britannique The Times, qui s’en est procuré une copie, le texte prévoirait en effet l’obligation pour les pays membres d’expulser tous les migrants en situation irrégulière. La Commission européenne pourrait imposer des sanctions et des amendes aux pays qui n’agiraient pas en ce sens. Enfin les migrants devront être enfermés dans des centres de rétention en attendant leur renvoi au pays. Et le plan prévoit aussi d’accroître la pression sur les pays d’origine. L’aide au développement pourrait être liée à leur coopération dans l’organisation du retour de leurs ressortissants…
________________________________________________

Plusieurs ministres européens insistent pour accélérer le retour des migrants économiques

Le Monde | 08.10.2015 à 12h08

« Les retours sont toujours durs, c’est comme ça », mais « ceux qui n’ont pas besoin de protection doivent quitter l’Europe », a insisté le ministre allemand de l’intérieur, Thomas de Maizière, jeudi 8 octobre. Une manière de mettre une nouvelle fois dos à dos migrants économiques et réfugiés politiques. Lors d’une réunion avec leurs homologues de l’Union européenne à Luxembourg, plusieurs ministres ont ainsi exprimé leur souhait de voir l’UE muscler sa politique de retours des migrants en situation illégale.

La Commission européenne a présenté un plan d’action aux États membres sur la façon d’améliorer les politiques de retour, et les ministres de l’intérieur devraient adopter un texte promettant « d’en faire plus ». « Des taux de retour plus élevés devraient dissuader l’immigration clandestine », estiment-ils dans ce texte.

« Nous pouvons accepter et soutenir les gens qui ont besoin d’une protection, seulement si ceux qui n’en ont pas besoin ne viennent pas ou sont renvoyés rapidement », a expliqué Thomas de Maizière. Même son de cloche côté britannique : « Il faut casser le lien entre le fait de faire ce voyage dangereux vers l’Europe et pouvoir rester en Europe », a plaidé la ministre de l’intérieur, Theresa May. « C’est la raison pour laquelle la Grande-Bretagne a toujours argué qu’il faut renvoyer les migrants dans leur pays d’origine, c’est la raison pour laquelle il faut réprimer ceux qui abusent de notre système d’asile », a-t-elle martelé.

Coopération avec les pays d’origine

Alors que Berlin devrait accueillir au moins 800 000 demandeurs d’asile cette année, le gouvernement britannique conservateur a toujours adopté une ligne très dure sur l’immigration, et ne participe pas à la répartition au sein de l’UE de réfugiés arrivés en Grèce et en Italie. Londres a en revanche promis d’accueillir dans les années à venir 20 000 réfugiés syriens provenant directement des camps de l’ONU dans des pays voisins de la Syrie.

Le ministre luxembourgeois de l’intérieur, Jean Asselborn, a estimé qu’il fallait « tout faire dans les prochaines semaines et prochains mois (…) pour qu’on puisse concrétiser les retours », alors qu’aujourd’hui, seuls 40 % des ordres de quitter le territoire intimés à des clandestins en Europe sont effectivement suivis d’effet.
_________________________________________________

Union européenne. Un “plan secret” pour expulser plus de migrants

Courrier international, 08/10/2015 – 11:26

Le quotidien britannique The Times s’est procuré un texte selon lequel l’Union européenne cherche à augmenter le nombre d’expulsions de migrants.

D’après un document secret dévoilé à la une du Times le mercredi 7 octobre, les ministres européens de l’Intérieur cherchent à augmenter le nombre d’expulsions de migrants dont la demande d’asile a été rejetée. Cette année, près de 400 000 migrants arrivés dans l’Union européenne devraient en effet voir leur demande d’asile refusée.

“Une augmentation du taux d’expulsion devrait agir comme une forme de dissuasion contre l’immigration illégale”, peut-on notamment lire dans ce document, qui doit être discuté par les ministres européens de l’Intérieur le jeudi 8 octobre. Ce “plan d’action pour le retour (des migrants)” prévoit entre autres la création d’une unité spéciale dédiée aux expulsions au sein de l’agence européenne de surveillance des frontières (Frontex). Et les Etats qui n’appliquent pas la législation internationale en termes d’expulsion de “migrants en situation irrégulière” pourront être contraints de payer une amende.

Le Royaume-Uni ne sera pas contraint par cette mesure car elle ne fait pas partie de l’espace Schengen. Mais il y a de fortes chances pour que Theresa May, la ministre de l’Intérieur, la soutienne, car ce plan “accroît l’espoir de régler le problème des camps de migrants à Calais”, écrit The Times. La ministre a d’ailleurs appelé à la mise en place de “laissez-passer” (en français dans le texte) qui doivent servir de pièces d’identité alternatives pour les demandeurs d’asile sans passeport.

Ce projet suscite la colère de Tony Bunyan, directeur de l’ONG Statewatch, qui compare ces laissez-passer aux tristement célèbres “pass laws” qui limitaient les déplacements des Noirs en Afrique du Sud. “Ces réfugiés qui ont fui la guerre, les persécutions et la pauvreté ne veulent pas retourner d’où ils viennent.” Il pointe le fait que ce sont des pays tiers qui feront les frais d’une telle mesure. “On ne peut pas sérieusement s’attendre à ce que la Turquie, par exemple, accepte le retour sur son sol de centaines de milliers de réfugiés”, conclut-il dans le quotidien britannique.

lu et copié:de Brèves du désordre