Il était une fois la cogestion : Lettre ouverte à Yannick Rousselet, responsable des campagnes nucléaires à Greenpeace France.

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Ci joint vous trouverez une lettre ouverte adressée à Yannick Rousselet, responsable des campagnes nucléaires à Greenpeace France. Cette lettre ouverte a été écrite dans le cadre d’une revue à paraître autour de la mort de Rémi Fraisse – manifestant tué par le souffle d’une grenade offensive cet automne lors d’un rassemblement contre le barrage du Testet -. Il était pour nous important d’évoquer dans ce cadre comment l’Etat trouve souvent au cœur des luttes des militants ou des militantes à même de relayer son discours. C’est ce rôle que notre salarié de la multinationale écologiste a accepté d’endosser en direct sur i-Télé, condamnant les « méchants casseurs » qui « sévissaient » en réaction à cet assassinat dans les rues de Nantes et Toulouse.

 

La lettre ouverte qui suit sert davantage à nous alerter, nous qui luttons la rage au ventre contre ce monde, qu’à convaincre notre professionnel de la dissociation des méfaits de ces interventions. Il est en effet à la mode dans les milieux radicaux d’appeler à composer avec ceux et celles qui depuis déjà des plombes n’ont de cesse de donner en pâture aux flics et aux journalistes des camarades de lutte. Les réactions qui ont suivi la mort de Rémi Fraisse ont vu de nombreuses personnes prendre de lourdes peines. L’arsenal répressif loin de s’émousser s’en est retrouvé renforcé. Quant aux mesures proposées par la commission parlementaire mise en place à la suite à cette mort, elles ne font que renforcer les conditions d’un maintien de l’ordre qui ne visent qu’à protéger le monde dans lequel nous sommes plongés.. Des interdictions de manifs sur le modèle des interdictions de stade au brouillage des réseaux sociaux et des portables sur des zones de manifs, tout ne fait que confirmer cette volonté de donner un tour de verrou supplémentaire. Ce n’est donc pas par repli idéologique ou sectarisme que nous interpellons ainsi Yannick Rousselet, mais bel et bien pour rompre les illusions des unités de façade. Parce que comme le maintien de l’ordre cherche à maintenir un monde, Rousselet et d’autres jouent avec ce monde en complicité.

Si nous avons choisi des pseudonymes pour nous exprimer ce n’est ni par goût du secret, ni par volonté de nous soustraire à une critique plus directe de la part de Yannick Rousselet ou de ceux et celles qui pourraient choisir de le soutenir, mais bel et bien pour éviter la personnification à laquelle n’échappe pas nos propres « milieux ». Si des personnes comme Yannick Rousselet peuvent s’exprimer au nom d’un mouvement, d’une organisation, c’est qu’ils et elles jouent de cette personnification. Finalement, user d’un pseudonyme c’est paradoxalement pouvoir parler pour nous-mêmes, se défaire de toute ambition politicienne.

Enfin Yannick cette lettre s’adresse également à toi. Nous ne cherchons pas avec elle à nourrir un quelconque dialogue. Nous ne nous illusionnons pas sur la possibilité que tu fasses évoluer tes positions. Nous t’affirmons juste au passage notre hostilité irréductible. Enfin, nous avons choisi de ne pas la faire suivre à ton employeur, Greenpeace, car tu demeures un salarié, et cela même si tes positions sont plutôt pour ce genre de structure un gage de professionnalisme.

Révolutionnairement,
Laura Blanchard et Emilie Sievert.

PS : Le Raz Blanchard est l’un des plus puissants courants marins d’Europe qui circule au large du cap de La Hague ; le millisievert est l’unité de mesure de la radioactivité la plus communément utilisée de nos jours. L’un disperse les effluents radioactifs rejetés par l’usine de retraitement de La Hague que mesure la seconde.


IL ÉTAIT UNE FOIS LA COGESTION. Lettre ouverte à Yannick Rousselet, Responsable des campagnes nucléaires à Greenpeace France.

« Nom de dieu je sais très bien comment c’est la révolution !
C’est les gens qui savent lire dans les livres
qui vont voir ceux qui savent pas,
et les voilà qui disent le moment est venu de changer tout ça !
Ils expliquent aux pauvres bougres, qui eux font le changement.
Après, les plus malins de ceux qui savent lire dans les livres
s’assoient autour d’une table pour bouffer et blablater,
pendant que c’est les pauvres bougres qui crèvent.
Et qu’est-ce qui arrive quand c’est fini ?
Rien, tout recommence comme avant. »

Il était une fois la révolution, Sergio Leone.

Yannick,

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DIRE QUE C’EST AVEC SURPRISE que nous avons découvert ton intervention du 01 novembre 2014 sur I-télévision serait mentir. Depuis quelques mois, du blocage du convoi de déchets nucléaires de Valognes aux survols de drones au dessus d’installations nucléaires françaises, tu es sur ces plateaux comme chez toi. Entre les inévitables spécialistes en think tanks, experts en maintien de l’ordre et éditorialistes de torche culs, tu dissertes ce jour là sur les manifestations qui se déroulent à Nantes et Toulouse suite à la mort de Rémi Fraisse. Dénonçant la rage des manifestants et des manifestantes, tu condamnes les groupes de « casseurs“ auxquels les médias offriraient trop d’importance au regard des milliers de rassemblements pacifiques qui auraient lieu un peu partout en France.

Quelques jours plus tôt à Sivens, la gendarmerie a assassiné Rémi Fraisse, laissant un trou béant dans sa colonne vertébrale et un immense sentiment de perte et d’absurdité pour ceux et celles qui le matin à Sivens devaient se compter pour savoir qui manquait. Tandis que ce même jour, dans les rues de Nantes, mobiles et bacqueux fignolent leur besogne en arrachant le nez d’un compagnon, et que des petits groupes de fachos attaquent des manifestants et des manifestantes, sous l’œil complice des flics, tu condamnes en direct les « casseurs“. Tu as fini par choisir ton camp, et a priori c’est plutôt celui de l’ordre… et de la division qu’il tente d’opérer entre « bon manifestants“ et « méchants casseurs“.

Ainsi en quelques années, l’activiste antinculéaire que tu étais s’est mué au contact de ton employeur Greenpeace, au nom d’une sacro-sainte religion de la non violence, mais surtout d’un pragmatisme cogestionnaire, en relai des basses besognes policières. D’autant que tu n’en es pas à ton coup d’essai. Déjà à Valognes, en novembre 2012, lors d’un départ de déchets radioactifs vers l’Allemagne, tu ne te contentais pas de tenter de récupérer l’évènement avec ton organisation, Greenpeace. Tu te dissociais également et jetais en pâture à la vindicte policière les quelques centaines de personnes qui ont alors tenté, en essayant de ralentir le convoi, de réveiller une opposition au nucléaire bien endormie. Le fait que toi et ton organisation décident d’un rassemblement la veille, dans le but assumé dans des mails internes de tirer la couverture médiatique à vous, tout en appelant vos ouailles à déserter un rassemblement « anarchiste et violent“ n’était guère étonnant. Votre refus de participer était attendu. En revanche, quand, par ta voie si médiatique, Greenpeace se dissocie en ces termes : « une ligne blanche a été franchie » ; quand elle participe au discours puant des autorités en alimentant les fantasmes de dangereux et dangereuses incontrôlables violents ; quand elle refuse le simple acte – minimal – de solidarité avec les compagnons et la compagnonnes inculpés de Valognes, en imposant, seule, son veto dans une coordination régionale anti-EPR qui souhaitait marquer sa solidarité, obligeant les autres organisations à faire chacune son communiqué ; quand par tes propos elle fournit lors de ce même procès des arguments à l’accusation, alors là, pas de doute, on change de registre. C’est un positionnement clair, pour le moins hostile à celles et ceux qui veulent lutter et retrouver un temps soit peu de prise sur la lutte antinucléaire et leurs existences. Nous étions alors quelques uns et quelques unes à en prendre acte, et à confirmer encore s’il en était besoin, que « nous n’avons définitivement plus rien à voir avec Greenpeace“ [1].

POURTANT, TES PREMIERS PAS DANS LA LUTTE ANTINUCLÉAIRE tu les as faits au Comité contre la pollution Atomique dans la Hague, le CCPAH, premier Comité antinucléaire en Cotentin. Au comité on ne badinait alors pas avec l’action sous toutes ses formes. Dès 1973, des « irresponsables“ du CCPAH stoppent avec d’autres militants et militantes un transport de combustibles. Plus tard, lors-qu’après Malville, des personnes sont arrêtés pour avoir cramé des engins du chantier de Flamanville, malgré quelques réticences, le CCPAH et les Comité Régionaux d’Information et Lutte AntiNucléaire (CRILAN), créés pour s’opposer à la construction de la centrale de Flamanville, maintiennent leur solidarité. En 1979, lors des venues des Pacific Fisher, bateaux transportant des combustibles usés en provenance du Japon pour être retraités à La Hague, l’opposition se joue dans la rue. Au petit matin les grues de déchargement sont sabotées. Des affrontements violents ont lieu dans Cherbourg assiégée par les gendarmes mobiles, les voies sont obstruées par un wagon couché sur les voies à la Salines près de l’arsenal. Des bobines PTT sont posées sur ces mêmes voies. Bref l’imagination et la rage sont au rendez-vous, les coups et les blessures également. Tandis que le lendemain la presse locale s’en donne à cœur joie contre les « autonomes“ et autres « casseurs“, la Crasse de la Manche, journal clandestin porté par des militants et militantes du CCPAH, distribué à plus de 800 exemplaires dans l’arsenal militaire de Cherbourg, où l’on fabrique les sous-marins à propulsion nucléaire lanceurs d’engins et où tu bosseras quelques années, rétablit quelques vérités en ces termes : « Les quelques jours qui ont suivi l’arrivée du Pacific Fisher à Cherbourg ont vu éclore un certain nombre de communiqués dans les colonnes des journaux locaux. Emanant de diverses organisations presque tous ces articles revenaient sur les événements qui eurent lieu sur la voie ferrée. La plupart des signataires se désolidarisaient des « éléments incontrôlés » pour certains, « autonomes » pour d’autres. Ces propos employés d’ordinaire par les forces de l’ordre ou la presse bien pensante ont été utilisées par des organisations qui feraient bien de réfléchir en deux fois avant de porter de tels jugements. En effet, il nous a semblé que ces autonomes n’étaient pas des êtres venus d’ailleurs, mais bien souvent des militants connus, membres à part entière de divers syndicats, partis ou associations. Si par malheur, ces camarades se retrouvaient un jour devant un tribunal, les juges sauront se servir des déclarations de certains pour mieux condamner ceux qui par leur action ont su compenser la carence des 18 [2] sur le terrain. Le préfet s’est déjà servi des jugements de la CGT, ce qui n’est pas pour nous surprendre. Nous ne pouvons être d’accord avec de tels comportements surtout de la part de quelque organisation que ce soit des 18. » Autonomes ?… par nécessité ! – La Crasse de la Manche, Novembre 79.
A cette époque, malgré des divergences et des discussions parfois houleuses, au sein du mouvement, même si l’on était en désaccord avec une action on savait conserver un minimum de solidarité face à l’ennemi commun, l’Etat nucléariste. Mais comme dirait July, Jospin, Cohn-Bendit ou Kessler [3], tout ça c’est une époque révolue. Pourtant alors, tout le monde avait saisi que la violence c’est l’Etat qui la porte, en expulsant, pour lancer les travaux de la centrale de Flamanville, la Case déserte, cabane occupée par les antinucléaires en 1978 ; en saturant le pays de gardes mobiles, les cafards comme on les appelait à l’époque ; en jouant les pro-centrales contre les antinucléaires ; en multipliant procès et intimidations ; en mutant des syndicalistes CFDT de La Hague trop remuants ; en tabassant, en tuant même à Malville. Tout ça ne te rappelle donc rien : des lieux occupés, des flics, des mutilés, des morts. Mais avec l’âge vient la sagesse ou l’Alzheimer précoce. Tu ne vois même plus que tu es devenu le pompier que tes amis dénonçaient jadis.
Mais c’est vrai que pour toi, l’activisme est affaire de spécialistes. Tu as participé au tournant du CCPAH au début des années 80, avec Jacky Bonnemains et Philippe Chardeur. C’est même l’époque où tu commences véritablement à t’engager. A cette période, les tentatives de blocages et les actions directes auxquelles chacun et chacune pouvaient participer cèdent la place aux actions portées par des petits groupes. C’est ainsi qu’à l’arrivée de nouveaux déchets, les grues du port vont être occupées, tandis qu’à terre les manifestants et manifestantes sont appelés à se rassembler en soutien. Ces occupation des grues compliquent singulièrement la possibilité d’intervention des forces de l’ordre et ont un impact économique réel. Mais c’est par stratégie et par lassitude de s’en prendre plein la gueule, et non par condamnation de la violence en tant que telle, que les militants et militantes s’engagent dans cette voie.

A chaque nouvelle arrivée de combustibles, les actions sont de plus en plus portées à bout de bras par des groupes d’activistes, dont tu fais partie. Greenpeace sorti des flots dans les années 70, est déjà de la partie. Elle se lie avec le groupe activiste du CCPAH. Jacky Bonnemain deviendra l’un des responsables du groupe Greenpeace France pendant la décennie 1980, tandis que toi, tu deviendras le chef de file du groupe local de Cherbourg au début des années 90, avant de devenir chargé de campagne nucléaire au national. A côté de vous, les rares antinucléaires qui restent ne jouent déjà plus que le rôle de figurants et de figurantes.

L’activisme porté par de petits groupes formés et aguerris, c’est la marque de fabrique de Greenpeace. Et la tienne. Mais elle va s’affiner avec le temps. Aujourd’hui, l’activiste, terme officiel au sein de l’association internationale, est choisi par un dirigeant ou une dirigeante de groupe local. Il ou elle suit ensuite une formation spécifique, et entre dans le giron secret des opérations coups de poing. Il ou elle aura alors le droit de faire un tour dans l’hélico de l’organisation, de se faire arrêter devant les caméras, et de passer au tribunal quelques mois plus tard. Trop cool.

EN BON KALIMÉRO, face à ceux et celles qui ont compris ton manège, tu réponds : « c’est vraiment trop injuste ! ». « Je ne leur ai rien fait ! ». « J’ai toujours été non-violent ! » Mais il est tout de même ironique alors de lâcher les centaines de personnes s’affrontant avec les flics entre les griffes bien plus acérées des violences d’Etat. Celles qui mutilent, tuent, marquent et emprisonnent. Il semble qu’à tes yeux la violence que l’Etat retourne contre les éléments les plus radicaux soit justifiée. Il faut dire qu’en plus de 30 ans, les institutions sont devenues ta seconde maison. Et la gestion de l’existant ta nouvelle vocation. Pour toi et tes amis, il ne s’agit plus tant de combattre l’atome que de faire avec. Il est là. Dès lors, les actions visent à influencer les décideurs, l’Etat, les contrôleurs et même les industriels. Elles sont complétées par le lobbying au sein des institutions locales, nationales et internationales. Greenpeace et ses supplétifs EELV, WWF et la FNE cherchent à aménager le monde en ménageant le mode de production capitaliste, et toi tu t’occupes juste du décor, plus des fondations.

En tout, tu ne fais finalement que répondre à la matrice même de Greenpeace, sorte de multinationale du militantisme écolo shootée au management, à la hiérarchie d‘entreprise et au calcul coûts/bénéfices. La multinationale engage même l’un de ses récents directeurs en France, Husting, dans la finance. Depuis longtemps, l’ONG reprend les techniques managériales et est obsédée par la professionnalisation. Elle va même jusqu’à recruter ses activistes, qui porteront les actions décidées en haut lieu, parmi les plus méritants et méritantes de ses bénévoles, tout cela encadré par les dirigeants et dirigeantes et les salariés. Pas de places pour les sympathisants et sympathisantes, ils et elles ne sont bons qu’à verser de la thune. C’est d’ailleurs l’obsession de Greenpeace qui sera l’une des ONG pionnière en matière de collectes dans les rues par de petites mains précarisées. Formés aux techniques non-violentes, aux opérations clandestines symboliques et aux discours médiatiques bien préparés, les activistes, sondés, triés et formés sont la vitrine de l’organisation. En se mettant en péril, ils et elles offrent l’image d’un attachement à la cause, et permettent à l’ONG d’engranger de nouveaux adhérents et adhérentes, et ainsi de nouveaux subsides. C’est pour cette raison essentielle que Greenpeace labellise toutes ses actions, et qu’elle est sans aucun doute totalement étrangère aux survols d’installations nucléaires par des drones. Parce que l’activiste est une ressource et l’action un business plan.

A côté de cela, Greenpeace fréquente assidûment les salons et les cercles patronaux et politiques. Et toi également. L’Etat n’est plus un ennemi mais un sparring partner, avec qui l’on boxe en complicité. Les intrusions dans les centrales ne visent plus qu’à renforcer les dispositifs de sécurité ; les révélations sur les mensonges des industriels à améliorer la sureté des installations ; le retrait des commissions d’information à réclamer une représentation plus juste des antinucléaires. Parce que votre entreprise ne vise plus à changer le monde mais à le ripoliner en vert pâle, en mixant nucléaire et renouvelable, c’est juste la part du nucléaire qu’il faut réduire. Vous ne travaillez plus avec vos amis Facebook d’EELV qu’à ajuster nos vies au meilleur des mondes dans lequel nous sommes plongés en administrant le vivant. Ce maintien d’un monde, pendant du maintien de l’ordre, connecte au réseau énergétique existant ses projets industriels labellisés renouvelables – éoliennes offshores, hydroliennes titanesques, centrales photovoltaïques monumentales – portés par les mêmes industriels qui continuent de promouvoir l’atome. Tout ça pour continuer à faire tourner toutes nos chères industries, nos datas center, nos lignes TGV, tout un tas d’infrastructures de transport d’électricité qui sont appelées à proliférer. Pas de souci, toi et nos chers écolos s’y rallient avec enthousiasme comme pour la nouvelle ligne THT FAB reliant le réseau français et britannique sous prétexte que cette ligne transporterait de l’énergie renouvelable. Oubliée la vocation de cette interconnexion européenne à exporter la surproduction en base de nucléaire de l’industrie française qui produit trop, et importer l’électricité en période de pointe, fournie par les autres énergies. Oubliée la nocivité des lignes qui lorsqu’elles transportent de l’électricité charrient leucémies et mammites, et qui par la magie de la fée écologiste acheminerait dès lors petites fleurs et soleil radieux. Ces projets d’interconnexion, toi, Greenpeace et la FNE les soutiennent au niveau européen, et les relaie au niveau local.

Entre écolocrates, Etat et industriels, comme hier entre Etats patrons et syndicalistes cogestionnaires, il s’agit maintenant de disserter entre gens responsables sur la durée de vie des centrales nucléaires, de réduire l’impact des installations. Tu travailles donc en étroite collaboration avec l’Autorité de Sureté Nucléaire, autorité faussement indépendante, comme les nucléaristes « modernisateurs » et « démocrates » ont su en promouvoir. Et tu peux ainsi laisser parler cette nouvelle responsabilité écologiste dans la revue de l’ASN, Contrôle  : « Greenpeace rappelle que, au regard des perspectives de stagnation ou très faible augmentation de la consommation électrique et de la diminution programmée de la part d’électricité d’origine nucléaire en 2025, la solution la plus simple et la plus sage consiste à ne prolonger aucun des réacteurs au-delà de ses 40 ans. L’ASN a redoré son blason depuis la loi TSN et sa manière de communiquer sur l’accident de Fukushima. Elle est maintenant à l’épreuve des faits. Elle doit afficher ses exigences sans aucune concession auprès des exploitants, et n’accepter aucun marchandage. Les années qui viennent devront être celles qui montreront sa véritable nature : son indépendance. » Ceux et celles qui devront supporter tes 40 ans d’EPR te remercient d’avance.

Etre antinucléaire à Greenpeace ça se résume à se transformer en spécialiste en radioprotection. « De son côté, le Gouvernement doit tenir ses engagements en dotant l’ASN des ressources humaines et financières nécessaires à l’accomplissement de la tâche qui l’attend. Il doit doter l’ASN d’un pouvoir de sanctions graduées efficace permettant de contraindre les exploitants à respecter ses prescriptions et réglementations. (…) L’ASN ne devra donc avoir comme seul critère que la sûreté des installations et aucun critère économique ne devra l’influencer. La sûreté ne se marchande pas. Soit une modification n’est pas nécessaire, soit elle l’est quel que soit son coût. La sûreté des réacteurs français est à ce prix-là ! ». Comme tu neutralises la fonction de l’Etat, pourtant principal promoteur de l’atome en France, tu neutralises celle des autorités de sûreté aux mains des nucléaristes… C’est beau l’esprit citoyen. C’est le même souci qui t’habite lors des survols d’installations nucléaires par des drones comme tu le claironnais inquiet sur le plateau d’I-Télé : « On a dit et répété dans des institutions officielles (…) nos systèmes de protection sont perfectibles (…) nos centrales nucléaires ne résistent pas à une attaque aérienne (…) » C’est bizarre, ces installations, malgré le leg qu’elles ne manqueront pas de nous laisser, nous ne les ressentons pas comme les nôtres, mais comme un sacré héritage de merde, et surtout nous n’entendons pas les gérer avec ceux et celles qui les ont construites et les administrent, et encore moins à leur profit. C’est ce que pour ta part tu fais avec d’autres complices de l’ACRO, du GSIEN ou de FNE au sein du Haut comité à la transparence et l’information sur la sûreté nucléaire. Toi et tes complices du haut comité n’avaient d’ailleurs jamais cessé de vous croiser dans les Commissions locales d’information autour de La Hague. De jacky Bonnemains à Monique Sené, il ne manque personne. A croire que La Hague fut le parfait laboratoire de cette « démocratie » et de cette « transparence nucléaire ».

LORSQUE LE POUVOIR SENT QUE LA SITUATION S’EMBRASE il est toujours heureux de trouver des pompiers. Dans un quartier, c’est le grand frère, la clique associative, dans une boîte, c’est le ou la cacique syndical du coin, dans ton cas l’activiste baroudeur d’autant plus au dessus de tout soupçon qu’il est sûrement rempli de sincérité. L’ordre établi a d’autant plus besoin de gens comme toi, que depuis quelques années il ressort la figure de l’ennemi intérieur. Il trouve toujours des gens pour l’appuyer. Merci Yannick. S’il y a toujours quelques activistes radicaux suffisamment admiratifs de vos savoir-faire, moyens et compétences pour vous accueillir toi et ta multinationale de l’écologie, avec nous ça ne prend plus. Et nous la joue pas « vous divisez le mouvement“, ce serait tout de même gonflé après avoir ainsi livré quelques antinucléaires en pâture sur les plateaux télé. Inutile de préciser qu’on te claque pas la bise. Mais t’inquiète on ne sera sans doute pas sans se recroiser, nous, « djihadistes verts », face aux armes de la police, toi, militant modèle, entouré de caméras ou sur les plateaux télé. Nous ne sommes définitivement pas du même côté de la barricade, ni de l’écran. Gaffe aux projectiles.

Caen, Juin 2015
• Laura Blanchard et Emilie Sievert
blanchard.sievert@riseup.net

Notes

[1Conclusion de la brochure Greenpeace, ou la dépossession des luttes écologistes, par un anarchiste du CRAN (Collectif Radicalement Antinucléaire).

[2Les 18 c’est le cartel d’organisations qui des antinucléaire à la CFDT et au PS appellent à bloquer le convoi.

[3Faut-il te rappeler que July de mao devint patron du Libé libéral, que Jospin de l’OCI se transforma en premier ministre, que Cohn-Bendit de trublion anarcho-communiste se mua en chef de file des écolocrate libéraux et que Kessler de l’UEC devint le numéro 2 du MEDEF qui n’eut de cesse de défaire l’Etat providence… tous ces petits chefs gauchistes de l’après 68 sont devenus l’encadrement du monde capitaliste qu’ils exécraient.