La stratégie de l’escargot

« Il faut porter la panique à la surface des choses »

Ce matin – dix jours après le vingt-et-unième anniversaire de la mort de Maria Soledad Rosas, deux jours après le dix-huitième anniversaire de la mort de Carlo Giuliani, et quelques heures avant l’annonce du verdict du tribunal de Florence contre une trentaine d’anarchistes – la ligne ferroviaire qui relie Rome et Florence est à l’arrêt, suspendue, bloquée. Qu’est-il arrivé ? A l’aube, en proche banlieue du chef-lieu toscan, une cabine électrique du TGV s’est réchauffée au point de s’enflammer. Serait-ce un hasard ? Une coïncidence ? Une « vile provocation » ? Ou bien, plus simplement et humainement, un geste d’amour et de rage ?

Il est facile d’imaginer que se trouvent sur place un ramassis de techniciens des chemins de fer et de la préfecture de police. Après les premières constatations, les responsables de Rfi [Rete ferroviaria italiana] ont déclaré que « l’origine de l’incendie contre les installations qui gèrent la circulation des trains est liée à un acte volontaire causé par des inconnus ». Des inconnus qui avec un petit rien ont provoqué le chaos dans la circulation ferroviaire nationale, un secteur important de ce système public de transport qui fait chaque jour fonctionner notre aimable société, déplaçant des marchandise humaines et inhumaines selon les besoins du marché. Et quand plus rien ne fonctionne, on le sait, on est alors obligé de penser à toute autre chose.

Oui, on le sait bien, on le sait que les flics et les journalistes – habitués comme ils sont au mutisme de l’obéissance ou au choeur du consensus – prendront nos mots rien moins que comme une « revendication ». Mais que voulez-vous ? C’est plus fort que nous. On ne réussit pas à contenir notre émotion en constatant comment ce géant nommé Pouvoir a encore et toujours des pieds d’argile. Comment il suffit d’allumer une cigarette à l’air libre de la campagne sous la lune pour l’envoyer en tilt. Comment toute sa magnificience exhaltée, toute son invincibilité arrogante dépendent de fragiles câbles disséminés un peu partout. Si vulnérables qu’ils peuvent mettre être neutralisés par une limace*.

Le spectre de la mort et la menace de la prison pourront arrêter ceux qui doivent cultiver leurs propres intérêts, mais ils n’ont jamais arrêté ceux qui désirent ardemment leur propre liberté.

[Traduit de l’italien de finimondo.org, 22/7/19]

* NdT :
Le 30 mai dernier, sur plusieurs lignes du sud du Japon, une grosse panne de courant avait stoppé des dizaines de trains et provoqué des retards pour 12 000 passagers. La Kyushu Railway Company avait été contrainte d’annuler 26 trains et d’autres avaient été affectés par des retards qui avaient semé le chaos sur un réseau ferré célèbre pour son efficacité et sa ponctualité. Fin juin, on apprenait finalement que c’est officiellement une limace s’étant introduite dans un boîtier électrique avant de griller net qui avait fait disjoncter le tout.