«Défense collective» ? – Mais quelle  » défense »

Ce mercredi 19 juin 2019 à 19h se déroulera aux Fleurs arctiques une
discussion sur le thème de la défense collective, ci-dessous l’appel à
discussion.«Défense collective» ? – Mais quelle « défense » et quelle « collective
» ?Dans les situations de répression judiciaire, il devient rapidement
difficile de s’extraire de la temporalité imposée par la justice : on
réagit dans l’urgence pour se préparer aux dates et délais imposés de
manière irrévocable, on fournit une quantité d’énergie impressionnante
pour soutirer quelques informations à un standard, à un avocat, on est
trimballé d’un jargon technique à un silence, et pourtant toute cette
précipitation a des conséquences énormes sur l’issue des procès.
S’ajoutent bien trop souvent à cette urgence des mesures judiciaires qui
mettent des bâtons dans les roues à l’élaboration de la défense :
contrôles judiciaires qui limitent les déplacements, interdictions de se
voir qui rendent difficile de penser ensemble la défense, prison
préventive qui isole complètement la personne. Partant de ce constat, de
la volonté de sortir de la précipitation à laquelle la justice nous
accule, nous proposons un moment de discussion aux Fleurs Arctiques pour
réfléchir, échanger, en partant du principe que c’est plutôt en
s’appuyant sur des analyses conséquentes de la nature et du
fonctionnement de la justice et de la répression que nous pourrons
éviter de nous enfermer dans une position de faiblesse absolue. C’est
pourquoi on ne se limitera pas à des aspects strictement techniques de
l’anti-répression. Nous choisissons de proposer une discussion générale
qui puisse librement explorer autant de pistes que chacun sera prêt à en
amener. La répression dans le contexte actuel, c’est aussi, avant les
cours de justice, les techniques policières de contrôle qui se
renouvellent à grande vitesse, l’expérimentation grandeur nature de
méthodes contre-insurectionnelles faisant de nous de perpétuels cobayes
(drones, gestion préventive des risques de désordres urbains, et
intensification de l’utilisation des images, vidéos, avec toujours plus
de pression quant à la démocratisation d’un fichage de la population à
plusieurs niveaux – entre autres par les prises d’empreintes digitales
et d’ADN), puis le passage du dispositif policier à sa traduction en
justice, qui, de plus en plus souvent, incrimine les intentions et des
formes de complicité présumée. La répression ne se limite pas au rapport
à la justice, et on pourrait lui donner un sens beaucoup plus large
touchant bien d’autres aspects de la vie sociale. Mais c’est plus
particulièrement son aspect judiciaire et policier que nous allons
aborder. Tous ces débuts d’analyses (à poursuivre) nous amènent à nous
demander quelle place et quel contenu nous pourrions donner à
l’anti-répression : s’agit-il d’un domaine purement technique qui ne
demanderait entre nous que des échange de «bons procédés» ? Ou alors,
comment pouvons-nous agir en cohérence avec nos idées devant un
tribunal, que ce soit par le refus de tout dialogue, ou par l’expression
de convictions politiques ? La justice est-elle un champ où il est
opportun de lutter politiquement, de ne pas tomber dans un rapport
purement instrumental ? Comment dépasser la position du soutien ? Quel
contenu donner à la notion de solidarité, dans la défense comme dans
l’attaque, qui loin d’être une dette, pourrait tout aussi bien être la
poursuite et la continuation des luttes et des pratiques incriminées ?
Ce sera aussi l’occasion de revenir sur les propositions concrètes de
s’opposer au fonctionnement normal de la justice, telles que les
défenses collectives comme refus de l’isolement et de la séparation des
cas. Nous devons bien faire avec (et souvent contre) des situations qui
comportent différents niveaux d’interlocuteurs (avocats, inculpés,
proches, familles et autres personnes solidaires…), des choix parfois
différents de défenses individuelles ; nous devons faire avec les
difficultés liées à la question technique du droit, dans un contexte qui
encourage à adopter des discours et positionnements connivents,
innocentistes, voir dissociatifs, avec les pressions pour obtenir nos
empreintes, ADN, codes, voire des vidéos, des images de nous ou
d’autres, supposées permettre de mieux s’en sortir sur un terrain que
nous ne choisissons jamais… Tout cela nécessite d’être sérieusement
discuté pour que nous puissions, éventuellement sur un plus long terme,
refuser cette connivence qui nous coûte si cher à tous, et trouver des
possibilités de défense tangibles et appropriables par tous. Nous
espérons que cette discussion pourra contribuer à aller dans ce sens, à
rebrousse-poil des attentes des magistrats.
[reçu par mail]