Prison: nouvelles organisations du renseignement à compétence nationale

Prison:le renseignement bientôt  service  à compétence nationale

L’évasion spectaculaire de Redoine Faïd, survenue dimanche 1er juillet, vient reposer la question des moyens du jeune bureau central du renseignement pénitentiaire (BCRP), né en 2017. L’administration pénitentiaire (AP) n’a pas donné de détails sur le suivi dont le célèbre braqueur pouvait faire l’objet au-delà de son seul statut de détenu particulièrement signalé (DPS). La prévention de la criminalité organisée et des évasions sont historiquement au cœur des missions du BCRP. Or, la fuite de Redoine Faïd intervient quelques mois seulement avant une montée en puissance très attendue de ce renseignement pénitentiaire, alors qu’il est monopolisé depuis sa création par la question de la radicalisation et l’accélération des sorties des ex-djihadistes liés aux filières irako-syriennes.

Selon nos informations, au vu de la multiplication des risques, un changement de statut du BCRP a en effet été acté, il y a plusieurs mois, afin qu’il devienne un véritable « service à compétence nationale » et non plus un simple « bureau » comme il l’est aujourd’hui. Cette évolution organisationnelle devrait être officialisée dans le futur plan de lutte contre le terrorisme dont l’annonce a été repoussée à fin juillet. Le décret n’est pas encore signé. Il le sera d’ici à la fin de l’année. Mais, en pratique, la nouvelle architecture du BCRP sera opérationnelle à partir de septembre, en même temps que le déploiement de brouilleurs dans les établissements pénitentiaires les plus sensibles.

Lourde chaîne hiérarchique

Dès cet automne, le futur service national de renseignement pénitentiaire sera ainsi rattaché directement au directeur de l’AP, Stéphane Bredin. Une façon de l’extraire de la lourde chaîne hiérarchique en place dans cette administration de 40 000 agents, tout en cloisonnant plus efficacement la remontée d’informations. Une condition indispensable à un rapprochement avec la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) dont le futur plan du gouvernent.doit aussi acter le rôle de grand chef de file de la lutte antiterroriste en France.La DGSI mettra ainsi à disposition ses agents spécialisés en matière pénitentiaire et ses outils de développement informatique.

Avant même l’évasion de Redoine Faïd, les faiblesses du BCRP étaient connues. Créé début 2017 dans un format très réduit par la précédente majorité, essentiellement pour répondre à l’urgence apolitique face à la menace djihadiste, le service n’a commencé a être réellement opérationnel qu’à l’été de cette même année. Sa montée en puissance s’est faite très rapidement. Le service s’est en effet retrouvé directement rattaché aux besoins de surveillance des quelques 500 détenus pour terrorisme ( condamnés ou en détention provisoire) et des 1200 autres incarcérés pour des faits de droit commun identifiés comme radicalisés.

Les renforts de personnels n’ont pas cessé depuis 2017. Mais des compétences manquent encore au jeune service. Quelques 35 recrutements sot prévus cette année, 38 en 2019, puis encore l’équivalent en 2020. Les profils recherchés sont surtout des officiers pour les établissements, des traducteurs et des analystes.

Le changement de statut du BCRP est une réponse au système actuel, jugée dépassé. Aujourd’hui les délégués au renseignements dans chque prison dépendent hiérarchiquement du chef d’établissement. Ils ont ensuite au dessus d’eux les cellules régionales du BCRP, elles-mêmes soumisent à l’autorité de chacune de directions interrégionales des services pénitentiaires, puis le bureau central. Un organigramme considéré trop administratif pour une matière opérationnelle rendue d’autant plus sensible qu’elle et recueilli en univers clos, et où une discrétion absolue vis -à-vis des sources essentiellement humaines.

Quelques incidents ont d’ailleurs montré les limites de cette organisation. Comme ce chef d’établissement qui a judiciarisé un peu trop tôt un cas que lui avait signalé son référent renseignements alors que la DGSI travaillait dessus. Ou, à l’inverse, un référent soucieux de confidentialité qui a pris une initiative sans en informer son chef d’établissement, lequel s’en est offusqué. Dans la future organisation, les personnes travaillant pour le renseignement pénitentiaire dépendront directement de la direction centrale, qui sera, elle, chargée des liens avec les services patrtenaires (DGSI ou autres).

Cette organisation a nécessité un peu de pédagogie, mais elle a fini par être admise en interne. Le directeur de l’administration pénitentiaire est déjà celui qui signe toutes les demandes d’écoutes proposées par le renseignement pénitentiaire ; transmises par la suite à Matignon.

Malgré toutes ses évolutions structurelles, le protocole pour les sorties de prison est lui, désormais bien établi.Le pilotage officiel revient depuis quelques jours à l’unité de coordination de la lutte antiterroriste(Uclat), rattaché directement au ministre de l’intérieur. L’Uclat chapeaute toujours les cellules animées en région par les préfectures. Les informations du renseignement pénitentiaire transmise en amont de la sortie pemettent de décider du service compétent (DGSI, renseignement territorial, etc.) et d’une éventuelle mesure coercitive complémentaire à prendre, telle que l’assignation à résidence, comme prévu dans la loi post-état d’urgence d’octobre 2017..

le journal le monde du 3 juillet 2018

Jean -Batiste Jacquin

et Élise Vincent