Ceci n’est pas un programme! Cela peut présenter un intérêt

[reçu par mail]

Pour info (et discussions éventuelles).

Cordialement.

Henri

 

L’espèce de bilan du mouvement contre l’aéroport et son monde qui a fait naître la Zad de Notre Dame des Landes, présenté par le texte « Des dynamiques inhérentes aux mouvements de contestation », mérite quelques commentaires. L’essentiel de son analyse n’est pas fausse mais c’est une schématisation qui, malgré son titre, ignore la dynamique de ce mouvement.

Il est vrai qu’il y a des positions divergentes et parfois même peu compatibles entre les différentes composantes de ce mouvement mais c’est, précisément, un mouvement, c’est-à-dire quelque chose qui a évolué au fil du temps et évolue encore. Or cette « analyse » fige les positions en deux camps quasi antagonistes et grossièrement définis. Dès le départ, il est faux de dire que ce sont les occupants  arrivés sur la Zad en 2009 qui sont à l’origine de la formule « contre l’aéroport et son monde » et que les « historiques » n’auraient été que bornés à une opposition au seul projet d’aéroport. Dès sa création, il y avait au sein même de l’Acipa, des gens qui défendaient un engagement plus large que ça. L’arrivée et l’installation des occupants n’a fait que les renforcer. De plus, ces rencontres ayant généré une dynamique d’échanges, de discussions, d’entraides, bien des gens qui n’étaient au début que « contre l’aéroport » ont évolué (comme ce fut le cas sur le Larzac à l’arrivée des « hippies » et « gauchistes », ainsi que le montre bien le film de Christian Rouaud Tous au Larzac). C’est d’ailleurs une des caractéristiques de ce genre de situation. A se fréquenter on se comprend mieux, des barrières tombent, des opinions évoluent. Et même si les « intérêts » ne semblent pas être toujours les mêmes, il se crée une osmose qui nourrit un progrès des opinions et des comportements. Arrivant après quelques années de cette fréquentation enrichissante, l’opération César de 2012 d’attaque contre la Zad et de destruction des lieux de vie a profondément soudés des gens dont la complicité ne semblait pas aller de soi, a priori. Ne voir dans cette dynamique qu’une utilisation cynique, par les « citoyennistes », des autres Zadistes vus comme « idiots utiles » est une grossière caricature. Cette image relève d’un regard de froid « stratège » politicien qui ignore ce qu’il y a d’humain dans de tels mouvements.

Il ne s’agit pas de nier ici qu’il peut y avoir, dans ce mouvement multiforme, des gens ayant des arrières pensées différentes, des apprentis arrivistes et plus ou moins manipulateurs, des bureaucrates en herbe. Il y en a dans tous les mouvements. Mais c’est nier la nature générale de ce mouvement de n’y voir que ça.

La description des AGs comme lieu privilégié de ces « manipulations » bureaucratiques est aussi réductrice. Dans ces AGs, il y a eu, au contraire, beaucoup d’efforts pour qu’elles ne soient pas monopolisées par ceux qui étaient le plus « à l’aise » et ne pas trop pénaliser ceux et celles qui avaient du mal à s’exprimer. Ce qui n’est jamais facile. On l’a tous expérimenté. (Et ne nions pas qu’il puisse arriver que lorsque certains balbutiements promettent de prolonger interminablement les débats, la fatigue se fasse sentir, et s’exprime. Et on serait tenté d’ajouter que s’exprimer, c’est comme tenir un marteau ou une bêche, ça s’apprend. Certes on a besoin d’aide pour ça, mais il faut aussi faire un effort, et même parfois un gros effort. J’en sais quelque chose.)

Mais,  pour avoir assisté dans ma vie à bien des AGs je me permets d’affirmer que je n’ai jamais vu autant d’efforts de compréhension mutuelle que sur la Zad, avec de nombreuses et copieuses engueulades, bien sûr, comme dans tout mouvement vivant, mais avec des conclusions souvent moins bornées et exclusives que partout ailleurs.

Même chose pour l’entraide : la Zad a été un lieu où l’entraide et la solidarité ont existé bien plus que nulle part ailleurs. Bien sûr, sans que ce soit parfait. Certains ont pu manquer d’eau, d’électricité, de marteaux et de pioches, plus souvent que d’autres. Mais il y a eu de nombreuses tentatives de corriger ça, loin du chacun pour soi et des luttes pour l’accaparement qui sévissent ailleurs. Caricaturer ça en mainmise par les « élites » sur les moyens permettant de mieux vivre est d’une lamentable grossièreté.

Un mouvement est quelque chose qui se construit. Ce n’est pas l’application du jour au lendemain d’une société idyllique, même si elle se présente sous une forme fort désirable (Pour ne pas confondre avec les « utopies » totalitaires en tous genres). Dans les tentatives d’émancipation, de libération, on part d’une aliénation profonde pour essayer de construire un monde meilleur. Tout est à faire en mettant les mains dans le cambouis.  Il arrive que ça fasse des taches que ne connaissent pas les bébés Cadum, c’est vrai. Mais c’est comme ça que ça avance. C’est justement pour ça qu’on appelle ça un mouvement. Si certains pensent avoir des recettes pour le faire progresser, qu’ils les mettent à l’épreuve dans le mouvement. Mais les constats d’insuffisance sans proposition concrète pour en sortir, ça fait de belles jambes de bois sur lesquelles on ne dansera pas.

Bien sûr, la critique du processus qui a conduit à la normalisation de la route « des chicanes » est juste. Les négociateurs se sont leurrés sur les effets de cette tentative de montrer aux autorités leur disposition à la conciliation. Quand on baisse son froc devant son ennemi, comme preuve de bonne volonté, tout ce qu’il voit c’est qu’on sera plus facile à violer. Il fallait avoir toute la naïveté des « citoyennistes » pour ne pas voir que la préfète les enfumait copieusement. Ils l’ont appris à leurs dépens et ce sont effectivement ceux qu’ils ont mis dans le caca par cette « libération » de la route qui en ont le plus souffert. Mais présenter ces « négociateurs » comme sorte de troisième colonne machiavélique se faisant fossoyeuse du mouvement est, là encore, grossièrement caricatural. D’ailleurs, ils ont prouvé depuis, qu’ils ne lâchaient pas le mouvement comme ça. L’intervention flicarde les a réveillés.

Et présenter comme manipulés et abusés tous ceux qui parmi les occupants se sont ralliés à cette stratégie foireuse c’est vouloir ignorer que, s’ils se sont laissés séduire par l’idée de compromis possible, c’est qu’ils avaient peut être le sentiment qu’ils ne pourraient pas faire le Chiapas à Notre dame des Landes et qu’ils avaient peu envie d’aller au casse-pipe pour la gloire du combat anti-capitaliste « jusqu’au bout ». On ne peut leur reprocher et moins encore les considérer comme des capitalistes ou petits bourgeois en devenir. La plupart des Zadistes essaient de trouver une voie qui conjugue leurs convictions, leurs engagements, avec la sauvegarde de ce qu’ils ont déjà construit. Ce n’est pas facile. Les mépriser parce qu’ils se débattent dans le champ boueux des contradictions n’aidera en rien à ce qu’ils en sortent.

L’analyse d’I.M. annonce d’entrée que son objectif est de détruire ce qui lui semble un « mythe », une « fable » : celui de l’unité dans la diversité que bien des gens présentent comme caractéristique du mouvement Zadiste de Notre Dame des Landes, et qui a fait effectivement sa force et sa richesse, tout en en faisant un exemple que veulent suivre de nombreux révoltés contre cette société. Dénoncer les mythes est un sport auquel un certain milieu « radical » s’adonne à plaisir. C’est une manière de poser comme « exigeant » qui ne coûte pas cher. Je me souviens encore de ces « anarchistes » anglais qui au moment de l’insurrection polonaise de 1970 reprochaient aux insurgés de « ne pas avoir détruit d’un coup le salariat et l’état ». Ce radicalisme « sans concessions », je sais, pour l’avoir pratiqué dans ma jeunesse, qu’il n’a jamais nourri qu’un sectarisme débilitant n’ayant jamais réussi à faire avancer le mouvement révolutionnaire d’un millimètre mais renvoyant bien des révoltés à un isolement affaiblissant, déprimant et parfois suicidaire.

A quoi sert l’analyse d’I.M. ? Une fois lu ce constat, on fait quoi ? On continue à se battre en essayant d’avancer dans le marécage des divergences unies ou on va coucher son découragement dans le lit de la pseudo-« lucidité » désarmante ? La réponse, pour moi, est dans la question.

Gédicus,

18 avril 2018.

Bonjour,

En pièce jointe, un texte de camarades anarchistes de Caen, envoyé comme réaction au texte de Gédicus.

 

http://lherbentrelespaves.fr/index.php?post/2018/04/13/Mai-68

 

http://palimpsestes.fr/textes_philo/castoriadis/philosophie-antidote.html

 

Cordialement.

Henri

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