Les conséquences des élections en Italie seront bien plus graves pour l’Europe que le Brexit. Si l’on peut comparer le Brexit à une grippe passagère, le glissement de l’Italie vers l’euroscepticisme ressemble à une pneumonie, à traiter à fortes doses d’antibiotiques pour éviter des effets irréversibles.
A qui la faute ? En grande partie à l’Europe et à ses Etats membres, qui ont fait la sourde oreille aux problèmes de la péninsule. Tout d’abord, l’arrivée de millions de migrants sur les côtes d’Italie et le refus des autres pays européens d’en accueillir plus qu’une proportion minime ou de s’engager à une protection efficace des frontières maritimes. En parallèle, l’impact de la crise financière de 2008 et l’explosion de la dette publique, attribués par M. Dijsselbloem, président de l’Eurogroupe, à la propension des pays de l’Europe du Sud à dépenser l’argent inconsidérément et à demander, ensuite, de l’aide. Dans les deux cas, on voit, de façon à la fois anecdotique et exemplaire, la disparition du principe de base de la construction européenne, à savoir la « solidarité communautaire ».
L’impact sur l’opinion publique italienne a été désastreux, et pour cause. Jusqu’à il y a dix ans, l’Italie était l’un des pays où l’opinion soutenait avec le plus d’enthousiasme le projet européen. Il n’a fallu qu’une décennie pour que cela soit remplacé par un euroscepticisme majoritaire qui n’a rien à envier au FN. Que les partis politiques traditionnels se soient montrés incapables de sortir le pays de la crise est indéniable, mais peut-on vraiment les blâmer, coincés, comme ils l’ont été, entre l’intransigeance dogmatique des pays du Nord sur le budget et l’arrivée de millions de migrants du Sud ?
On n’est, heureusement, pas à la veille d’un « Italexit » mais l’impact sur l’Europe d’un futur gouvernement de coalition, majoritairement eurosceptique, sera dramatique et bien plus grave que le Brexit. L’Italie n’est pas seulement l’un des pays fondateurs de l’UE, mais aussi un Etat membre sur le soutien duquel on a presque toujours pu se reposer pour faire avancer l’Union. N’oublions pas, c’est un pays à 60 millions d’habitants, avec une production industrielle qui dépasse celle de la France de 20 % et celle de l’Angleterre de 50 %. Or, au-delà des chiffres, c’est la posture politique qui compte.
Comment remédier à ce désastre annoncé ? Il n’y aura pas de miracle. Pour arrêter et inverser ce mouvement, il faut s’attaquer à ses racines :1) apporter à l’Italie toute l’assistance nécessaire pour résoudre le problème des migrants, qui est aussi le nôtre ; 2) adopter des politiques macroéconomiques qui permettent au pays du Sud de relancer leurs économies. La France aura à jouer le rôle majeur, en raison du dogmatisme et de l’égotisme de Berlin, et de l’incapacité de la Commission de sortir des schémas habituels. Un rôle rêvé pour le président Macron, avec son « Europe qui protège ».