Algérie: Une colonie anarchiste : Tarzout ( région de Khenchela). Ramsont et Vernet au bloc pour une affiche du Père Peinard(8)

Supplément du Père Peinard 14 mars 1897, collé sur un arbre à Ténès.

En Algérie, pays de l’arbitraire par excellence, l’affiche du 18 mars n’a pas passé sans que les marchands d’injustice cherchent pouille.

A Ténès, deux bons fieus en avaient collé une, – rien qu’une ! Ils ont été fichus au bloc et gardés douze jours au secret. Ramsont qui tient tient un débit à Ténès a eu son café fermé ; quant à l’autre victime, Vernet, du coup il a perdu sa place d’employé des pont-et-chaussées.

En outre, le copain Reclus, qui avait remis l’affiche aux deux gas va être poursuivi comme complice, sous prétexte d’excitation au pillage et d’apologie de faits qualifiés crimes.

Ils ont du culot, les jugeurs algériens !

Ils sont les dignes copains de la gradaille qui torture les pauvres troubades dans les régiments africains et assassine les Chédel, les Cheymol et tant d’autres.

Le Père Peinard 18 avril 1897

*************

Ainsi, il faut aller au fin fond de l’Algérie pour trouver un enjuponné du calibre de celui qui traque actuellement André Reclus.

J’en ai déjà causé : sur un arbre, à Ténès, deux bons fieus, Ramsont et Vernet collèrent en son temps une unique affiche du Père Peinard au Populo, à propos du 18 mars 1871.

Le jugeur en question y vit une trifouillée de délits et ficha tout en branle : en vertu des lois scélérates, – qu’on applique jamais, ainsi qu’ont le culot de l’affirmer ces jean-foutre d’opportunards et de radigaleux, – il colla au bloc Ramsont et Vernet, les garda une dizaine de jours et ne les mit en liberté qu’après avoir perquisitionné partout et leur avoir fait perdre leur travail.

Mais ils n’étaient pas quittes !

Ramsont et Vernet furent poursuivis en correctionnelle, en vertu des lois scélérates – ainsi qu’André Reclus, englobé dans le procès comme les ayant provoqués à afficher le placard du Père Peinard.

Ainsi, cette affiche, qui n’a pas offusqué les jugeurs de Paris, – et pour cause ! – parce qu’elle n’était pas délictueuse, – et qui a été placardée aux quatre coins de la France, n’a pas trouvé grâce devant un chat-fourré algérien.

La loi scélérate en mains, cet enjuponné a découvert dans la pauvre affiche une kyrielle de délits, d’apologie et de provocation …

Ces trois victimes passèrent donc en correctionnelle. Les jugeurs prirent huit jours de réflexion – et ils acquittèrent les trois prévenus.

Alors, on vit un phénomène gondolant : l’avocat bêcheur n’accepta pas ce verdict, fit de la rousptance et exigea un nouveau tour de jugerie. En argot de chats-fourrés « il en appela à minima.

Conséquemment, le premier juillet, – devant la cour d’appel d’Alger cette fois, – ce procès, aussi loufoque que dégueulasse, va se dévider à nouveau.

Il est probable que les jugeurs d’Alger ne seront pas plus bêtes que leurs copains d’Orléansville : ils acquitteront purement et simplement !

Quoi qu’il en résulte, cette aventure aura servi à prouver l’infection du régime républicain : qu’il plaise à un chat-fourré de faire des mistoufles à un bon bougre qu’il ne gobe pas et – grâce aux lois scélérates… ou d’autres – rien ne lui est plus commode.

Elle est propre la liberté !

Et maintenant où est le salaud – opportunard ou radigaleux – qui osera prétendre que les lois scélérates sont un attirail inappliqué et inapplicable ?

Le Père Peinard 27 juin 1897

**********

Toujours les chats-fourrés !

Alger. – Les chats-fourrés algériens ne sont décidément pas ordinaires : ils viennent de coller une variante à la scie connue :

Si cette histoire vous emmielle

Nous allons la recommencer !

Et ils recommencent !

Non pour amuser, mais mais bien pour embrenner leur monde jusqu’à la gauche.

C’est pas de la blague ; André Reclus, Ramsont et Vernet n’ont pas fini d’être canulés pour l’affichage du placard du Père Peinard.

Après huit jours de ruminade, les jugeurs ont déclaré que l’apologie de la Commune n’est pas un acte de propagande anarchiste, car la Commune ft une insurrection collective et non pas individuelle.

« Donc allez-vous dire, les trois bons bougres sont acquittés ! … ».

Vous n’y êtes pas, les camaros.

Ces sacrés marchands d’injustice ont bien déclaré que, dans le cas, la loi scélérate n’est pas applicable, mais, au lieu d’acquitter, purement et simplement, ils ont renvoyé l’affaire devant la cour d’assises.

Il est à espérer que les jurés seront moins bêtes et moins charognards que les jugeurs.

Le Père Peinard 17 juillet 1897

**********

Maboulisme de chats-fourrés

Les bons bougres se souviennent des fantastiques aventures arrivées à trois algériens, André Reclus, Ramsont et Vernet qui, au mois de mars dernier, commirent un délit épouvantable : au fin fond de la brousse algérienne à Ténès, sur un arbre, ils collèrent une affiche du Père Peinard au Populo, pondue à l’occase de l’anniversaire du 18 mars 1871.

Les bons fieus ne se doutaient pas qu’ils commettaient un acte tout plein répréhensible : ils pensaient avoir d’autant plus la liberté de coller le placard en question que, depuis huit jours, il s’en étalait des masses, tant à Paris qu’aux trente-six coins de la France.

Ils n’avaient oublié qu’une chose, les trois bons fieus : c’est que l’Algérie est un pays conquis et que – même des français de France – ne peuvent faire là-bas ce qui se fait sur le continent.

Là-bas, c’est le règne du bon plaisir !

Le birbe qui a un brin d’autorité peut se payer toutes les fantaisies qui lui passent par la boule, vis à vis des arbis : on les assomme, on leur fait la chasse, on les déquille, … et faut pas qu’ils aient l’air de renauder, sinon, gare ! Ils sont cuits pour de bon.

A agir ainsi contre les bicos, les charognards prennent goût à l’arbitraire et en viennent vite à agir kif-kif contre les français.

Donc l’affiche du Père Peinard au Populo que nul, en France, n’avait trouvé répréhensible, fit loucher un hargneux jugeur algérien : pour se faire mousser, et aussi pour vider sa poche à fiel sur quelqu’un, il se mit en devoir de poursuivre les afficheurs.

C ‘était de la loufoquerie toute pure : l’affiche était signée selon la loi, le premier à poursuivre était l’imprimeur.

En Algérie, on n’y regarde pas de si près !

L’enjuponné en question fit fiche les afficheurs au bloc, en garda deux au secret le plus absolu pendant une huitaine, puis les poursuivit en leur opposant la loi scélérate.

Les jugeurs d’Oran trouvèrent loufoques les prétentions de l’avocat bêcheur qui réclamait cinq ans de prison.

Oui, foutre, rien que cinq ans ! Pour chacun des trois accusés.

C’était tellement loufoque que les jugeurs d’Oran* se lavèrent les mains de pareille malpropreté et acquittèrent les accusés.

L’avocat bêcheur, furieux du camouflet que lui administraient ses copains du comptoir, alla en appel, – ce qu’en argot justiciard on a baptisé : en appel à minima.

Le procès se rejugera à Alger.

A cette resucée, les jugeurs ne furent encore pas trop gourdes : ils refusèrent de condamner, disant que, si l’affiche était critiquable, comme, comme il s’agissait d’une appréciation des actes de la Commune, ça regardait le cour d’assises.

Ce coup-ci on pouvait supposer que les enragés marchands d’injustice qui avaient emmanché ce procès baroque se tiendraient pour battus.

Ah ouat, c’était mal connaître les chat-fourrés ! Cette engeance ne pardonne jamais et désarme encore moins.

Sur ce, l’avocat bêcheur de la cour d’Alger fit signe à une collection d’enjuponnés tout ce qu’il y a de plus racorni : la cour de Cassation.

Cette collection est l’assemblage de tout ce qu’il y a de jugeurs antédiluviens et y a foutre pas à mettre en doute leur réactionnarisme.

Aussi, ils n’ont fait ni une, ni deux : ils ont cassé le jugement d’Alger et ont renvoyé André Reclus, Ramsont et Vernet devant le comptoir correctionnel** d’Aix.

C’est y au moins la dernière station ?

Le Père Peinard 12 septembre 1897

*Il s’agit du près qui eut lieu à Orléansville et non Oran

**En fait la cour de cassation dans son arrêt du 26 août 1897, renvoie l’affaire devant la cour d’appel d’Aix.

(Bulletin des arrêts de la Cour de cassation rendus en matière criminelle. Date d’édition : 1897)

********

Toujours les « lois scélérates »

Les bons bougres n’ont pas oublié l’idiot procès intenté par un chat-fourré algérien, aussi hargneux que désoeuvré, à André Reclus, Ramsont et Vernet, coupables d’avoir placardé sur un arbre de Ténèz, une affiche du Père Peinard sur le 18 mars 1871.

Les trois bons bougres furent poursuivis malgré qu’à Paris, ni aux quatre coins de la France, nul n’ai été inquiété pour cette même affiche.

Mais, en Algérie, pays où fleurit mirifiquement l’arbitraire et les chardons dont se gavent les jugeurs, rien ne se passe comme en France.

On se souvient du mic-mac : les prévenus furent acquittés à Orléansville ; l’avocat-bêcheur en appela à minima et les acquittés repassèrent en jugerie à Alger, où le tribunal se déclara incompétent. Cet arrêt fut cassé et les vieux détritus purulents qui meublent la Cour de Cassation furent chargés de prononcer : ces gâteux expédièrent les trois accusés devant le tribunal d’Aix.

Et les jugeurs de l’endroit n’ont pas refoulé !

La sale besogne qui avait écœuré les enjuponnés algériens, n’a pas donné de nausées à ceux d’Aix : ils ont eu le culot de condamner !

Certes, ils ont été indulgents… Mais là n’est pas la question : toute la vacherie est dans le procédé !

André Reclus a ramassé 50 balles d’amende et Vernet et Ramsont chacun 16 francs.

Et voilà encore un dégueulasse échantillon de l’application des LOIS SCÉLÉRATES !

Le Père Peinard 2 janvier 1898

repris de http://endehors.net