Le Tav [TGV italien] est partout, malheureusement. La Valsusa pas, heureusement. Ceux qui veulent s’opposer au Tav peuvent le faire partout ; pas besoin de se rendre dans le Piémont. Pas besoin de partir et de revenir ensemble avec les maires, pas besoin de partager la polenta avec des élus, pas besoin d’applaudir des magistrats. Ils n’ont pas besoin de devenir polytiglottes pour communiquer avec les différents animaux politiques à l’intérieur du zoo assembléaire. Ils peuvent le faire seuls, ou avec qui ils veulent. Avec ceux qu’ils aiment et estiment, pas avec ceux qu’ils tolèrent et supportent. Où et quand ils veulent, pas aux endroits et aux échéances écrites sur l’agenda militant. Il suffit d’un peu d’imagination et de détermination.
Le Tav est partout, et il l’est désormais depuis de nombreuses années. Et depuis de nombreuses années la possibilité de le frapper l’est également. Comme cela s’est en effet passé ces dernières années un peu à travers toute l’Italie. Et comme cela arrive encore aujourd’hui. Aujourd’hui plus qu’hier ? Ce qui est certain c’est qu’aujourd’hui les médias sont en train de donner une grande résonance à ces faits, à la différence d’hier. Ce qui pourrait augmenter les probabilités d’une généralisation. Tant mieux. Mais en ayant clairement à l’esprit que le sens d’un acte n’est pas donné par son share télévisé, ni par son partage (to share, justement) citoyen. Dans le cas contraire, nous devrions tous remercier Erri De Luca d’avoir défendu publiquement la nécessité du sabotage, et même les juges du tribunal de Turin de ne pas avoir condamné l’un d’entre eux le 17 décembre dernier comme acte de terrorisme. Comme s’ils avaient le mérite du retour du sabotage, ce sabotage qui avait été au cours des ans excommunié et refusé par beaucoup, par trop de subversifs à courant alternatif.
Le Tav est partout, le saboter est facile et à la portée de tous les hardis et toutes les ardeurs. Ce qui se passe ces derniers jours en est la énième confirmation. Comme cela était déjà arrivé plusieurs fois dans le passé, il suffit d’un seul coup de cloche pour provoquer un écho qui pourrait à son tour se transformer en une volée. Un écho à distance, pas une contagion directe. Une inspiration individuelle, pas un complot collectif. De la fantaisie singulière, pas de la stratégie commune. C’est ce qui pourrait arriver dans les prochains temps, faisant enfin sortir la lutte contre le Tav des frontières étroites d’une vallée civilisée pour s’étendre à un pays chaotique. Et si ce n’est pas la revendication spécifique d’une lutte qui doit se diffuser mais ses modalités, eh bien, que cela soit : que ce soit le sabotage qui se diffuse partout, pas la légitimité de la politique. Que ce soit toute cette société à être bloquée, pas seulement un train trop coûteux et nuisible.
Et lorsque ce courant cessera d’être continu pour redevenir alternatif, lorsque les médias reprendront leur silence mussolinien sur les faits qui se produisent, lorsque le calcul de la politique reprendra le dessus sur l’excès de rage, alors, comme toujours, il suffira d’un peu d’imagination et de détermination. Et d’un autre, d’un nouveau coup de cloche.
[Traduit de l’italien de finimondo, le 23/12/14]