Mieux vaut prévenir

  A propos de prévention des infiltrations policières

« Mieux vaut prévenir… Il est indispensable de développer une intelligence commune autour des pratiques policières d’infiltration, de renseignement et de répression. Sans doute que faire du bruit, les rendre publiques permet déjà d’en limiter l’impact (et pas seulement parce qu’on grille les sources). Mais il faut aussi s’attaquer au terrain qui permet aux flics de manœuvrer relativement facilement. Quelles prises nos formes collectives d’organisation et de vie offrent-elles déjà aux flics ? Comment au fond la police fonctionne déjà en notre sein, créant une disposition à la collaboration ? Il y a sans doute tout le petit jeu des embrouilles qui n’arrivent pas à s’assumer franchement en désaccords, des rumeurs colportées sur tel ou telle, toute cette machine à produire des identités et des étiquettes bien pratiques quand il s’agit ensuite de les ranger en organigramme… Mais plus essentiellement le problème semble concerner la densité politique des « mouvances » potentiellement ciblées par la police. Autrement dit, ce qui peut permettre de l’empêcher d’opérer préventivement, c’est tout simplement ce qui d’ordinaire doit rendre nos existences et nos initiatives politiques un tant soit peu vivables : un peu moins de défiance et de ressentiment, un peu d’intelligence dans les conflits, un tant soit peu d’intégrité ou de sincérité et surtout une solidarité matérielle et affective qui soit à la hauteur. »

Voici un extrait du texte écrit sur le site d’info alternative Rebellyon.info en 2012. Ce texte est un retour critique de camarades, suite au recrutement d’un indic dans le milieu lyonnais, ou les auteur.e.s se demandent comment les choses auraient pu être mieux faites pour éviter ça. Pour saisir le contexte dans lequel on lieu ces infiltrations policières on peut lire aussi ce texte ou l’on apprend que cette vague de répression fait suite, entre autre, à la mort d’une militante suite à l’essai d’une bombe artisanale à Chambéry.

Il semble intéressant de ressortir ces textes dans un contexte Grenoblois où le préfet a annoncé qu’il n’y aurait « aucune complaisance avec le milieu anarchiste et libertaire » et où différents médias nationaux commencent à cartographier une « mouvance anarcho-autonome Rhônalpine ». De plus, même si dans certaines interviews du procureur Jean-Yves Coquillat, on apprend que le milieu libertaire est « difficile à infiltrer » (cf. Daubé du du 29/10/2017), cet article de france inter [1] nous apprend, par contre, que l’enquête des services de renseignements se penchant sur la série de sabotage sort désormais du cadre Grenoblois. On pourra dénombrer trois services nationaux sur l’affaire : direction du renseignement de la préfecture de police de Paris, direction générale de la police nationale et bureau de lutte antiterorriste de la direction générale de la gendarmerie nationale. Voilà pourquoi une analogie peut être faite avec la situation lyonnaise d’il y a 7 ans.

A titre préventif, pour protéger nos réseaux et pour trouver des solutions collectives, je vous invite à lire les textes cités plus haut, en débattre et les divulguer. Pourtant, je ne voudrais pas que cela déclenche chez certain.e.s d’entre nous des accès de paranoïa démesurée les poussant à voir des flics partout autour d’elleux, ce qui serait absurde et aurait l’effet inverse. Les scénarios d’infiltration hollywoodiens occupent tant nos cerveaux qu’on a tendance à oublier les formes très bénignes qui peuvent faire de nous des informateur/trice : parler en garde à vue, véhiculer des ragots et des rumeurs au téléphone, dans des soirées du milieu, dans certains dossiers universitaires et, phénomène nouveau et inquiétant, sur les réseaux sociaux.

Et bien sûr, comme dit plus haut « toute cette machine à produire des identités et des étiquettes bien pratiques quand il s’agit ensuite de les ranger en organigramme »

En espérant entamer là à une réflexion collective sur la protection de nos lieux et de nos vies.

Salutations

[Publié sur indymedia grenoble, 14 novembre 2017]

NdSAD:

[1] Il n’est pas question de mettre un quelconque lien actif vers un organe au service des flics et de l’Etat. C’est pourquoi l’article de France Inter (en date du vendredi 27 octobre 2017) a été exceptionnellement recopié ci-dessous:

Des groupes anarcho-libertaires dans le viseur des services du renseignement français

Selon nos informations, les plus importants services de renseignement et d’enquêtes sont sur la piste de mouvances dites « d’extrême-gauche anarcho-libertaires », notamment en Isère mais aussi bien au-delà.

DGSI, renseignement territorial, direction du renseignement de la préfecture de police de Paris, direction générale de la police nationale et bureau de lutte antiterorriste de la direction générale de la gendarmerie nationale : la liste des services mobilisés de près ou de loin est impressionnante. Tous s’intéressent à une série de faits, en particulier des incendies criminels à Grenoble puis Meylan (Isère).

Le premier a eu lieu il y a un mois, le second cette semaine. Dans ce dernier cas, le procureur de Grenoble Jean-Yves Coquillat a évoqué des liens « troublants » avec le précédent incendie criminel de la caserne de Grenoble, revendiqué sur le site Indymedia.org par un groupuscule d’activistes anarcho-libertaires de la région. Le mode opératoire est identique.

Les spécialistes restent prudents

Un proche du dossier fait le lien avec bien d’autres opérations, qui auraient pu mal tourner et provoquer la mort de gendarmes ou de policiers. Un lien que les enquêteurs font également avec les grands affrontements de ces dernières années avec les forces de l’ordre : Sivens, Notre-Dame-des-Landes, Bure, la loi Travail… Le procureur de Grenoble est même allé jusqu’à comparer l’incendie de Meylan… avec un attentat djihadiste comme celui de Magnanville (où deux policiers avaient été tués à leur domicile).

Mais sur ce point, les magistrats spécialisés restent, eux, prudents. Le parquet antiterroriste à Paris ne s’est pour l’instant pas saisi de cette affaire. Car il y a la jurisprudence Tarnac : après des sabotages de lignes TGV il y a près de 10 ans, l’enquête avait été ouverte pour un acte terroriste. Au final, les suspects, qui contestent toujours les faits, seront jugés au début de l’année prochaine, mais en correctionnelle.

sans attendre demain