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Le 11 mai 2019 On vous attend nombreux à l’adresse suivante 55 Rue Roger Salengro
Bourg-lès-Valence, 26500 France
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À Gênes, le 27 avril, la permanence de la Lega rue Macaggi, a été attaquée dans la matinée. La porte d’entrée ainsi que la façade de l’édifice au premier étage ont été repeintes. La plaque funéraire d’Ugo Venturini*, a également été endommagée après une manifestation organisée le 4, pour l’anniversaire de sa mort, le pare-brise arrière de la voiture d’un des manifestants (côté facho) a également volé en éclat.
Le 25 Avril, à Rome dans le quartier de Prati, le local de la Lega rue Alessandro Farnese, a été attaqué à coup de Molotov (qui n’a pas explosé à cause de la pluie).
À Averse et Casoria (en Campanie, dans le sud de l’Italie), les permanences éléctorales, de la Lega ont également été détériorées, les jours suivants le 25 Avril (1).
À Modène, (Émilie-Romagne, dans le Nord de l’Italie), les flics qui protégent les lieux pour la venue de Salvini, ont été accueillis à coup de jet de pierres.
* Membre du MSI (Movimento sociale italiano : parti politique néofasciste italien, né en 1946 suite à l’interdiction du Parti national fasciste) mort le 1er mai, après avoir reçu une bouteille sur la tête lors des affrontements dans la ville, pendant un rassemblement du MSI
(1) Fête de la « LIbération » en Italie, qui correspond à la commémoration de la fin de la Seconde Guerre mondiale, et de la fin de l’occupation nazie.
Reformulé depuis la presse
information reprise dans cracher dans la soupe
Note d’Attaque : au delà des critiques qu’on peut porter à la Fédération Anarchiste (et il y en a un paquet), on veut souhaiter ici un prompt et complet rétablissement au camarade blessé à Publico.
www.federation-anarchiste.org / vendredi 3 mai 2019
Un compagnon anarchiste a été violemment attaqué à coups de couteau dans la librairie Publico hier après-midi. A priori, rien ne montre qu’il s’agisse de le viser spécifiquement mais plutôt l’organisation dans laquelle il milite : la Fédération Anarchiste.
Nous ne nous laisserons pas impunément menacer, intimider ou violenter.
Nous continuerons à lutter et à porter, même en ces temps d’obscurantisme, haut et clair, nos messages politiques, qui sans doute dérangent en ces temps de lutte. Nous continuons le combat contre cette société qu’on nous impose.
Solidarité avec notre compagnon, Solidarité avec Publico,
Vive l’anarchie
5 mai 2019
Dès l’instant où l’on s’accorde pour reconnaître un rapport entre le mouvement des Gilets jaunes et les processus contemporains de totalisation et de globalisation du capital — processus que nous avons nommé « la révolution du capital » — il importe de caractériser ce rapport et de le faire autrement qu’en termes de simple rapport immédiat cause/ conséquence. Des flots de discours et d’écrits ont été produits qui relèvent de cette détermination causale : les Gilets jaunes sont en révolte contre les dégâts de tous ordres que la « mondialisation » exerce sur eux ; les Gilets jaunes sont les victimes de « La Finance », des firmes multinationales et de l’État rançonneur.
Cette affirmation n’est pas fausse, mais elle est sommaire au point de friser la tautologie puisqu’on pourrait en dire autant de n’importe quelle manifestation sociale ou de n’importe quelle revendication catégorielle. De plus elle ne rend absolument pas compte du caractère inattendu et imprévu du soulèvement des Gilets jaunes ; de ce qui en fait un évènement historique singulier.
Il nous semble donc plus approprié d’avancer que les Gilets jaunes ont opéré comme un révélateur, un analyseur de la révolution du capital. C’est d’un effet de dévoilement, d’élucidation, de révélation et d’intervention dont il nous semble plus juste de parler à propos du moment-Gilets-jaunes en France et dans le monde.
Inversons le raisonnement. Plutôt que d’analyser l’évènement Gilets jaunes comme une simple conséquence de la révolution du capital, énonçons quelques effets-Gilets-jaunes sur celle-ci.
– Ce que les activistes gauchistes, et d’autres, ont nommé — pour le dénigrer — « l’interclassisme » du mouvement des Gilets jaunes est un effet de l’effacement des frontières et des « lignes » de classe produit par le processus de moyennisation enclenché dès la fin des années 1960. Une moyennisation qui s’est d’abord effectuée par le haut suite au dernier assaut prolétarien. Les différentes crises depuis lors, ont enrayé ce processus dans une configuration où cette moyennisation semble perdurer en s’effectuant par le bas, avec une paupérisation de certaines fractions de la population, mais sans prolétarisation. C’est comme si se reposait la question de la « composition de classe » au sens des opéraïstes italiens, mais sans le paradigme de la classe qui servait de point de repère théorique. C’est ce qui explique la difficulté à cerner la composition sociale très diverse et multiple des Gilets jaunes : classe moyenne inférieure pour certains, classe populaire pour d’autres, plèbe encore, etc. Elle rend compte de la disparition des identités de classe ; elle révèle la tendance démocratiste de la dynamique du capital ; elle expose son utopie unificatrice et normalisatrice. La subordination d’une couche sociale sur une autre en fonction de sa place dans les rapports de production — si elle n’a pas disparu — n’est plus le mode de domination principal exercé par le capital parce que les rapports de pouvoir se sont démultipliés.
– L’utilisation massive des réseaux sociaux pour mobiliser les Gilets jaunes quelque soit le type d’action, révèle non seulement la puissance des technologies de l’information et de la communication dans les interactions collectives, mais elle constitue un indicateur élevé de l’individualisation des rapports sociaux. Processus d’individualisation et de particularisation qui est un opérateur central du pouvoir désocialisant du capital. Mais le mouvement des Gilets jaunes a justement dû et su renverser cet ordre des choses en utilisant les réseaux sociaux en lieu et place des médiations traditionnelles de mobilisation et en inventer de nouvelles qui ont pris de vitesse le pouvoir en place.
– Sur les ronds-points, dans les occupations de plateformes commerciales, dans les manifestations, dans les assemblées générales, les Gilets jaunes ne se reconnaissent pas mutuellement selon la place de chacun dans l’économie. Ce n’est pas « où travailles-tu ? » qui dans la rencontre des autres est la première question posée. Si une question de ce type est formulée, elle s’apparente à ceci : « Comment vis-tu ? ». Car c’est d’abord les conditions de vie et les difficultés rencontrées pour faire face à la baisse du niveau de vie qui ont contribué à former ce que nous avons nommé « une tenue jaune qui fait communauté1 ».
On assiste ici à un changement fondamental : alors qu’avec la classe ouvrière les conditions générales de vie étaient comme intégrées et secondarisées dans les conditions de travail, ce sont maintenant ces dernières qui ne forment plus qu’un élément parmi d’autres des conditions de vie. L’accroissement des impôts et des taxes, l’injustice fiscale, la fixation d’un prix administré décidé par l’État sur des produits de première nécessité, la baisse des allocations (chômage, logement), voilà autant de dispositifs économiques et de contrôle financier que la révolution du capital présentait comme des fatalités. Or, le mouvement des Gilets jaunes, a osé déconstruire ce fatalisme par un mouvement qui s’affirme pour le revenu sans s’illusionner sur le rapport entre le revenu et le pouvoir d’achat réel une fois déduites les dépenses contraintes.
Il a replacé tous ces dispositifs sur le devant de la scène en en dévoilant le caractère éminemment politique. En effet, la façon qu’a l’État, niveau II de la domination, de se rattacher au niveau I de l’hypercapitalisme mondial relève de choix politiques et reste encore du domaine d’intervention des États-nations. Le choix européen de l’Allemagne suivi par la France d’ailleurs n’est ainsi pas le choix de la Grande-Bretagne et de son Brexit. Le choix libéral des Pays-Bas, n’est pas celui encore dirigiste de la Belgique et de la France, etc.
– Mais il est vrai que ce choix dirigiste se restreint à partir du moment où l’accrochage au cycle mondial apparaît bien plus aisé quand l’État adopte au niveau II une stratégie qui est celle du niveau I, schématiquement parlant, celle du modèle anglo-saxon.
La suppression des services publics d’État dans les territoires ruraux et semi-ruraux, la numérisation rapide et générale de l’accès aux administrations publiques, la désertification médicale, etc. sont autant de mesures de « rationalisation » des coûts salariaux et « d’optimisation » des investissements publics exigées par la révolution du capital. Les institutions de l’État-nation tendent à être résorbées dans une gestion d’intermédiaires virtualisés. Pour répondre aux exigences de la globalisation, l’État a alors tendance à délaisser sa forme nation pour privilégier celle des réseaux. Ce n’est donc pas un hasard si le mouvement des Gilets jaunes est parti de petites villes et campagnes, là où cette marche vers la société capitalisée et sa décantation postmoderne ont été les plus lentes. Là où les réformes libérales ont apporté le moins d’avantages par rapport aux inconvénients, par opposition au monde de la grande métropole qui intègre et oblige immédiatement tout le monde à se mettre « au niveau ». Mais ce n’est pas pour cela qu’il faut en déduire que ces lieux sont déconnectés. D’ailleurs les ronds-points sont des exemples parfaits de connexions dans lesquels niveau local et niveau global sont immédiatement intégrés. Leur occupation en début de mouvement a été l’expression de cette conscience immédiate.
– Nombreuses sont les interventions des Gilets jaunes contre cette mise en réseau des médiations de l’État. En réaffirmant la fonction de solidarité et d’égalité attendue de l’État, les Gilets jaunes révèlent en creux la puissance du capitalisme du sommet sur les États-nations. L’action directe des Gilets jaunes contre le pouvoir d’État concentré sur un chef d’État pro-européen et pro-globalisation (cf. « Macron démission ») révèle l’intensité des processus de mise en réseaux des anciennes médiations assurées par l’État-nation-Providence dans un pays structurellement et politiquement « en retard » de ce point de vue. Le Macron de la « start up nation » était censé rattraper ce « retard » à marche forcée. C’est pour le moment l’ancienne « question sociale » qui l’a rattrapé à travers un mouvement d’insubordination rompant avec une apparente soumission aux politiques récentes de gestion de l’espace par le pouvoir (nouvelles portions d’autoroutes, ronds-points à chaque carrefour, nouveaux lotissements, hypermarchés). Et ce sont ces espaces que le mouvement va justement utiliser à son profit en les bloquant (péages d’autoroutes, blocages de plateformes de la grande distribution et de l’e-commerce), ou en les détournant de leur usage (ronds-points). Par cette action il montre en retour la fragilité d’une économie de flux basée sur la fluidité et la flexibilité permanente.
– Au cours des manifestations ou encore dans l’expression collective de leur parole, les Gilets jaunes concentrent leurs attaques contre le capital à partir des figures concrètes des patrons du CAC40 ou des banquiers et non pas du patronat en général (le MEDEF). Il sait que les premiers ont les pouvoirs exorbitants au niveau supérieur de la domination qui est celui de l’hypercapitalisme et de la mondialisation. Le mot « oligarchie » fréquemment employé par les Gilets jaunes pour désigner l’ennemi est le signe du déclin concomitant des conflits de classe et d’un État-providence qui « socialisait » les inégalités au moyen d’une politique sociale et fiscale compensatoire et équilibrée. Cet équilibre qui se réalisait au sein des institutions démocratiques de l’État-nation est aujourd’hui défait (cf. notre notion « d’institution résorbée ») et le « peuple » est renvoyé sans médiation aux grands de ce monde. Ils sont alors désignés et personnalisés par la vindicte populaire comme dirigeants politiques indignes, oligarchie patrimoniale (les Arnault et Pinault) et financière « que l’on va aller chercher ! » ou alors comme structure du « Système » (les technocrates de Bruxelles), sous-estimant ainsi la forme réticulaire dominante du redéploiement capitaliste à travers le processus de mondialisation/ globalisation.
Ces remarques sur les Gilets jaunes comme révélateurs de la révolution du capital pourraient être poursuivies, mais on voit déjà que ce mouvement est porteur d’une puissance de connaissance et d’action susceptible d’ouvrir des voies vers une sortie du monde du capital.
Mais soyons plus clairs et précis. Quand on lit, ou on entend, du côté des Gilets jaunes : « Fin du mois, fin du monde, même combat », nous ne l’entendons pas au sens catastrophiste des militants du climat, mais au sens de « fin de ce monde ».
Temps critiques, 23 avril 2019
ISBN : 978-2-906623-36-1
Les voitures personnelles de deux policiers de la PAF ont été dégradées dans la nuit de mercredi à jeudi 2 mai devant leurs domiciles par des insultes et menaces de mort, a indiqué jeudi soir la préfecture des Hautes-Alpes.
Les voitures étaient garées à deux endroits privés différents autour de Montgenèvre, siège de la Police aux Frontières (PAF) dans la région. En outre, des menaces de mort nominatives à l’encontre du patron de la PAF ont été inscrites sur des glissières de sécurité sur la route reliant Briançon à Montgenèvre, a-t-on indiqué de même source. La PAF fait régulièrement l’objet d’insultes dans cette région par laquelle transitent de nombreux migrants, mais c’est la première fois que cela se produit devant des domiciles personnels, a indiqué à l’AFP le directeur de cabinet de la préfète.
Le préfet du Rhône, Pascal Mailhos, a également condamné jeudi l’attaque commise contre la façade des locaux de la PAF à Lyon [cf le communiqué].
Celles-ci ont été revendiquées dans un communiqué comme «une réponse à l’appel aux secours» des détenus du centre de rétention administrative de Saint-Exupéry, qui dénoncent leurs conditions de vie et des mauvais traitements depuis plusieurs semaines.
2019/05/03
En Ardèche, dans le secteur des Nonières, un câble de fibre optique aurait été coupé sur un chantier ce vendredi. 5000 foyers sont donc privés d’électricité, de télévision, d’internet. Une vingtaine de communes et une centaine d’entreprises n’ont plus de connexion.
Environ 5000 foyers sont privés d’internet depuis 15h30 dans le secteur des Nonières en Ardèche. Un câble de fibre optique aurait été coupé sur un chantier. Une vingtaine de communes autour et une centaine d’entreprises n’ont donc plus de connexion.
Plusieurs centaines de mètres de fibre doivent être changés…..
Radio France Bleu Drome Ardèche 3 mai 2019
d’après un autre médias: il faudra changer Plusieurs centaines de mètres de câble de fibre optique doivent être changé de fibres optique.. Les travaux seront fait par orange
« Avec quelques autres anarchistes, j’étais appelé à comparaître devant
un tribunal de l’État belge, accusé principalement de faire partie ce
qui était, au début de la longue enquête, qualifié d’« organisation
terroriste », mais a finalement été requalifié en « association de
malfaiteurs ». Je n’écris pas ces lignes pour entamer un quelconque
dialogue indirecte avec les institutions de l’État, ni pour raconter ma
vie, mais tout simplement pour déchirer le voile de silence que l´État
pourrait vouloir jeter sur d’éventuelles condamnations. »
Lire le texte dans le document joint.
Quelques réflexions suite au procès contre des anarchistes en Belgique.
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À une époque où la question des identités agite les langues de bois, on trouvera un intérêt inespéré à ce que quelques Arabes répondaient dans les années 1970-1980. Aucun printemps arabe, eût-il même réussi, ne soutient la comparaison avec cette révolte heureuse qu’une récente édition de ses inventions poétiques nous propose de découvrir : Le Désir libertaire. Le surréalisme arabe à Paris. 1973-1975, aux éditions L’Asymétrie. Jetant dans une revue confectionnée à la hâte et avec soin ses poèmes oniriques ou acides, un collectif d’émigrés sans foi ni loi, divines ou politiques, explore les potentialités poétiques de la langue arabe et s’en prend à l’héritage qu’il refuse. Ces auteurs revendiquent pour cela un autre legs, qu’on croyait taillé à la seule mesure d’un Occident traversé par ses propres crises, celui du surréalisme. Poèmes en vers ou en prose, pièces littéraires et contre-points théoriques de cette revue ont été traduits de l’arabe et rassemblés par Abdul Kader El Janabi dans un petit volume s’ouvrant sur les portraits d’André Breton, Benjamin Péret, René Crevel et l’épigraphe : « Cette rétrospective est conçue à l’usage des infidèles de toute religion et doctrine ». On pourrait juger une telle proclamation surréaliste déjà fort désuète dans les années 1970, si l’on ne tenait compte des lecteurs qu’un tel message vient interpeller en premier lieu : les Arabes eux-mêmes. Ces quelques exilés, autant politiques que philosophiques, d’Irak, du Liban, du Maghreb ou d’Égypte avaient conscience qu’ainsi, à Paris, ils brûlaient leurs vaisseaux. Ces textes, il faut y insister, n’ont pas été composés pour être provocateurs et scandaleux, même si beaucoup d’entre eux le sont. Comme le rappelle Marc Kober dans sa préface, « C’était une époque où existait une réelle liberté d’exprimer des sentiments antireligieux, y compris dans les pays arabes ». À l’heure de cette réédition, les choses ont bien changé.
L’imaginaire surréaliste arabe de la première heure s’était d’abord épanoui chez des poètes chrétiens. On les trouve parmi les contributeurs de la revue Shi’r au Liban, tel Ounsi El Hage, traducteur en arabe d’André Breton et d’Antonin Artaud, et dont le recueil de poésie Lan « contribua à délivrer la langue arabe du carcan de la tradition qui l’étouffait », dit El Janabi. Auparavant, Georges Henein, fondateur en 1938 du groupe Art et liberté au Caire, tente de forger un surréalisme égyptien avec les peintres Ramsès Younane et Fouad Kamel, les écrivains Lotfallah Soliman et Kamel El Telmisany… Selon l’Irakien, « musulman » celui-là, cocréateur du Désir Libertaire, Abdul Kader El Janabi, ces précurseurs sont des passeurs invitant tout poète arabe en ses propres temps et lieux à « mettre sans réserve le pied du surréalisme dans le plat de tous les intégrismes religieux, sociaux ou esthétiques ».
Mais, à considérer sa radicalité, c’est sans doute ce micro-mouvement arabe parisien des années 1970, s’exprimant dans le contexte des guerres israélo-arabes, qui présente le plus d’analogie avec le surréalisme qui éclot et se développe entre les deux Guerres mondiales. Des configurations bellicistes différentes certes, mais qui donnaient l’occasion d’un même test de passage : se libérer des idéologies nationales légitimistes et de tout patriotisme résiduel pour scruter un horizon révolutionnaire. Le totalitarisme soviétique ayant toutefois durablement mutilé la foi en une révolution prolétarienne, l’idée du « surréalisme au service de la révolution », qui exprimait une division politique profonde au sein des surréalistes français en 1930, se transformait dans Le Désir libertaire des années 1970-80 en « révolution au service du surréalisme ». Le possible, ou évident, ajournement de la révolution commandait que la poésie arabe se livrât à une révolution permanente du langage, la violence révolutionnaire devenant une violence poétique hic et nunc : «Quand nous écrivons, notre mémoire éructe la langue du vieux monde. […] Notre surréalisme signifie la destruction de ce qu’ils appellent la patrie arabe.» Aux yeux du collectif Le Désir libertaire, la poésie surréaliste devenait une arme de dévastation massive des références arabo-musulmanes. Un demi-siècle après « la fin de l’ère chrétienne », annoncée en 1925 au n°3 de La Révolution surréaliste, émergeant d’une même utopie, Le Désir Libertaire proclamait « la fin de l’ère islamique ». Kober souligne qu’il « est difficile de se faire une idée du risque que cela représenta, de la violence faite à soi-même, à son éducation, et du progrès décisif qui se fit alors sous l’égide du Désir libertaire ».
On perçoit, en effet, un attachement puissant et profond à la langue arabe comme lieu charnel ou maternel, un fond où prennent naissance les émotions les plus intimes, et en même temps celui contre lequel est portée la révolte : « Serait-il possible cependant qu’il ait existé en terre d’islam quelque éclat de rupture digne de modernité sans jamais avoir été oblitéré par le joug musulman ? » Cette question donne lieu à une recherche dans la littérature arabe où sont reconnus des auteurs remarquables, tel Shibli Shumayyil, mais où toujours sont notés la prudence et le recul devant l’intangibilité de l’islam. Seule se dresse la figure féminine de Qorat-al-Aïn, lapidée vers 1860 à Téhéran pour un discours apostat : « Prenez donc votre part de ce monde, car il n’y a rien après la mort. »
Dans la première moitié des années 1970, Le Désir libertaire offre sa poésie corrosive presque entièrement en arabe. S’inspirant du Glossaire de Leiris ou sacrifiant au Cadavre exquis, il explore les ressources subversives de la langue arabe, qui donne des trouvailles aussi insolites et heureuses qu’Al Coran devenant alcor Ann, « le froid s’installe ». Avalanches d’aphorismes, de slogans, d’anti-proverbes impérieux, blasphémateurs ou ludiquement ineptes, se donnent entre dessins à la plume et collages baroques. Au début des années 1980, la revue adopte surtout le français pour élargir son lectorat et plonger dans de nouvelles sources. L’école de Francfort ou le situationnisme participent au renouvellement des thèmes critiques où la diatribe antireligieuse n’est plus qu’une expression de l’aversion des institutions capitalistes. Le coût en est parfois des effets de formule où la critique ne se démêle pas encore de l’antienne militante. Mais la poésie offre encore ses meilleurs crus. La réédition synthétique des approches de la revue propose des morceaux choisis de quatre de ses contributeurs réguliers : Farid Lariby, journaliste un temps, graphiste, et poète « au lyrisme majestueux », dira Édouard Jaguer ; Ghazi Younes, poète, et caricaturiste connu sous le nom de Xavier Ghazi, qui lance aux « Hommes de cartilage lumineux, amoureux du néant et de la grêle impossible… Coquille-Jonquille. Ô cuiller de jus ardent – Tête de Picabia – Frimousse de Crevel – Tout se tourne en vinaigre dans les mémoires amnésiques – Breton ? Édredon parsemé de lumière poétique – Archipel de cristaux… » ; Abdul Kader El Janabi, véritable démiurge articulatoire de la revue, traducteur et divulgateur de la pensée surréaliste et de ses conséquences pour le monde arabe, par beaucoup voué aux gémonies ; Maroine Dib, dont la prose « sur des thèmes dérivés de la paranoïa-critique de Salvador Dali » délivre une poésie urbaine, analytique et fantastique.
Mais plus violemment qu’une critique de l’islam saisi de l’intérieur, Le Désir libertaire vise les littérateurs arabes reconnus, dont il dénonce les plagiats et le pillage à la sauvette d’auteurs occidentaux peu traduits en arabe : « Habitués à se nourrir des cadavres les plus décomposés de la littérature européenne, les littérateurs arabes ne voient dans le surréalisme qu’un catalogue d’images insolites, une morgue d’images fantastiques et, avec ce paternalisme qui sied à leur statut d’écrivain, nous reprochent un attachement injustifié […] au surréalisme lui-même… » Ces mêmes intellectuels arabes « qui s’aperçoivent que le poème en prose est un complot ourdi par l’étranger », ironise El Janabi, et qui tentent de jeter le soupçon sur les membres du collectif, désignés comme agents du Mossad ou de la CIA. Il était, en effet, inimaginable aux yeux de ces littérateurs que des poètes arabes ne viennent abonder à la vulgate politique, matrice de toute « modernité arabe », que constitue, selon eux, la culpabilité de l’Occident.
Contre une telle vindicte, Le Désir Libertaire, convaincu que « la culture arabe contemporaine n’est en rien contemporaine des actes de révolte dans le monde arabe, ni de leur aspect sacrilège », profite pleinement des « cadres “démocratiques” [les guillemets sont dans le texte, ndlr] nécessaires, [et d’]une terre d’exil pour faciliter la diffusion sous le manteau : Paris devint […] “Arabie-sur-Seine”. » Il s’agit ainsi de fonder une langue arabe post-islamique en l’abreuvant aux sources du surréalisme. Cette volonté conduit presque aussitôt à l’exercice vivifiant et exigeant, heuristique, de la traduction : « Je suis un tigre des langages / Contemplé dans une jungle de dictionnaires ». Ces pluriels évoquent un face à face des langues, invitées à proposer des significations spéculaires – dans des textes où l’arabe est mis en regard du français, qui jusque dans la graphie inversent la droite et la gauche, déboussolent… Plutôt que l’exercice répété et complaisant de l’écriture automatique, Le Désir libertaire s’adonne au « détournement du passé culturel arabe » et à la réversibilité des langues, formant ainsi l’attelage poétique et critique de l’exil. C’est en effet une révolution : l’inspiration affranchie de la métrique savante, l’avènement en arabe du poème en prose, et la traduction pour et par l’Autre de l’Arabe mis à nu. Ce que le surréalisme dit en français, ou en anglais, il faut le dire en arabe, et réciproquement, fût-ce au prix d’un dépassement des scrupules littéralistes : l’esprit surtout, après avoir trituré la lettre. L’exercice néanmoins ne présentait pas de difficulté pour un texte aussi limpide que Le déshonneur des poètes de Benjamin Péret, qui produisit, en n’en pas douter, l’ébranlement des valeurs sûres en arabe, comme en français, dans le n°2-3 d’avril 1974. C’est, « Pour finir », dans les dernières pages de l’ouvrage, un tract en son temps diffusé en arabe, un mixage poétique qui marie la vanille des invitations surréalistes, celles de Breton et de Péret, auxquelles s’associe El Janabi : Lâchez tout…
Charles Illouz
, éditions de L’Asymétrie, 2018
Le samedi 20 mai 2017, Jérôme Laronze, éleveur à Trivy en Saône-et-Loire, a été tué par les gendarmes de Cluny. Pour le 2ème anniversaire de sa mort la famille de Jérôme et l’association Justice et Vérité pour Jérôme Laronze vous invitent à une journée d’hommage et de réflexion au « Quai de la gare » à Cluny.
19 mai 2019 au « Quai de la gare » à Cluny, la famille de Jérôme et l’association Justice et Vérité pour Jérôme Laronze vous invitent à une journée d’hommage et de réflexion pour le 2ème anniversaire de la mort de Jérôme Laronze
Repas partagé tiré du sac
Les participant-e-s sont invité-e-s à apporter assiette et couverts, une chaise, voire une table pour être confortablement installé-e-s à l’extérieur s’il fait beau.
Flyers de la journée en lien
lu et copié sur la Fédération.Anarchiste.