note: la disparition de Santiago Maldonado est lié aussi avec la politique du groupe Benetton en Argentine. Ce groupe s’est lancé sur le marché des autoroutes françaises
Brèves du Désordre
Nous pouvons encore être pires
Considérations et réflexions un mois après la disparition de Santiago Maldonado
Le 1er août 2017, sur la Route Nationale N°40, des participant-e-s du Pu Lof en résistance de Cushamen (1) et quelques personnes solidaires montent une barricade et coupent la circulation en solidarité avec le Lonko Facundo Jones Huala qui affronte un procès (pour la deuxième fois). Quelques minutes plus tard arrivent des fourgons et des camionnettes avec une trentaine de gendarmes armés de fusils. Les peñis (2) commencent à lancer des pierres en réponse à l’arrivée des ordures des forces de l’ordre. Les gendarmes avancent en tirant et brûlent les habitats précaires et les affaires des habitants du Lof, repoussant ces dernier-e-s jusqu’à ce qu’ils et elles traversent une rivière. L’anarchiste Santiago Maldonado (surnommé “El lechuga” o “el brujo”) reste en arrière. Là, des habitant-e-s du lof observent comment les gendarmes attrapent Santiago ; d’autres affirment entendre les gendarmes dire qu’ils en “tiennent un”.
Après cela, des images et des témoignages commencent à circuler sur le fait que Santiago a disparu et que les gendarmes l’ont emmené dans une camionette Unimog. Les autorités gardent le silence.
Le vendredi 4 août, diverses individualités anarchistes et solidaires pénètrent dans le bâtiment de la province du Chubut réclamant que Santiago réapparaisse. Le lieu a été propice à la destruction. Ordinateurs, cadres, fenêtres, décorations, tout a été détruit avec rage. Des tags et des tracts relatifs à la répression à Cushamen ont été laissés sur place.
Le lundi 7 août, diverses organisations et groupes, ainsi que la famille appellent à un rassemblement sur la Place du Congrès à Buenos Aires. De nombreuses personnes y participent, entre autres beaucoup de compagnon-ne-s. En colère non seulement à cause de tout ce qui s’est passé, mais aussi du fait du cirque des politicien-e-s qui, prêt-e-s pour les élections, distribuaient des bulletins de leur Front de Gauche. Ce jour-là, une fois le rassemblement fini, la rue Entre Ríos a été coupée et des pierres, des gros bâtons, des pétards ont été lancés contre les militaires, deux policiers municipaux et un garde de l’assemblée nationale en poste aux alentours. Par la suite, deux motos de keufs seront incendiées. Puis il y a eu dispersion, sans aucune personne arrêtée ni blessée de notre côté.
Le vendredi 11 août, des manifs et des rassemblements ont été coordonnés en différents endroits du pays (Bolsón, Bariloche, Rosario, Buenos Aires). Dans la capitale, il a été organisé par des groupes de Droits de l’homme (entre autres une fraction des mères de la Place de Mai), des proches et des ami-e-s de Lechuga, plus des organisations gauchistes qui convoquent un rassemblement “pacifique” sur la Place de Mai, devant la Casa Rosada. Il y a beaucoup de monde et l’un des frères de lechu lit un texte qu’il a écrit, affirmant clairement sa position antiflic et anarchiste.
L’une des choses qui nous remplit de rage, c’est la récupération du rassemblement par des partis politiques (PO, MST, MAS, Convergencia Socialista, partis kirchneriens), des ONG´s et des syndicats (la CGT a à son compte des histoires assez sombres datant des époques péronistes, impliquant la AAA et des groupes para-policiers), qui utilisent l’image et l’histoire de notre compagnon pour gagner (en pleine campagne électorale) quelques petites voix de plus : l’enlèvement de Lechuga par la police N’EST PAS UNE CAMPAGNE POLITIQUE. Ces charognards n’hésiteront jamais à continuer de défendre la propriété privée, la gendarmerie et jusqu’aux gouvernements mêmes qui répriment et nous plongent dans une misère quotidienne, parce qu’ils souhaitent eux-mêmes parvenir à ce pouvoir et exercer cette même autorité. Nous n’avons absolument rien à voir avec eux et avec leurs réponses conciliatrices …
Le jeudi 17 août, une manifestation est appelée dans la ville de Cordoba, où une foule de gens réclame la réapparition de Santiago en vie. La police a déployé un gros dispositif pour éviter les troubles. Cette même nuit, à l’aube, des anonymes déposent un engin artisanal qui incendie les portes d’entrée du Cercle de Sous-officiers de Gendarmerie Nationale de Córdoba. Il n’y a pas eu de revendication. Quelques jours après, au cours d’une manifestation nationale contre les affaires de gâchette facile [les assassinats courants de jeunes et de « délinquants » par les flics], des affrontements et des destructions se produisent dans tout le centre de la ville de Cordoba. Ultérieurement, divers locaux anarchistes, plateformistes et polítiques (entre autres une cantine populaire), ainsi que les domiciles de mères dont les enfants ont été assassinés par la police, seront perquisitionnés. Seules des affiches, des drapeaux et des tracts parlant de l’histoire de Santiago (plus le lait de la cantine) ont été saisis. Quelques personnes ont été brièvement arrêtées et relâchées quelques heures plus tard.
Le jeudi 24 août, le groupe H.I.J.O.S et d’autres organisations de gauche convoquent un rassemblement et une manif sur la Place San Martín dans la ville de La Plata. Pas mal de monde y participe, y compris un bloc noir anarchiste. Au cours de la manif, quelques destructions se produisent dans les rues centrales. La manif se termine sur la place de laquelle elle était partie. En face, à une rue de là, se trouve le Sénat de la province de Buenos-Aires. Sous le regard atone de quelques citoyen-ne-s indigné-e-s, la rue est bloquée, on défonce une camionnette bien cotée et le Sénat est attaqué à coups de pierres et de molotovs qui provoquent des dégâts et noircissent la façade. Deux heures plus tard, deux personnes déposent deux bidons remplis d’essence qui font cramer deux voitures du parking même du sénat. Personne ne s’est attribué l’attaque. Peu après, le chef du renseignement de la police de Buenos Aires s’est fait virer.
Dans certains de ces rassemblements et manifs, ainsi que dans la rue ou les facs et surtout sur les réseaux sociaux, on observe qu’une grande partie de l’opinion publique montre de l’empathie et est “sensibilisée” par l’histoire de Santiago (et une petite partie approuve l’usage de la violence). Il est vrai qu’en Argentine les disparu-e-s évoquent les dictatures militaires et divers souvenirs qui sont restés gravés dans les mémoires de la sensibilité sociale. Ce que l’immense majorité des politiques tente d’enterrer, c’est la continuité de l’appareil répressif et les similitudes qu’ont les gouvernements dictatoriaux et les gouvernements démocratiques. Les répressions, les tortures et les disparitions forcées n’ont jamais cessé …
Nous pensons qu’il est nécessaire d’étendre le conflit. Dès le début, des compagnon-ne-s et personnes solidaires se sont exprimées avec créativité à différents endroits du monde. D’abord en Uruguay, au Chili, en Bolivie et au Pérou, ensuite aux Etats-Unis, en Espagne, en Inde, en France, en Syrie, en Colombie, au Mexique et dans beaucoup d’autres coins de cette planète en loque. Tout cela a diffusé non seulement ce qui est arrivé à Lechuga [enlevé par les flics et sans nouvelles depuis], mais aussi que la solidarité est internationaliste et ne connait aucune autre frontière que les limites que nous nous posons nous-mêmes.
La presse vise, l’Etat tire
Que dire des nouvelles et des enquêtes journalistiques de mercenaires tels que Jorge Lanata, Mauro Viale, Eduardo Feinmann et autres laquais de l’information ? Ils agitent les sigles de la RAM [Resistencia Ancestral Mapuche, groupe de lutte en armes mapuche né en 2013], lui attribuant d’un jour à l’autre plus d’une trentaine d’actions alllant du collage d’affiches, jusqu’à l’incendie d’estancias (3), la mort d’un policier des frontières à San Martin de los Andes, la vente d’armes et de drogues. Ils passent des images de possibles Santiagos Maldonados à Mendoza, Entre Ríos, Buenos Aires ; ils échaffaudent des théories selon lesquelles Santiago serait l’otage des peñis, qu’il serait mort lors de l’attaque d’une estancia, qu’il n’aurait jamais été dans le lof ou qu’il ne serait qu’un simple artisan ou un hippie en goguette.
Après l’attaque du bâtiment de la province du Chubut, la presse a attribué celle-ci à une cellule de la RAM ayant “dangereusement ” agi à deux pâtés de maison de l’obélisque, faisant irruption en tirant des coups de feu ; il suffit d’observer deux secondes le lieu sur des photos pour voir clairement que plusieurs A cerclés étaient inscrits et que les dégâts n’ont pas été provoqués par des balles. L’exagération est sans borne…
L’Etat a besoin de réaffirmer son autorité, il a besoin de créer des ennemi-e-s intérieurs. La crise économique et le chômage provoquent un mal-être assez évident dans la rue. Quoi de mieux que de rejeter la faute de la chute de l’économie sur les étudiant-e-s non argentin-e-s comme l’affirmait le programme du politicien Lanata ? Ou de déclarer comme la chaîne de télévision América 24 que les vendeurs à la sauvette d’origine africaine détruisent l’économie formelle ? Ou de dire comme le président de la République [de droite] Mauricio Macri que les ouvrier-e-s doivent arrêter de faire chier en coupant les rues, arrêter de foutre les patrons en procès, parce que ça nuit aux investissements en dollars des actionnaires étrangers ?
Patricia Bullrich, Ministre de la Sécurité Nationale, déclare qu’elle ne laissera pas blâmer la Gendarmerie (“…Je ne vais pas jeter un gendarme par la fenêtre…”) et qu’il ne s’agit pas dans l’affaire Maldonado d’une disparition forcée. Elle prétend sans desserrer les dents qu’elle ne voit pas 30 gendarmes conspirer pour tuer et faire disparaitre, que cette force n’est pas la même qu’il y a 40 ans. Jouant toujours ce jeu de la mauvaise dictature et de la bonne démocratie.
La famille Bullrich a toujours su défendre ses intérêts économiques et idéologiques. Adolfo Bullrich était à la tête d’une entreprise qui a vendu aux enchères des hectares de terres après la terrible Campagne du Désert (impulsée à l’époque par le président Avellaneda puis poursuivie par Julio A. Roca, et qui visait à anéantir les peuples natifs vivant là, à s’approprier d’immenses territoires, à réaffirmer la souveraineté nationale et à faire de succulentes affaires avec les entreprises anglaises, galloises et quiconque voulait investir). Esteban Bullrich, frère de Patricia, a quitté son poste de ministre de l’ éducation pour pouvoir se présenter aux élections. Dans un spot, il parle des changements positifs du gouvernement Cambiemos au cours des derniers mois en ces termes : “…Nous avons mis plus d’enfants dans les écoles, plus de goudron dans les rues et plus de jeunes en prison…” Ces mots surprennent-ils de la part de celui qui, en 2005, défendait l’assassin répresseur Luis Patti pour qu’il puisse exercer sa charge de député ? Il déclarait alors qu’en démocratie il y a de la place pour le débat d’idéologies différentes…
Sur internet est sortie la proposition d’une semaine d’agitation pour Santiago. Cela a alerté les forces de sécurité, si bien qu’un haut poste du renseignement de la police fédérale a envoyé un document à la gouverneure María Eugenia Vidal (PRO), afin qu’elle ordonne l’augmentation de la sécurité et de la surveillance dans les rues. Dans ce document, il est question de possibles attaques et attentats contre des membres des corps de sécurité, des infrastructures ou des bâtiments … Cela a eu pour effet une hausse du nombre de forces (sur les places, dans les gares ferroviaires, les bâtiments de gendarmerie, les commissariats et les quartiers conflictuels), mais ils ont en plus ressorti quelques-uns de leurs jouets qu’on ne voyait plus depuis longtemps (petits tanks de la police fédérale, canons à eau et camionnettes d’infanterie partout). A nouveau l’armée dans les rues.
La nouvelle escalade répressive en cours va certainement se poursuivre dans les rues de la capitale et démontre qu’aussi bien le ministère de la sécurité que les chefs du “renseignement” policier ont l’intention d’entraver toute la solidarité, la rage et les actions qui se sont déchaînées suite à la disparition de Santiago. Mais peut-être ces étincelles nous amèneront-elles à briser de nouvelles limites…
Dans certains espaces de compagnon-ne-s le harcèlement est visible. Non seulement les téléphones sont sur écoute et il y a des filatures, mais on voit désormais aussi les brigades d’investigation prendre des photos, les camionnettes militaires aux coins des rues, les patrouilles qui vont et viennent.
Tout cela correspond à un contexte clair. Dans certains quartiers de la province de Buenos Aires, les flics font descendre des gens des autobus pour contrôler leurs papiers et fouiller leurs affaires ; l’augmentation notable des patrouilles et des effectifs policiers (dans un souci de contrôle et de surveillance, mais aussi de ravaler l’image néfaste des flics et des gendarmes). Le Jour de l’enfant [si si cette fête nationale existe], la gendarmerie a envoyé des petites camionnettes de flics en jouets dans différentes écoles et cantines ; c’est-à-dire qu’elle a distribué sans vergogne un slogan “solidaire” dans les lieux mêmes où ils font du renseignement, où ils font irruption en tirant et où ils répriment férocement. Si à l’époque kirchnerienne leur travail de renseignement s’effectuait dans le cadre du Projet X (suivant de près des militant-e-s ou des organisations sociales, et générant une grande base de données), maintenant ils sont plus que jamais sur le terrain, comme force de choc supplémentaire au service de l’Etat.
Bien-sûr, les lois ne sont pas en reste. La réforme de la loi 24.660 revient sur presque tous les assouplissements de peines en prison et les conditionnelles, donnant encore plus de pouvoir décisionnel à l’administration pénitentiaire ; et les peines sont de plus en plus lourdes (avec des redéfinitions légales), tant pour les associations de malfaiteurs que pour le port d’arme et pour les attaques à la propriété privée.
Relation entre mapuches et anarchistes
Nous avons vu comment depuis quelques années, de ce côté-ci, quelques communautés mapuches, abandonnant les angles légalistes, ont décidé d’occuper les terres de grands propriétaires terriens ou des portions de terre de l’Etat ; comment des engins de chantier sont incendiés, des attaques coordonnées ont lieu contre différents postes d’estancia… similaire à ce qui se passe dans le Wallmapu du côté chilien.
Les médias se chargent de décréter que tous les mapuches – y compris celles et ceux qui vivent dans le lof – font partie de la RAM, ce afin de créer un ennemi intérieur parfait. En réalité, la RAM (Résistance Ancestrale Mapuche) est le sigle avec lequel des mapuches revendiquent leurs actions dans le Wallmapu de la région argentine. Le lonko Facundo Jones Huala a reconnu son appartenance à ce groupe. En ce moment, dans l’attente d’une éventuelle extradition vers le Chili, il est incarcéré dans la prison d’Esquel, où il a fait une grève de la faim de 18 jours. Il a reconnu un parcours historique d’affrontement contre l’Etat argentin, chilien ainsi que contre les entreprises qui dévastent à tour de bras les territoires sous prétexte de progrès. C’est une lutte qui dure depuis plus de 500 ans. La RAM n’est qu’une petite expression de tout ce temps de lutte.
Le harcèlement et la persécution constante non seulement de la part des forces de l’ordre, mais aussi de celle des entrepreneurs et des médias est écœurant. Ils cherchent à justifier la répression en même temps que l’avancée néocoloniale. Ils balancent à l’emporte-pièce que les mapuches auraient des connexions avec les FARC, qu’ils posséderaient un armement militaire d’assaut, que ce sont de “faux indien-ne-s” , et autres stupidités du genre…
Anarchistes, nous continuons à éprouver de la colère quand ils harcèlent, attaquent et font disparaitre les mapu, les qom, les wichi, les guaraní, ou ces tribus qui vivent au milieu de l’Amazonie, qui résistent à l’avancée des machines, au progrès humain conçu comme la civilisation…
Nous pouvons partager beaucoup de choses avec les mapuches qui combattent dans le sud de la région, de la même manière que beaucoup d’autres nous séparent comme un abîme. Leur forme d’ organisation, les relations qu’ils entretiennent ou l’épanouissement dans la nature sont une démonstration de leur propre vision du monde. Anarchistes nous ne pouvons qu’éprouver du rejet contre toute velléité d’approcher et d’obtenir une nation mapuche. Nous respectons leur dignité rebelle et nous serons solidaires, mais nous ne partageons pas leur lutte dans sa totalité…
Aucune demande à l’Etat,
conflit permanent contre l’autorité
Nous aimerions tous et toutes que notre compagnon réapparaisse en vie, qu’il puisse continuer à parcourir les chemins qu’il veut. Nous savons que l’Etat est responsable de sa disparition, parce que poursuivre et “exterminer” les “éléments gênants” fait partie de ses attributions pour assurer le fonctionnement normal de la société. Pour cela même, nous n’avons rien à exiger de nos bourreaux. Ils sont responsables des disparitions pour la traite, des connexions narco-policières, des jeunes abattu-e-s dans les quartiers aux mains des forces de l’ordre, de l’approbation de lois qui font pleuvoir des années de prison, jouant avec les vies des détenu-e-s, de l’application de nouvelles technologies pour le contrôle social, de la destruction de territoire naturel pour implanter des murs de béton, des plantations de soja ou de maïs transgéniques et tant d’autres choses qui font tourner la roue du progrès du capital.
Nous avons éprouvé comment ils ont essayé de dépolitiser notre compagnon. Ils ont tenté de nier ses convictions anarchistes et ont cherché à le brandir comme slogan pour une campagne politique de plus. D’un coté, Cristina Kirchner et ses lèche-bottes qui semblent avoir la mémoire courte parlent de Santiago, mais c’est beaucoup plus nébuleux pour eux, quand on évoque Julio López – qui, n’en déplaise à Hebe de Bonaffini qui, pour défendre le kirchnerisme, ment en prétendant qu’il était maton (tandis qu’elle qualifie Lechuga de militant social), alors que López était maçon et qu’il a disparu, parce qu’il allait témoigner contre le répresseur Miguel Osvaldo Etchecolatz, ce qui démontre que malgré plus de 15 ans de démocracie, le pouvoir militaire est toujours en vigueur. Idem concernant le cas de Luciano Arruga, un jeune d’un quartier marginal de Lomas del Mirador enlevé, assassiné et enterré sous X dans le cimetière de la Chacarita, parce qu’il avait refusé de voler pour le compte de la police. Nous voulons aussi rappeler Cristian Ibáñez, arrêté par la police pour ensuite apparaitre “suicidé” dans les geôles d’un commissariat à Jujuy, ainsi que Marcelo Cuellar, assassiné au cours d’une mobilisation suite à l’assassinat de son compagnon Ibáñez dans la localité de Libertador General San Martín en 2003 ; tous deux étaient militants du Courant Classiste Combatif [maoïstes] ; ou encore Carlos Fuentealba, mort suite à la répression policière à Neuquén au cours d’un blocage de la route 22 par des travailleurs en 2007 ; Juan Carlos Erazo mort à Mendoza en 2008 des lésions cérébrales provoquées par les balles en caoutchouc et les gaz lors d’une occupation de l’usine où il travaillait.
Nous n’oublions pas non plus que le 17 juin 2010 le jeune joven Diego Bonefoi a été assassiné à Bariloche, abattu dans le dos par les keufs. Le lendemain, les voisins ont organisé une protestation et la répression policière a provoqué la mort de deux autres jeunes : Nicolás Carrasco et Sergio Cárdenas ; ou que le 20 octobre de la même année, lors d’une mobilisation d’ouvriers de l’entreprise Ferrocarril Roca à Avellaneda comptant sur le soutien de divers groupes et partis politiques, Mariano Ferreyra, un militant du PO, a été assassiné par les tirs des briseurs de grève de l’Union Ferroviaire. Et aux époques des K [Néstor Kirchner a été président de l’Argentine de 2003 à 2007, et sa femme Cristina Kirchner de 2007 à 2015], les peuples originaires ont subi le même sort : le paysan indígène Javier Chocobar, appartenant à une communauté diaguita à Tucumán, résistait aux expulsions avec d’autres membres de la communauté, jusqu’à ce que le le 12 octobre 2009 un ex-flic au service des propriétaires terriens fasse irruption en voiture, commence à tirer et le tue, blessant aussi d’autres villageois. Le 23 novembre 2010, à Formosa, tandis que des qom de la communauté La Primavera coupaient la route pour réclamer leurs terres, la police a encore réprimé violemment, assassinant deux membres de cette communauté, Sixto Gómez et Roberto López…
Mais tout cela n’a pas eu lieu que sous le kirchnérisme, les gouvernements de tout poil ont des dizaines de morts dues à la répression à leur actif. Auparavant, il y avait eu Víctor Choque, Teresa Rodríguez, Mauro Ojeda, Francisco Escobar, Aníbal Verón, Carlos Santillán, Oscar Barrios, les jeunes Maximiliano Tasca, Cristian Gómez, Adrián Matassa, Miguel Bru, Javier Barrionuevo, Petete Almirón, Dario Santillán et Maximiliano Kosteki. Et tant d’autres encore torturé-e-s, disparu-e-s, assassiné-e-s aux mains des forces de l’ordre, dans les quartiers, les commissariats, les hôpitaux psychiatriques, dans les bordels ou les prisons.
Leurs mains sont pleines de sang, le sang des marginalisé-e-s, le sang des illégaux, le sang des rebelles. La passivité n’est pas une option, le moment est venu de crier vengeance. Vengeance contre les bourreaux. Vengeance contre la vie de misère qu’ils nous imposent. Vengeance contre leur violence permanente. Il n’y a jamais eu de paix pour tant de mort-e-s, nous connaissons les responsables, leurs noms, leurs postes et leurs intentions. Et tandis qu’ils essaient de nous traiter d’infiltré-e-s et de violent-e-s, pour notre part nous leur disons : Nous pouvons être pires encore…
Des anarchistes de Buenos Aires,
Septembre 2017
1 : la ville de Cushamen est située au sud de l’Argentine, dans la province du Chubut, en territoire mapuche. Un « Lof » est un lieu d’habitation traditionnel regroupant plusieurs familles mapuche.
2 : frère chez les Mapuche
3 : vaste exploitation agricole en Amérique du Sud
[Traduit de l’espagnol de contrainfo, 10 septiembre 2017]