Des nouvelles du prosonnier Anarchiste Miguel Perlata Betanzos


Déclaration de Miguel Peralta Betanzos, indigène mazatèque, prisonnier pour défendre l’organisation communautaire face aux intérêts des partis politiques et des caciques.

15 jours ouvrables sont passés et le juge Modesto Isaías Santiago Martínez n’a pas respecté le délai.

Le 19 septembre quand s’est déroulée mon audience finale, le juge du Tribunal Mixte de Huautla de Jiménez, s’est engagé verbalement à résoudre l’affaire dans un délais de 10 jours ouvrables et il ne l’a pas fait.

Aujourd’hui, 10 octobre se termine le délais de 15 jours ouvrables dont dispose le juge pour résoudre ma situation juridique, selon son code pénal de l’état de Oaxaca mais il ne l’a toujours pas fait. Aujourd’hui cela fait 4 ans, 5 mois et 10 jours que je suis en prison pour un procès fabriqué de toutes pièces, aujourd’hui cela fait 22 jours que je ne m’alimente plus, alors qu’il est bien clair qu’il n’y a aucune raison que je reste un jour de plus en prison et je proteste avec mon corps, en mettant ma santé en danger pour exiger énergiquement ma liberté.

Aujourd’hui, le juge dit qu’il peut prendre tout son temps pour déterminer la sentence, mais ce temps est mon temps, c’est mon temps volé, emprisonné, mon temps qui n’a pas de jours ouvrables ou non ouvrables, mon temps qui ne répond pas à vos codes et vos lois et que pourtant vous voulez continuer à soumettre. A leur tour, toutes les instances responsables de faire valoir et respecter l’accès à un « système de justice rapide, objective, expéditive et impartiale » se déclarent incompétentes, qu’elles ne peuvent rien faire, qu’il faut être patient et je réaffirme donc que votre fonction publique est une simulation, une supercherie en votre nom. Il est clair, que le pouvoir d’une députée prévaut au dessus de tout cela. Avec de telles réponses, le retard et les irrégularités juridiques présentes tout au long de mon enfermement, continuent de démontrer que vos institutions servent uniquement au caciquisme, à celles et ceux qui spolient, à celles et ceux qui mentent pour occuper un poste publique, aux ambitieuses et aux ambitieux, aux corrompues et corrompus.
Aujourd’hui, je dois également dire, que pour cela, j’ai décidé de cesser la grève du silence commencée depuis le 12 septembre, quand ils ne m’ont pas permis d’être présent à mon audience pour des prétextes ridicules. Je tiens à dire que je remercie, avec l’énergie qu’il me reste et me permet de résister, toutes celles et ceux qui sont restés attentifs, ont fais écho à mon silence et ont réussit à faire entendre les mensonges.

Mais je dois également dire et insister que ni la députée Elisa Zepeda Lagunas, ni son père le tortionnaire Manuel Zepeda Cortés, ne peuvent continuer de soutenir juridiquement et médiatiquement cette accusation contre moi. Elisa et Manuel, qui m’accuse dans le dossier 02/2015 ont largement utilisé des signalements fabriqués et la seule chose qui leur reste est l’impunité, le trafique d’influence et la manipulation du pouvoir judiciaire. De leurs six témoins, l’un d’entre eux n’a pas reconnu sa déposition, la déclaration de deux autres est une copie de celle de Manuel Zepeda, deux autres n’étaient pas présents sur les lieux (on leur a raconté ce qu’il s’est passé) et un autre témoin dit que les personnes étaient masquées.
Il n’y a rien de plus dans le dossier, ces témoignages contradictoires, génériques et déjà controversés, sont les seuls éléments que le juge a à considérer, il n’y a rien qui nécessite un temps indéfini, bien que son argument pour ne pas prononcer ma liberté est que le dossier contient sept tomes, et effectivement ces sept tomes sont remplis d’exhortations accumulées suite aux irrégularités et aux violations du droit à une procédure régulière. Le juge le sait très bien, puisque c’est lui même qui était chargé du tribunal quand a commencé la fabrication du dossier et qui a émis les mandats d’arrêt , lui, qui en tant que connaisseur des lois, sait que les témoignages à charge n’ont pas de valeur probatoire, que l’argumentation juridique que présente ma défense le démontre. En tant que juge incorruptible, il devrait agir de manière impartiale, en prononçant la sentence de liberté sans tarder plus longtemps et sans donner suite à la farce construite de toutes pièces par la famille de cacique des Zepeda Lagunas. Je termine en disant que je maintient la grève de la faim, en exigeant qu’ils ne retardent pas plus longtemps ma liberté.

Miguel Peralta
Prisonnier en grève de la faim
#SentenciaLibertadaMiguel

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De la Grèce au Mexique: rage et fureur après chaque viol

De la Grèce au Mexique : rage et fureur pour chaque viol

Act for freedom now ! / mercredi 9 octobre 2019

Ici, dans ce monde, les femmes ont beaucoup de choses en commun. Ces jours où nous marchons dans la rue et la voiture klaxonne avec des commentaires qui fusent l’un après l’autre; lors des fêtes, dans les bus quand des mains sont mises sur nos corps; les abus et les commentaires sexistes des policiers, en détention et dans les rues; le viol; le jour où nous avons vu nos compagnonnes pleurer de colère en parlant de leur viol. Nous aurons plus de choses en commun. La colère, la contre-attaque et la solidarité. Le fait de nous armer contre l’oppression de l’État et du patriarcat. Construire des espaces de sécurité pour nous, où nous nous sentirons libres de partager nos expériences et d’apprendre à réagir de plein de manières. Augmenter l’insécurité des violeurs, des flics et de leurs amis. Retrouvons-nous l’une l’autre. Solidarité avec la lutte contre l’État et le patriarcat au Mexique.

Vive le féminisme !
Vive l’anarchie !
Athènes, août 2019

recension du volume 3 « des chemins du communisme libertaire »

glané sur le Web
Recension du volume III des Chemins du communisme libertaire
par François Roux

I.– RECENSION

L’aboutissement d’un long cheminement.

Myrtille consigne la mémoire de l’anarchisme espagnol depuis deux décennies : avec les « Giménologues » sur les traces de Bruno Salvadori, dit Antoine Gimenez, volontaire de la colonne Durruti, une quête qui a donné le monumental Les Fils de la Nuit [1] – en passant par l’édition des souvenirs de Jordi Gonzalbo [2], son père, militant de la Fédération ibérique des jeunesses libertaires (FIJL) en exil de 1960 à 1975, pour finir (provisoirement ?) par une vaste rétrospective, Les Chemins du communisme libertaire en Espagne, 1868 – 1937, une trilogie qu’elle signe seule et dont je recense ici le troisième et dernier volume.

Les tomes I et II des Chemins expliquaient pourquoi la spécificité socio-économico-culturelle de l’Espagne avait fait du mouvement ouvrier de ce pays le seul à continuer de suivre majoritairement dans les années 1930 la voie de Bakounine plutôt que celle de Marx : une petite oligarchie d’aristocrates et de grands bourgeois capitalistes, une classe moyenne étique, un prolétariat urbain fraîchement déraciné, des masses paysannes (45% des actifs) vivant comme au Moyen Âge et un sous-prolétariat indigent estimé à 30% de la population ; une croissance démographique parmi les plus fortes d’Europe et un niveau de vie parmi les plus bas ; une économie peu productive, essentiellement rurale à l’exception de quelques filières industrielles, surtout en Catalogne ; enfin une société cadenassée par un catholicisme de combat et encadrée par un clergé omniprésent.

Les deux livres retraçaient les controverses qui opposèrent au temps de la Fédération régionale espagnole (FRE) les anarcho-collectivistes aux anarcho-communistes, puis les syndicalistes « industrialistes » aux « communalistes » au sein de la Confédération nationale du travail (CNT), jusqu’au Congrès de Saragosse de mai 36 où fut adoptée la motion sur « la conception confédérale du communisme libertaire » qui semblait clore le débat en faveur des seconds. Après en avoir relevé les lacunes, Myrtille soulignait l’hostilité que cette résolution avait soulevée parmi les dirigeants de la Confédération à la veille d’un affrontement prévisible avec les fascistes.

L’objectif principal de ces volumes était d’analyser les implications du communisme libertaire en tant qu’alternative au capitalisme : l’application de l’adage « à chacun selon ses besoins » des communalistes (par opposition au « à chacun selon son travail » des syndicalistes), la socialisation de tous les biens (tout est à tous), la disparition de l’argent, celle du travail en tant que valeur, l’abolition de l’État devenu inutile dans une société auto-disciplinée, le tout sans période de transition, sous peine de laisser le capitalisme continuer de pervertir les rapports sociaux… Si ces fondements du communisme libertaire avaient déjà été formulés de façon plus ou moins aboutie par Cabet, Fourier ou Marx, jamais ils n’avaient été mis en pratique. Ce sont les prolétaires espagnols, pauvres et souvent analphabètes (44% de la population en 1930), qui l’ont fait, brièvement, incomplètement, mais dans un grand élan enthousiaste, malgré la guerre civile et les coups bas venus du camp républicain. L’hostilité des partis bourgeois et des staliniens à une révolution sociale libertaire était prévisible mais pourquoi la CNT lui a-t-elle a tourné le dos, quand elle ne l’a pas entravée ? C’est la question à laquelle tente de répondre ce troisième opus.

Les premiers volumes racontaient une histoire assez peu connue, au contraire de celui-ci qui s’attaque à une courte période (juillet 36 à septembre 37) maintes fois commentée, controversée, dont témoins et historiens ont donné des versions et des interprétations discordantes. L’auteur reprend d’ailleurs le titre de l’ouvrage de Vernon Richards, Enseignements de la Révolution espagnole paru en anglais en 1953 [3], dont elle approfondit la thèse centrale – la trahison de la CNT et de ses dirigeants – qu’elle complète par son apport personnel, une réflexion autour du « travail capitaliste ».

Le volume III des Chemins

Après un bref prologue présentant l’objectif de l’ouvrage et sa conclusion, le premier chapitre raconte la scission qui s’opéra immédiatement après le 23 juillet 1936 au sein de la Confédération lorsque ses cadres et ses militants destacados (les plus en vue/les leaders), renonçant à appeler à la mise en route du communisme libertaire, optèrent pour l’alliance avec les autres forces antifascistes, tandis que la partie la plus radicale de sa base militante se lançait à corps perdu dans le processus révolutionnaire. Conséquence de l’alliance qu’elle avait conclue, la CNT, après avoir longtemps tergiversé, entra au gouvernement en croyant qu’elle pèserait mieux sur son orientation politique [4].

Le deuxième chapitre étudie la prise du pouvoir par les ouvriers dans l’industrie catalane, puis la reprise en main opérée par la CNT et l’UGT, et leurs tentatives pour endiguer la chute de la productivité due au départ de nombreux cadres et techniciens, à la désorganisation des transports et des services publics, mais aussi au peu d’ardeur au travail des ouvriers qui n’étaient pas partis se battre. Loin de chercher à la minorer, Myrtille identifie cette « résistance au travail » comme étant une « part intrinsèque de la culture ouvrière », méprisée selon elle par « la plupart des historiens et commentateurs » puisque « non explicite, non revendiquée et non chiffrée ». C’est l’un des apports essentiels du livre. « Puisque rien ne changeait fondamentalement dans leur rapport à la production, poursuit-elle, les salariés résistèrent opiniâtrement à l’emprise du temps et de l’espace du travail sur leur existence ou sombrèrent dans la passivité, comme avant le 19 juillet 1936. » Elle détaille ensuite les réactions de la CNT appelant les ouvriers à la responsabilité, traitant les tire-au-flanc et les revendicateurs d’« inconscients », de « fascistes », exaltant « la stricte discipline sur le lieu de travail », réactivant le travail à la tâche et les primes pour les travailleurs productifs, rétablissant l’échelle des salaires pour attirer des ingénieurs et des techniciens capables de faire tourner les usines, traquant l’absentéisme et finissant par instituer un « livret syndical » destiné à repérer et écarter les mauvais sujets. Pour expliquer le refus de nombreux ouvriers de contribuer par leur travail à l’effort de guerre contre les fascistes, Myrtille récuse les explications avancées jusqu’ici par les « historiens pro-anarchistes » pour qui « l’accroissement du pouvoir étatique était responsable de la démotivation des ouvriers des collectivités barcelonaises ». Elle estime – avec Michael Seidman – qu’au contraire, « l’État et la bureaucratie se sont renforcés en réponse aux réclamations ouvrières et à la résistance au travail », ajoutant que la « pratique industrialiste et productiviste » de la CNT l’éloigna d’une partie des ouvriers tout autant que son renoncement à son programme révolutionnaire. En définitive, l’explication du divorce entre une partie des ouvriers et la Confédération tiendrait avant tout au réflexe naturel des prolétaires de « fuir le travail comme la peste ».

Les collectivités agraires, dont traite le troisième chapitre, ne rencontraient pas le même problème car, si on comprend bien Myrtille, le travail y prenait un sens. Il était d’ailleurs obligatoire pour les hommes et les femmes non mariées mais les collectivistes avaient prévu que, grâce à l’augmentation de la production résultant de la mise en commun des terres et des moyens, ils pourraient « subvenir à leurs besoins en travaillant seulement trois heures par jour ». On aurait alors atteint l’objectif ultime du communisme libertaire : supprimer l’exploitation de l’homme par l’homme tout en le libérant du travail superflu. Cependant, 20% des villageois étaient au front, une partie croissante de la production allait à l’armée et « bientôt, les journées de travail redevinrent aussi longues qu’avant, et même parfois plus. » Pourtant, et bien que les détracteurs des anarchistes aient souvent dénoncé l’inefficacité des collectivités, Myrtille ne relève pas dans ces dernières de manifestations « d’anti-travail ».

C’est dans les collectivités agraires que l’expérience communiste libertaire fut poussée le plus loin, jusqu’à l’abolition de l’argent et du salariat. L’Aragon, « seule région sans État d’Espagne », offrit à un communisme libertaire « très proche de ses principes doctrinaux » son plus vaste terrain d’application (300 000 personnes) sur une période d’un an (août 36 – août 37), jusqu’à ce que les troupes communistes de Lister détruisent les collectivités. Celles-ci n’eurent pas le temps de résoudre le principal problème qui se posait à elles : comment répartir équitablement les denrées entre collectivités « riches » et collectivités pauvres une fois l‘argent aboli ? Sur ce sujet, Myrtille cite un texte paru dans la revue libertaire Cultura y Acción en 1937. Après avoir fustigé l’égoïsme des collectivités qui gardaient pour elles leurs bénéfices et la cupidité de celles qui spéculaient sur les denrées rares, l’article conclut : « En réalité les collectivités n’ont pas été assez bien conduites, et dans la plupart des cas, les inconvénients annulent les avantages. […] Entre la socialisation que nous prônions, nous anarcho-syndicalistes, et l’évolution que prend le mouvement collectiviste, il n’y a pas grand-chose de commun ni une grande affinité. » Le problème, c’est que les collectivités formaient des îlots économiques alors que la « socialisation » ne pouvait s’appliquer qu’à une vaste échelle, ce qui ne dépendait pas des seuls anarchistes.

Intitulé « La “bolchevisation” de la CNT », le quatrième chapitre poursuit le récit du conflit de plus en plus aigu entre la Confédération désormais arrimée au gouvernement républicain – politique qualifiée de « collaborationniste » – et la minorité activiste engagée dans les organes de pouvoir révolutionnaires, notamment les « comités de défense ». Après la militarisation des milices vint la dissolution des « patrouilles de contrôle » (3 avril 37) qui tenaient les rues de Barcelone. La tentative de les désarmer provoqua la fureur des groupes radicaux au point que la CNT « revint sur l’accord passé avec ses partenaires politiques, ce qui entraîna une crise gouvernementale ». Suivirent les combats de mai 37 à Barcelone, la dissolution du Conseil d’Aragon (11 août) et la destruction des collectivités agraires… À chaque crise les dirigeants cénétistes choisissaient de sacrifier la base de la Confédération restée révolutionnaire, affirme Myrtille qui réfute leur justification – éviter une guerre civile dans la guerre civile entre les libertaires et le reste du camp républicain. Après mai 37 et jusqu’à la fin de la guerre, si la CNT avait perdu l’essentiel de son poids politique, elle conserva néanmoins, avec l’UGT socialiste, le contrôle d’importants secteurs d’activité de Barcelone, dont l’armement. Les deux syndicats appliquaient le principe selon lequel « on paie davantage celui qui produit le plus », signe indubitable pour Myrtille de l’abandon de la doctrine anarchiste.

Quelques pages forment le cinquième chapitre intitulé (Nouveaux) Enseignements de la Révolution espagnole. Il résume la thèse centrale des Chemins d’après laquelle la bascule de la Confédération et de ses militants destacados vers le « réalisme économique » avant juillet 1936 expliquerait leur dérive « révisionniste » et s’achève ainsi : « Aujourd’hui encore, une critique sociale qui s’attaquera au productivisme en voulant réhabiliter le travail restera prisonnière des catégories du capital. »

Les 50 pages d’annexes qui suivent, approfondissent la question du travail et, plus spécifiquement, la critique de la « vision capitaliste du travail », clé de voûte de la réflexion de Myrtille sur le communisme libertaire. Le lecteur devra rester concentré car, au fil de ces cinq annexes, le propos devient ardu et on se demande parfois ce que recouvre exactement pour l’auteur le mot « travail », jusqu’à cette phrase de conclusion : « C’est la capacité collective à mettre fin au capitalisme qui permettra d’en finir une bonne fois pour toutes avec le travail.

Loin des reconstructions fantasmées qui abondent dans la littérature anarchiste traitant de la révolution espagnole, c’est donc à une réflexion âpre et exigeante que nous sommes invités.

II.– DISCUSSION

Admirateur du travail (!) de Myrtille et des Giménologues depuis la première édition des Fils de la Nuit, j’ai revisité la révolution espagnole et je me suis débarrassé de quelques-uns de ses mythes grâce à leurs livres. De ce long compagnonnage, je garde néanmoins sur plusieurs points une lecture différente des évènements.

Prendre le pouvoir

Il est plus facile d’expliquer quelles auraient été les bonnes décisions lorsqu’on connaît la fin de l’histoire. Le 23 juillet 1936, quelle était la situation devant laquelle se trouvaient les dirigeants de la CNT-FAI et peut-on expliquer leur décision d’ajourner la révolution pour collaborer avec l’État républicain autrement que par une « option révisionniste conçue avant les “circonstances” de la guerre par les militants destacados de la CNT […] [5] » ?

Le 21 juillet, au lendemain de l’échec du putsch à Barcelone, s’était tenu un plénum des syndicats locaux et cantonaux de la CNT. Les présents, parmi lesquels les destacados Durruti, García Oliver, Abad de Santillán, Federica Montseny et Mariano Vázquez, avaient eu à se prononcer sur l’alternative suivante : tenter de prendre le pouvoir seuls pour mettre en route le communisme libertaire ou bien s’allier aux autres forces du camp républicain au sein du Comité central des milices antifascistes (CCMA) de Catalogne jusqu’à la victoire sur les fascistes. Tous, leaders et délégués (sauf un) s’étaient prononcés contre l’instauration d’une « dictature anarchiste » et pour l’entrée au CCMA. Cette décision fut entérinée le 23 juillet lors d’une réunion plénière CNT-FAI-FIJL. Dans le même temps, « […] une minorité nombreuse, active, puissante, guidée par un idéal » [6], ignorant les consignes d’en haut, s’engageait résolument dans la sortie du capitalisme et l’organisation du communisme libertaire.

À l’instar de Myrtille, la plupart des historiens anarchistes présentent comme une évidence qu’après l’échec du coup d’État militaire la CNT-FAI était en mesure de prendre le pouvoir en Catalogne. Les dirigeants de la Confédération, fiers de la puissance de leur organisation, l’ont affirmé dans leurs mémoires et leurs accusateurs ont renchéri car, si le syndicat rouge et noir avait été en capacité de s’emparer seul du pouvoir, alors il aurait pu organiser le communisme libertaire, et c’est donc bien la « trahison » des militants destacados et des cadres de la CNT qui aurait empêché la révolution.

S’il est vrai que la CNT, par ailleurs hétéroclite et profondément divisée, se trouvait en position hégémonique à Barcelone au lendemain du putsch, c’était loin d’être le cas dans l’ensemble de la Catalogne (les effectifs impressionnants annoncés dans les textes cultivant l’hyperbole oublient de préciser, comme le fait Myrtille, que la syndicalisation devint obligatoire dès le 10 août 36) et, pour imposer sa domination sans partage, elle aurait dû affronter de nombreux adversaires : partis de gauche, UGT, catalanistes, forces armées restées fidèles au gouvernement – sans compter la cinquième colonne franquiste. D’un point de vue sociologique elle dominait dans la classe ouvrière mais pas dans la paysannerie – la Catalogne était une région de petits propriétaires – ni dans la classe moyenne – commerçants, artisans, fonctionnaires, techniciens… – qui lui étaient globalement hostiles.

Même en imaginant que les anarchistes aient pris le dessus, que serait-il advenu à court terme d’une Catalogne libertaire prise en étau entre les fascistes à l’Est et à l’Ouest, les républicains dominés par les staliniens au Sud, la France qui lui aurait fermé ses frontières au Nord, tandis que le Royaume-Uni lui aurait infligé un blocus naval ? José Peirats écrit : « Nous pensions que nous contaminerions le monde entier avec notre enthousiasme, que nous provoquerions une réaction internationale dans le monde ouvrier [7]. » C’eût été en effet la seule possibilité de réussite d’une révolution communiste libertaire mais, en 1936, cette possibilité était nulle.

D’autres considérations persuadèrent les dirigeants cénétistes de ne pas faire cavalier seul. Si les libertaires avaient imposé leur dictature en Catalogne, les républicains leur auraient rendu la pareille dans les autres régions, où ils étaient les plus forts, au risque de provoquer un affrontement généralisé et la victoire de Franco. Autre raison : l’intervention de l’Aviazione Legionaria italienne dès le 30 juillet laissa présager que la guerre civile se doublerait d’une guerre internationale dans laquelle l’armement fourni par l’étranger serait déterminant. Or, si le gouvernement légal républicain pouvait espérer l’aide de la France du Front populaire, cela n’aurait pas été le cas d’une Catalogne anarchiste.

Le 23 juillet 1936, en s’alliant aux autres antifascistes, les dirigeants de la CNT-FAI pouvaient espérer vaincre les franquistes, condition sine qua non pour que vive la révolution. Sinon, ils étaient certains de perdre la guerre et de porter devant l’histoire la responsabilité d’avoir divisé et fait perdre le camp républicain. Comment leur reprocher leur choix ?

D’ailleurs, les anarchistes ont, de facto, exercé une quasi-dictature en Catalogne pendant deux mois, jusqu’à la fin septembre 1936. Le résultat fut désastreux. Les assassinats et les exactions qui leur furent attribués, puisqu’ils tenaient le pouvoir, plus la tentative avortée d’imposer la collectivisation agraire par la force [8], précipitèrent une partie de la population dans les bras du PSUC dès que l’emprise des libertaires se relâcha. Au terme de ce « bref été », la CNT, dominante en juillet, ne l’était déjà plus en octobre. À la fin de l’année l’UGT faisait jeu égal avec elle et le parti stalinien, qui n’était qu’un groupuscule six mois plus tôt, avait pris l’ascendant sur le mouvement anarchiste.

Il serait temps de renoncer aussi au fantasme de colonnes libertaires capables de descendre du front d’Aragon en mai 37 pour étriller les staliniens. Mal armées, mal organisées, ces colonnes devenues des « divisions » et des « brigades » après leur intégration dans l’armée régulière ne comptaient que quelques milliers d’hommes : au plus 6 000 pour la Colonne Durruti, 2 500 pour la Colonne de fer, 2 000 pour la Colonne Sur-Ebro, etc. Additionnées à un instant « T » elles totalisaient au plus 30 000 combattants sur les 480 000 de l’armée républicaine – tous ces chiffres étant surévalués car les commandants d’unité trichaient sur leurs effectifs pour obtenir plus de ravitaillement. Quoi qu’il en soit, les unités rouge et noir représentaient moins de 10% des effectifs républicains. Si elles avaient voulu se retourner contre leurs « alliés », elles auraient été écrasées par Lister avant d’avoir atteint Barcelone. En les adjurant de rester sur leurs positions, les dirigeants de la CNT voulaient éviter que soient détruites dans l’opprobre (car elles auraient été coupables de trahison aux yeux du monde entier) les dernières forces militaires libertaires.

Les circonstances de la guerre

Je suis toujours étonné que les contempteurs de la CNT-FAI balayent d’un revers de main les circonstances de la guerre comme si la guerre n’avait été qu’une péripétie accessoire. À les entendre, elle n’aurait pas dû peser sur la décision d’ajourner ou non la révolution. Les dirigeants cénétistes qui avaient soutenu que la guerre les obligeait à différer la révolution sont qualifiés de « circonstancialistes », terme équivalent à « capitulards » sous la plume de Myrtille et dans la littérature libertaire.

La guerre, a fortiori la guerre idéologique, est une lutte à mort qui exige une mobilisation totale, militaire et économique. Or l’armée républicaine devait se battre contre une armée initialement plus forte [9] et qui fut très vite équipée d’avions (à partir du 29 juillet 36) puis de chars et d’artillerie par ses alliés fascistes [10].

Parce qu’ils avaient une vue d’ensemble sur les événements, la victoire militaire est apparue dès les premiers jours aux dirigeants confédéraux comme l’objectif dont dépendait tous les autres. Le 20 juillet 36, avant même que la CNT-FAI ait eu le temps de se poser la question de la prise de pouvoir, les nationalistes avaient déjà conquis les Baléares, tout le nord du pays à l’exception d’une bande côtière de San Sebastián à la Galice et ils avançaient en Andalousie. Six semaines plus tard, après les brèves campagnes d’Estrémadure (5-14 août) et du Tage (17 août-3 septembre), les factieux du Nord et du Sud avaient fait leur jonction et la moitié de l’Andalousie était entre leurs mains. La perte de Saragosse et de la partie occidentale de l’Andalousie dès le début de la guerre avait privé d’emblée la Confédération de deux de ses principaux bastions et, écrit José Peirats, « de la moitié de ses effectifs » [11]. En septembre, quand fut décidée la militarisation des milices, chaque colonne continuait d’agir pour son propre compte, sans coordination avec les colonnes voisines, sans plan d’ensemble, tandis que les franquistes soutenaient presque partout l’offensive, que Madrid était menacée et que les gouvernementaux ne cessaient de reculer.

La progression des nationalistes fut ralentie pendant quelques mois après leur échec devant Madrid (novembre 36), mais l’armée républicaine ne prit jamais le dessus. Pour un observateur averti la guerre était perdue dès la fin de l’année 1936 si l’aide apportée à Franco par l’Italie et l’Allemagne n’était pas compensée par celle des démocraties occidentales à la République.

Cette guerre nécessitait de savoir utiliser des armes lourdes et des matériels sophistiqués, de gérer une logistique capable d’approvisionner une ligne de front de 2 000 km en armements, munitions, équipements, vivres, matériel médical, et de combiner l’action de centaines de milliers d’hommes. Par conséquent elle exigeait organisation et discipline ; Durruti ne fut pas le dernier à le dire [12].

Dans une guerre de fronts où les matériels comptent plus que les hommes (en rase campagne, il suffit de deux mitrailleuses derrière un parapet pour arrêter un régiment), la victoire va fatalement au camp le mieux armé, qu’il fabrique lui-même ses armes et munitions ou qu’elles lui soient fournies par l’étranger. Non seulement l’armée franquiste était mieux équipée dès le départ mais l’aide que lui prodiguaient les États fascistes était bien supérieure à celle que recevaient les républicains. La seule façon d’atténuer ce handicap aurait été de mobiliser tout le potentiel de l’industrie catalane au service de l’effort de guerre, et Myrtille nous montre combien on en était loin. Par rapport à juin 36 la production de l’industrie catalane avait chuté de 35% en novembre 36 et de 45% en novembre 37, avant de s’effondrer à partir d’avril 38. La mobilisation de la production agricole était elle-aussi indispensable car les républicains devaient ravitailler un demi-million de soldats et deux villes de plus d’un million d’habitants, Madrid et Barcelone, alors que 20% des hommes étaient au front et que la guerre avait désorganisé les transports.

Était-il possible, dans ces « circonstances », de mener parallèlement une révolution communiste libertaire ?

L’engrenage

La guerre précipita la CNT dans un inéluctable engrenage. Une fois admis qu’il n’y aurait pas de révolution si Franco gagnait la guerre, il fallait mobiliser toutes les forces militaires et productives pour la gagner. D’où l’alliance avec les autres antifascistes, puis la participation au gouvernement afin de pouvoir peser sur ses décisions : « […] si la CNT n’accède pas au pouvoir avec la représentativité qui correspond à sa force, nous serons gouvernés par les autres, coalisés contre nous » [13], plaidait Horacio Prieto. Mais à force de tergiversations, il était trop tard [14] : en novembre 36 la CNT était déjà affaiblie et elle n’obtint aucun portefeuille majeur.

La suite fut une longue descente aux enfers. Ce qui paraissait évident aux dirigeants cénétistes dans la perspective de gagner la guerre (militariser les milices, accroître la production industrielle et agricole, désarmer les groupes incontrôlés…) ne l’était pas pour un milicien engagé volontaire ou pour l’habitant d’une barriada de Barcelone : obéir sans discuter, travailler plus sans contrepartie, remettre ses armes à la police, autant d’injonctions qui paraissaient incompréhensibles aux militants anarchistes. Le même scénario se répétait : les partenaires de la CNT la sommaient de mettre au pas ses insubordonnés : usines autogérées refusant d’honorer leurs factures, collectivités ne livrant pas leur quote-part à l’armée ou refusant de payer l’impôt, milices n’obéissant pas au commandement général, patrouilles et comités refusant de rendre leurs armes, etc. La CNT s’exécutait, sa base radicale s’insurgeait, elle tentait de calmer ses troupes ou revenait sur sa décision, quittait le gouvernement, y retournait, et ressortait de chaque épisode un peu plus affaiblie.

Qu’une organisation anarchiste participe à un gouvernement, à une armée, tente de persuader les ouvriers de se plier aux impératifs de la productivité industrielle, menace de sanctions les récalcitrants, fasse du jour au lendemain l’inverse de ce qu’elle avait professé depuis un demi-siècle, avait de quoi susciter l’indignation et la résistance que décrit Myrtille.

C’était la première fois dans l’histoire qu’un mouvement de masse libertaire se trouvait confronté à la double problématique du pouvoir et de la guerre. Manifestement, ni les théories anarchistes, ni les enseignements des expériences passées (la Commune de Paris, la Makhnovchtchina…), ni les débats internes à la CNT depuis qu’elle se préparait à l’affrontement, n’avaient permis d’élaborer une stratégie conciliant les principes anarchistes et l’efficacité.

Il n’est d’ailleurs pas dit que l’option de la révolution sans transition n’aurait pas abouti, dans un réflexe de survie, aux mêmes renoncements en se heurtant aux réalités de la guerre.

Le procès des dirigeants de la CNT

Il est vite expédié. Leur stratégie a échoué de bout en bout : les démocraties capitalistes ne sont pas venues au secours de l’Espagne républicaine, le parti stalinien a supplanté le mouvement libertaire et la guerre a été perdue. En entrant au gouvernement, les dirigeants confédéraux croyaient pouvoir peser sur les arbitrages militaires, économiques et sociaux. En réalité, une fois sur le terrain de l’ennemi, celui de la politique institutionnelle qu’ils ne maîtrisaient pas, ils se sont fait rouler dans la farine et le syndicat libertaire s’est enlisé dans la bureaucratie. Pis que tout : après avoir passé outre à ses principes, la CNT a fini par les combattre.

Myrtille souligne qu’elle ne reprend pas à son compte l’idée d’une « trahison » personnelle des chefs de la CNT-FAI (quoiqu’elle eût pu se dispenser de certains qualificatifs peu amènes : « l’inénarrable Santillán »)… Mais qu’il m’est pénible, lorsqu’elle présente ses ouvrages, d’entendre son auditoire accueillir l’expression « anarchistes de gouvernement » et les noms de Juan García Oliver, Abad de Santillán ou Juan Peiró par des ricanements (à quel titre ?).

Les anarchistes disent ne pas aimer les chefs, mais l’histoire du mouvement libertaire est riche de héros charismatiques (Mikhaïl Bakounine, Nestor Makhno, Louise Michel, Errico Malatesta, Emma Goldman…) que leur vie aventureuse, leur rectitude morale, leur courage physique, ont rendu légendaires de leur vivant et qui se sont « naturellement » imposés comme des leaders, voire des chefs de guerre, quand ils ont participé à des soulèvements révolutionnaires. L’anarchisme espagnol, après 30 ans de luttes implacables, abondait en personnalités prestigieuses : les anciens du groupe Los Solidarios – Juan García Oliver, Buenaventura Durruti, Francisco Ascaso, Ricardo Sanz –, mais aussi Horacio Prieto, Abad de Santillán, Juan Peiró, d’autres encore… Tous avaient derrière eux une vie de lutte, de périls, de prisons et d’exil. Dans les moments où il fallut faire des choix cruciaux, ces anarchistes destacados décidèrent « naturellement » pour des centaines de milliers de militants qui les suivirent pour la plupart.

Le 19 juillet 1936, contrairement à la légende spontanéiste véhiculée par l’imagerie libertaire, ce sont ces militants destacados qui donnèrent le signal de la révolution en descendant de Pueblo Nuevo vers le centre-ville de Barcelone et les « cadres de défense » dont s’était dotée la CNT depuis 1934 qui firent le coup de feu contre les factieux. C’est ensuite seulement que le peuple envahit les rues, bannières au vent. « Tout un peuple a bougé, raconte Abad de Santillán, et il a bougé parce que nous étions là, que le Durruti légendaire était là, au premier rang. [15] » Les jours suivants, lorsqu’il fallut trancher entre prendre tout le pouvoir ou non, c’est la décision de ces destacados qui s’imposa. Et quoi qu’ils aient dit plus tard de leurs doutes ou de leurs réserves, tous soutinrent la participation au gouvernement et aucun ne se déjugea, par conviction pour certains, pour ne pas briser l’unité de la Confédération pour d’autres. Durruti, le seul qui échappe à l’opprobre des détracteurs de la CNT, n’a pourtant jamais contesté la stratégie de la direction confédérale et s’est montré jusqu’au bout un militant discipliné.

Plutôt qu’incriminer, comme Myrtille, « le choix collaborationniste des dirigeants de la CNT », ne faut-il pas chercher ailleurs la cause de l’échec ? Alors qu’ils s’attendaient au coup d’État militaire, qu’ils s’y étaient préparés depuis au moins deux ans et qu’ils se disaient sûrs de vaincre [16], comment se fait-il que les militants cénétistes n’aient jamais décidé de ce qu’ils feraient concrètement au lendemain de leur victoire ? Allaient-ils tenter de prendre seuls le pouvoir ou s’allieraient-ils aux forces de gauche ? Comment affronteraient-ils l’armée putschiste – sachant que jamais dans l’histoire une guérilla n’était venue seule à bout d’une armée régulière ? Avec quels armements ? Comment organiseraient-ils une économie de guerre ? Quelle serait leur attitude vis-à-vis des puissances étrangères ? Alors que la CNT avait officiellement fait le choix du communisme libertaire comme modèle de société, comment s’effectuerait sa « mise en route » dans un pays en guerre et une société majoritairement hostile à l’abolition de la propriété ?

La CNT-FAI semble avoir été totalement prise de court au moment où il fallut répondre à ces questions, dont celle, cruciale, de l’organisation de la lutte armée. Ce n’est pas faute d’en avoir débattu. Le groupe Nosostros (García Oliver, Durruti, Ascaso, etc.) avait proposé à plusieurs reprises, et jusqu’à la veille du putsch, de s’emparer du pouvoir et de créer une « armée révolutionnaire ». Comme je l’ai dit plus haut cette stratégie, dite « anarcho-bolchevique », avait été rejetée par la quasi-totalité de la militancia qui s’était réfugiée derrière le dogme de la « spontanéité créative des travailleurs » pour ne pas lui opposer d’alternative et… ne rien décider [17].

N’y a-t-il pas là un vice de forme de l’anarchisme, efficient pour critiquer le système capitaliste, créatif pour imaginer une société idéale, mais incapable d’organiser le passage de l’un à l’autre ? Quant au « leaderisme », n’est-il pas le résultat d’une impuissance à s’organiser collectivement, à se fixer des objectifs, une stratégie, et à s’y tenir ?

La terreur

Les staliniens et les réactionnaires ont longtemps imposé leurs versions respectives de la guerre d’Espagne, versions dans lesquelles les crimes attribués aux anarchistes occupent une place de choix : assassinats de religieux, exécutions sommaires de fascistes présumés, règlements de comptes et exactions sanglantes sous couvert de « justice révolutionnaire », massacres dans les prisons, etc. Depuis les historiens libertaires ont objectivé les faits, ramené les chiffres à leurs véritables proportions et spécifié ce qui pouvait être imputé aux anarchistes. En revanche, s’ils consacrent de nombreuses pages à relativiser la responsabilité des libertaires, ils n’ont jamais voulu reconnaître les lourdes conséquences de ces « excès ». Lorsqu’une population est soumise à l’arbitraire de groupes armés aux motivations incertaines (bras armé du peuple révolutionnaire pour les uns, les « patrouilles de contrôle » étaient dénoncées pour leur corruption par beaucoup d’autres, y compris dans les rangs de la CNT-FAI), elle plonge dans la terreur. Le sentiment d’insécurité poussé à son paroxysme provoque la haine à l’encontre de ceux qui en sont tenus pour responsables et une aspiration irrépressible à l’ordre. Les dirigeants anarchistes en étaient bien conscients qui fustigeaient les exécutions sommaires [18], au point que la FAI annonça en août 36 : « Nous déclarons froidement, avec une terrible sérénité, et avec l’inexorable intention de le faire, que si tous ces actes irresponsables qui sèment la terreur à Barcelone ne prennent pas fin, nous fusillerons tous les coupable. [19] »

Cet été terroriste explique en grande partie l’effondrement rapide de la CNT-FAI en Catalogne et, parallèlement, l’ascension fulgurante du PSUC se revendiquant le parti de l’ordre, de la sécurité et de la défense de la propriété. Myrtille, les Giménologues et les commentateurs « radicaux » semblent avoir d’autant plus de mal à l’admettre que cette dérive a été dénoncée par les « collaborationnistes » de la CNT-FAI (Joan Peiró, Federica Montseny, etc.) et qu’elle met à mal la doctrine spontanéiste.

L’argument des moyens qui conditionnent la fin revient souvent sous la plume de Myrtille pour condamner la stratégie des « collaborationnistes » : comment construire une société sans État en commençant par maintenir l’État, ou une société débarrassée du productivisme en demandant aux prolétaires de travailler plus ? Ce type de raisonnement peut se retourner : comment édifier une société pacifique dans la violence [20], une société juste en tolérant l’arbitraire, une société libertaire avec des mesures autoritaires ?

Le communisme libertaire en pratique

La collectivisation toucha quantité d’activités en Catalogne – textile, transports, électricité, gaz, traitement des eaux, automobile, mécanique, mines, cimenteries, papier, chimie, bois, agro-alimentaire, brasseries, pêche, certains commerces… – mais c’est seulement dans les petites communautés rurales qu’elle réalisa, parfois, des objectifs aussi ambitieux que la suppression de l’argent et du salariat.

Même un historien aussi hostile aux libertaires espagnols que Hugh Thomas reconnaît l’importance du mouvement des collectivités agraires [21], ses réussites économiques, la faculté d’adaptation et l’inventivité dont firent preuve des paysans pour la plupart illettrés, la multiplication des écoles et le formidable besoin d’instruction qu’il généra, ainsi qu’ « une solide joie de vivre qui compensait les carences dues à la guerre » [22].

La collectivisation des terres s’accomplit en zone républicaine de façon très inégale : massive en Aragon oriental, importante dans la province de Badajoz, en Castille-La Manche, en Andalousie, plus dispersée ailleurs, parfois pour quelques semaines, parfois pendant une année pleine. Elle fut surtout le fait des ouvriers agricoles tandis que les petits propriétaires et les métayers y étaient en général hostiles (les gros propriétaires avaient fui). Elle ne concerna que des ensembles limités, le plus souvent des villages de 1 000 à 2 000 habitants, rarement 4 000, étant entendu que tous les villageois n’y adhéraient pas. La plupart des collectivités se contentèrent de mettre les terres en commun et continuèrent à rémunérer les paysans en pesetas en fonction du travail fourni. Celles qui appliquaient le « salaire familial » (à chacun selon ses besoins) et avaient supprimé l’argent, remplacé par des « bons d’achat », étaient éparpillées. Le système des « bons » pouvait aisément fonctionner en interne, pour payer l’alimentation, le coiffeur ou le cordonnier, mais les choses se compliquaient lorsqu’une collectivité voulait commercer avec une ville, une entreprise industrielle ou un établissement de commerce, car ceux-ci ne les acceptaient pas. Pour cette raison, la suppression de l’argent ne concerna jamais que les échanges du quotidien à l’intérieur de modestes bourgades.

En Catalogne les anarchistes échouèrent à imposer la collectivisation aux petits propriétaires. Myrtille soulignait dans son volume II que la CNT avait toujours délaissé les campagnes. En effet, malgré les protestations de Joan Peiró [23] et d’autres, les militants ouvriers de Barcelone s’aliénèrent les petits paysans, passionnément attachés à leur terre, objet de leur labeur, de leur fierté, sur laquelle ils se sentaient leur propre maître et qui voyaient la collectivisation comme une servitude.

En Aragon oriental, la collectivisation fut à la fois massive et, dit Myrtille, « proche des principes du communisme libertaire ». Appuyés par les milices confédérales, les anarchistes y avaient pris le pouvoir en juillet 36 avant d’introniser le Conseil régional de défense d’Aragon « de façon pas très démocratique », comme le reconnait Antonio Ortiz Ramírez lui-même [24]. Compte tenu de l’occupation de la région par les colonnes libertaires et des violences commises dans leur sillage, il ne s’agissait évidemment pas d’une adhésion entièrement spontanée. On ne peut, comme le fait Myrtille, se contenter de signaler par une note de bas de page que « […] la présence de ces hommes en armes dans les pueblos pouvait dans certains cas intimider les paysans et exercer une pression sur ceux qui n’intégraient pas les collectivités ». Les miliciens anarchistes représentaient une menace pour les paysans qui n’auraient pas voulu entrer dans la collectivité et on ne peut tenir compte d’une adhésion obtenue sous la menace.

Myrtille cite plusieurs témoignages soulignant l’attachement de ces paysans pauvres à la propriété de leur terre et le fait que la plupart, y compris ceux qui étaient adhérents à la CNT, étaient opposés à la collectivisation, au contraire des ouvriers agricoles. Même dans les villages où ils étaient en théorie libres d’entrer dans la collectivité, une forte pression s’exerçait sur eux : s’ils restaient en dehors, ils n’avaient plus accès aux moyens que la collectivité s’était appropriés (four communal, outillage, véhicules…), ni aux services collectivisés (artisans, magasins, coiffeur…) et ils ne pouvaient plus disposer librement de leur récolte. En plus de ces difficultés, les métayers qui voulaient rester indépendants continuaient à payer un loyer pour leur terre, qu’ils devaient verser à la collectivité [25].

En cherchant à imposer la collectivisation, les anarchistes commettaient deux erreurs : ils se mettaient à dos une part importante de la population pauvre qui aurait dû leur être favorable et ils violaient la liberté individuelle – fondement de l’anarchisme – de travailleurs qui n’exploitaient personne.

Les collectivités étaient d’ailleurs à bien des égards plus communistes que libertaires, même là où était appliqué l’adage « À chacun selon ses besoins ». Ainsi les « bons » représentaient une contre-valeur de l’argent valable uniquement pour les biens de consommation courants disponibles dans la collectivité. Donc, pour obtenir des pesetas afin d’aller se distraire, se soigner, ou faire des achats en ville, un habitant devait s’adresser au comité en précisant le motif de son déplacement et de combien d’argent il avait besoin. Beaucoup considéraient que cette obligation humiliante conférait audit comité un pouvoir autocratique de contrôle sur la population, et cela d’autant que le puritanisme anarchiste condamnait les cafés, l’alcool, le tabac et le sexe hors union (libre). Quant à la moitié de l’humanité, les femmes, qui n’avaient toujours ni les mêmes droits ni les mêmes salaires que les hommes, le « salaire familial » aggravait leur dépendance vis-à-vis du « chef de famille » [26].

La mise en œuvre des principes du communisme libertaire n’a concerné que des villages au niveau de vie très bas et l’on comprend que leur application – par exemple l’abolition de l’argent – aurait engendré des problèmes insolubles au niveau d’une ville, plus encore d’un pays, et généré une bureaucratie tentaculaire pour administrer équitablement les échanges. « C’est pourquoi cette résolution sur le communisme libertaire, écrit José Peirats, il faut la comprendre en rapport avec une organisation sociale comme celle de l’Espagne, de type semi-féodale ou sous-développée, comme on dirait maintenant. Mais il y a aussi en elle une idée de la perfection, une foi inchangée dans les valeurs éternelles de l’humanité, et c’est ce que les critiques sarcastiques ne voient pas. [27] »

Le communisme libertaire que décrit Myrtille suppose une société frugale, précapitaliste, préindustrielle, ce qui explique qu’il ait pu s’épanouir dans les pueblos d’Espagne où les paysans vivaient dans des conditions matérielles presque inchangées depuis un demi-millénaire. Peut-être l’humanité aurait-elle mieux fait de ne pas prendre le virage de l’industrialisation, mais un retour en arrière était-il possible ? Des hommes comme Abad de Santillán ou Joan Peiró, et avec eux la majorité de la militancia, ont pensé que non et que l’on pouvait sortir du capitalisme tout en conservant ce que l’industrialisation pouvait apporter de positif.

En guise de conclusion

D’atermoiements en voltes-faces, le mouvement anarchiste espagnol duquel avait surgi la révolution la plus féconde de l’histoire, s’abîma dans un naufrage idéologique et militaire. Comment ne pas comprendre l’amertume, la rage, des rescapés de cette aventure unique qui rassembla, dans les milices confédérales, les meilleurs militants de l’internationale libertaire et, dans les collectivités, la fine fleur du prolétariat d’Espagne ? Ceux-là, envers et contre tout, y compris contre la CNT, tentèrent « […] de construire la société nouvelle. Ils ne se sentaient pas liés par les manœuvres politiques et ils avaient raison, affirme Gaston Leval, car nous n’en aurions pas moins perdu la guerre et la magnifique expérience de la révolution espagnole n’aurait pas eu lieu » [28].

Ils avaient cru toucher au but et cherchèrent longtemps l’explication de leur défaite dans la « trahison », comme souvent les survivants des combats perdus. À présent que la génération des combattants de 1936 s’est éteinte et que le temps de la mémoire laisse la place à celui de l’histoire, il devrait être plus facile de porter sur la guerre d’Espagne un regard distancié et de renoncer à l’immuable légende d’une révolution qui aurait pu, qui aurait dû, triompher.

Pour conclure, il faut revenir à l’origine de cette révolution, c’est-à-dire au coup d’État militaire. Contrairement aux révolutions française ou russe, c’est par l’attaque de militaires « factieux » contre la République et le soulèvement populaire pour la défendre que débuta la révolution espagnole. L’affrontement prit aussitôt la forme d’une guerre conventionnelle entre l’armée régulière « gouvernementale » et celle des « rebelles ». Cette guerre, dont on dit qu’elle fut la répétition générale du second conflit mondial, les anarchistes ne l’ont pas voulue, elle s’est imposée à eux. Ils n’en ont choisi ni les modalités ni le moment. Dans les conditions historiques de 1936, leur cause était perdue d’avance.

François ROUX

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Appel à l’action: Solidarité avec Rojava- contre l’invasion turque

Un appel urgent d’un réseau d’organisations

Le 6 octobre, l’administration Trump a annoncé qu’elle retirait les troupes américaines du nord de la Syrie, donnant essentiellement au président turc Recep Tayyip Erdoğan le feu vert pour envahir le Rojava, procéder au nettoyage ethnique et réorganiser de force la région. Nous appelons les populations du monde entier à s’engager dans des protestations et/ou des interventions auprès des consulats turcs, des bureaux du gouvernement américain, des fabricants d’armes et des entreprises liées au gouvernement turc, telles que Turkish Airlines.

Depuis 2012, la région autonome du Rojava est le lieu d’une expérience multiethnique enthousiasmante en matière d’autodétermination et d’autonomie des femmes, tout en combattant l’État islamique (ISIS). Après des années de lutte, malgré des pertes massives, les combattants de Rojava ont participé à la libération de tout le territoire occupé par l’ISIS et à la libération de ceux qui avaient été faits prisonniers dans les bastions de l’ISIS.

Pour tenter de justifier l’autorisation à la Turquie d’envahir la Syrie, Trump a tweeté que les contribuables américains ne devraient pas avoir à payer pour maintenir les combattants de l’ISIS en détention. En fait, les Etats-Unis n’ont pas payé un centime pour détenir les combattants ISIS capturés ; cela a été entièrement organisé par les Forces démocratiques syriennes (SDF). La réalité est que l’invasion turque du territoire kurde créera les conditions permettant à ISIS de réapparaître et de reprendre ses opérations en Syrie et dans le monde. Pendant des années, la Turquie a permis aux armes, aux recrues et aux ressources d’atteindre ISIS par ses frontières.

L’ISIS et l’invasion turque constituent une menace existentielle pour tous les groupes ethniques et
religieux indigènes de la région, y compris les Arabes, les chrétiens (Arméniens, Assyriens, Chaldéens et Syriaques), les Turkmènes, les Tchétchènes, les Alevites, les Yazidis. Nombre de ces groupes ont pu se faire entendre pour la première fois, mais ils sont aujourd’hui victimes d’un massacre perpétré par les militaires turcs et les djihadistes.

L’invasion de Rojava par la Turquie crée un nouveau précédent en matière d’agression militaire, de nettoyage ethnique et de destruction des expériences égalitaires et féministes comme celle de Rojava. Elle prépare d’autres effusions de sang et l’oppression partout dans le monde, ouvrant la voie à des autocrates ethno-nationalistes comme Trump, Erdoğan, Bachar al-Assad, Jair Bolsonaro et Vladimir Poutine pour influencer la politique mondiale pour les générations à venir.

Depuis des mois, les habitants de Rojava appellent à la solidarité internationale en cas d’invasion. Nous devons attirer l’attention sur le sort du Rojava et faire savoir qu’il y aura des conséquences.

Se taire, c’est être complice.

Nous appelons toutes les personnes de conscience à s’engager dans les protestations et interventions dans les consulats turcs, les bureaux du gouvernement américain, les fabricants d’armes et les entreprises liées au gouvernement turc, telles que Turkish Airlines.
Le Comité de Solidarité Rojava Europe s’est joint aux organisateurs de Rojava pour appeler à une journée d’action le 12 octobre contre l’invasion turque ; nous soutenons cet appel et appelons à de nouvelles actions avant et après le 12 octobre.

Nous devons mettre en place un contexte propice à une action directe à grande échelle afin de construire un mouvement mondial qui puisse rendre de telles atrocités impossibles. Ensemble, nous pouvons arrêter l’invasion. On se retrouve dans la rue.

Signatures
Si votre organisation appuie cet appel, veuillez faire circuler ce texte et communiquer avec nous à coordination.for.rojava@protonmail.com pour vous inscrire.
Cette liste sera mise à jour régulièrement sur crimethinc.com et itsgoingdown.org.
• Coordination for the Defense of Rojava
• 1312 Press
• Acid Communist League of Atlanta
• Agency (www.anarchistagency.com/)
• Horacio Almanza Alcalde
• Angry Socialist Community – ASC (@AngrySocialists)
• Anon Anarchist Action
• Antifascists of the Seven Hills
• Antifascistas Belo Horizonte – Brazil
• Atlanta Antifascists
• The Autonomous University of Political Education
• The Base
• Bay Area Mesopotamia Solidarity Committee
• Black Rose Anarchist Federation – Los Angeles Local
• Black Socialists of America
• Bloomington Anarchist Black Cross
• The Boiling Point Collective (http://facebook.com/pg/boilingpointkzoo/about/)
• The Rev. Dr. Colin Bossen, Unitarian Universalist Minister, First Unitarian Universalist Church of Greater Houston
• Breakaway Social Center
• Cooperation Jackson
• CrimethInc. Workers’ Collective
• The Dandelion Network
• Demand Utopia Seattle
• Democratic Socialists of America – Communist Caucus
• Denver Anarchist Black Cross
• Ricardo Dominguez, Associate Professor, UCSD
• Economics for Everyone – Olympia (facebook.com/EconomicsforEveryoneOly/)
• Extinction Rebellion Seattle
• The Fayer Collective
• The Final Straw
• Frontline Organization Working to End Racism (FLOWER)
• Flyover Social Center
• David Graeber
• Hispagatos
• The Holler Network
• Industrial Workers of the World – Atlanta
• Inhabit
• It’s Going Down
• Kali Akuno
• Kasa Invisível Belo Horizonte – Brazil
• Knoxville Anti-Fascist Action
• The Lucy Parsons Center
• Midwest Unrest (@MW_Unrest)
• No Space for Hate Bloomington (https://nospace4hate.btown-in.org/)
• Noumenon Distro
• Olympia Solidarity Network (olyassembly.org/olysol/)
• One People’s Project (idavox.com)
• Pacific NorthWest Antifascist Workers Collective
• Dr. Ian Alan Paul, Assistant Professor of Emerging Media at Stony Brook University
• People’s Defense League – South Louisiana
• PM Press (www.pmpress.org/)
• rek2 (as individual)
• Revolutionary Abolitionist Movement- Elm City
• Revolutionary Abolitionist Movement – NYC
• Revolutionary Organizing Against Racism (ROAR Collective)
• The Right to the City – Timisoara, Romania
• Rojava Montréal
• Rojava Solidarity Colorado (@RojavaSoliCO)
• Rojava Solidarity Portland (facebook.com/rojavasolidarityportland/)
• Rojava Solidarity Seattle
• Scuffletown Anti-Repression Committee
• Seattle Rising Tide
• Soflaexit (Soflaexit.com)
• Solidarity Against Fascism East Bay (SAFEBay)
• Sprout Distro
• Tar Sands Blockade – Texas
• The Teardown Community
• Voices in Movement
• A World Without Police
• Youth Liberation Front (Portland, Seattle, Wisconsin, Carolina, Bay Area, Illinois)

Grenoble:Beau comme une mairie qui brûle- 30 septembre 2019

Dans la nuit du dimanche 29 au lundi 30 septembre, vers 3h du matin, la mairie de Grenoble a été incendiée. Les flammes ont entièrement détruit la salle du conseil municipal, avant de se propager vers le bureau du maire et des élus, ainsi que vers une salle de réunion.
Une soixantaine de pompiers ont du être mobilisés jusqu’à 7 heures du matin, heure à laquelle le feu a été éteint.
Ce lundi 7 octobre 2019, soit près d’une semaine après les faits, on apprend par la voix du procureur de Grenoble, Eric Vaillant, que l’origine de l’incendie est clairement volontaire: le rapport du laboratoire de la police scientifique de Lyon atteste de la présence de supercarburant sur les lieux.

L’Etat et ses laquais s’orientent dorénavant sur un « incendie volontaire avec épandage de supercarburant au niveau de l’accès central à la salle du conseil municipal« , après avoir longtemps parlé « d’accident ». Selon le procureur, la présence de carburant n’est pas le seul élément accréditant l’hypothèse de l’acte volontaire. L’état des fils électriques se trouvant dans cette zone indique en effet qu’ils « ont subi les effets de l’incendie, mais n’en sont pas la cause » (tiens tiens, cette fois c’est pas un « court-circuit » pour le proc’?).

« À noter également qu’un foyer secondaire est repéré sur la droite de la pièce en entrant, près d’une porte latérale au niveau de la régie. Aucune trace de supercarburant n’est détecté dans les prélèvements réalisés à ce niveau. Il peut s’agir d’un foyer induit (brandon sur objet à charge calorifique importante par exemple), ou d’un deuxième foyer avec épandage, mais les traces de produit accélérant étant en trop faible quantité pour être détectées » (Le Dauphiné, 07.10.2019).

Dans un premier temps, les autorités parlaient « d’origine du sinistre indéterminée » et n’avaient repéré « aucune trace d’intrusion volontaire ».

« Deux hypothèses sont évoquées : celle d’un incendiaire qui serait « parvenu à entrer dans la salle et à déverser du supercarburant à l’intérieur » ou bien un déversement « à l’intérieur du sas central » du bâtiment, le feu se propageant alors dans la salle du conseil par un écoulement de carburant sous la porte » (Le Monde, 08.10.2019).

« Le feu est parti de la salle du conseil municipal, qui est complètement détruite. Les fumées se sont ensuite propagées le long des couloirs du premier étage, vers le bureau du maire, l’espace « élus », ainsi qu’une salle de réunion. La salle du conseil municipal devra « entièrement être reconstruite dans les mois qui viennent » a expliqué à France Bleu Isère, Thierry Chastagner, l’adjoint en charge de la sécurité civile à la mairie de Grenoble. « Les murs sont recouverts, au premier étage, d’une épaisse couche de suie » a-t-il détaillé.

Quelques heures après cet incendie, la candidate LREM à la mairie de Grenoble s’exprimait au micros des journaflics en espérant « qu’il [cet incendie] ne vienne pas allonger encore la liste tragique des incendies volontaires dans notre ville », faisant référence aux nombreux incendies volontaires qui ont été déclenché dans l’agglomération de Grenoble ces deux dernières années, dont celui des locaux de France Bleu Isère en janvier dernier. »

[Repris de la presse locale, 01.10.2019]

Villeurbanne( Rhône): feu à la start-up nation

Ce mardi 8 octobre 2019 à Villeurbanne, un incubateur de start-ups est parti en fumée vers 7h, recouvrant l’agglomération de Lyon d’un joli panache de fumée. Le feu serait parti d’une poubelle se serait propagé au Bel Air Camp, un ancien entrepôt d’Alstom où travaillaient, selon le Progrès «une cinquantaine de start-up et TPEPME, pour quelque 350 salariés, qui planchent sur «l’industrie de demain» (robotique, réalité augmenté, e-commerce, design…).»

Plus précisément, 58 start-ups étaient installées dans les 10.000 m2 de locaux à l’est de la ville, dont 7000 m2 sont désormais réduits en cendres, selon le progrès. Aucune de ces entreprises n’est classé Seveso.

« Cinquante-cinq sociétés ont été détruites ou fortement endommagées, à l’image de la start-up Meersens, qui a développé une application et un boîtier pour mesurer la qualité de l’environnement. « Tous nos prototypes sont partis en fumée. Nous étions dans une phase de pré-industrialisation. Aujourd’hui, nous n’avons plus grand-chose : plus de bureau, plus d’ordinateur, plus de supports de communication, plus aucun document », se désole Julie Fessy. Et d’ajouter : « Mais nos pertes sont moindres comparées à d’autres sociétés ».
Hease Robotics a été plus durement touchée. « Nous sommes rendus sur place avec nos associés et ça a été un véritable choc. L’équipe est traumatisée », raconte Jade Le Maître, cofondatrice de la start-up lyonnaise qui emploie 16 salariés. « Tout notre stock de robots a disparu. C’est une perte sèche énorme », explique la jeune femme qui évalue le montant des dégâts à plus d’un million d’euros. « Il va nous falloir entre huit et dix mois pour ressortir un robot. En attendant qu’est-ce que je vais faire de l’entreprise, des salariés, comment va-t-on pouvoir livrer les clients ? », s’interroge-t-elle. (20minutes)


[…] Si respirer les fumées d’un incendie n’est jamais une très bonne idée, inutile en effet d’être alarmiste et les risques n’ont ici rien à voir avec ceux encourus par la population de Rouen. Il faut dire que l’avantage d’un fab lab — ou d’un incubateur de start-ups, ou d’une pépinière d’entreprises… les trois expressions signifient plus ou moins la même chose dans la novlangue contemporaine — c’est que quand ça brûle, les seules choses qui partent en fumée sont des bureaux partagés, des dosettes de café, des macbooks, des imprimantes 3D et les projets de merde qui vont avec. Non seulement, ça pollue modérément, mais en plus c’est plutôt plaisant à voir cramer. […]

Ouvert en 2016, Bel Air Camp s’est auto-baptisé « le repaire de l’industrie de demain ». Le lieu propose « des bureaux, des ateliers privatifs, un parc machines, des salles de réunion… permettant à des start-ups, PME et grands groupes de faire grandir leur projet au sein d’une communauté aux profils variés. » Ça fait rêver, non ? Comme n’importe quel lieu du genre, Bel Air Camp accueille aussi plein de trucs aux noms plus ou moins compréhensibles mais qui ont pour but de donner des atours cool à ce capitalisme à la sauce numérique : des meetups, des chaînes slacks [3], des salles de sport, des séances d’initiation à l’impression 3D et à la découpe laser ou des déjeuners mensuels pour créer des synergies business avec les autres entreprises du lieu…

Parmi les start-ups (les responsables de Bel Air Camp parlent de « pépites ») accueillies là-bas on trouve un peu de tout : des boîtes qui livrent de la bouffe bio, une autre composée de mamans « qui créent des produits beaux et astucieux pour conserver les souvenirs d’enfance » (sic !), des développeurs et des communicants en tous genre, des spécialistes de la réalité augmentée, des informaticiens, des fabricants de drones sous-marins et de robots, une architecte, etc. Au milieu, on tombe même sur cette association « qui impulse et coordonne les concours régionaux et nationaux, étapes de sélection pour constituer l’Équipe de France des Métiers qui a pour vocation de défendre les couleurs de la France à la compétition internationale WorldSkills ».

En général, tout ça se présente comme très vertueux. MCE-5 se présente comme transformant « des inventions issues de la Recherche en technologies innovantes et les [transférant] à l’industrie en vue de réduire l’empreinte environnementale de la propulsion automobile » (si on décode un peu ça veut dire faire profiter l’industrie automobile de recherches financées sur fonds publics). À côté de l’industrie auto, celle du vélo est bien représentée, avec deux fabricants de triporteurs, un spécialiste des batteries et un constructeur de vélos en bambou (défaut du modèle : inflammable). Plus rigolo, dans les boîtes qui ont cramé, on trouve ironiquement le « leader de l’exposome qui développe une solution apps + IoT permettant de tester si l’environnement immédiat (air, eau, aliments, bruit,…) présente un risque pour la santé » et un « concepteur et intégrateur de services d’alerte innovants pour prévenir les risques et renforcer la sécurité ». Bref, Bel Air Camp c’est un peu la cour des miracles et une caricature de ce genre de lieux ».

[Extrait du texte « Bel Air Camp : un fab lab qui brûle, c’est un peu de start-up nation en moins », publié sur Rebellyon.info, 08.10.2019]

Notes:
[1] Contrairement à l’usine Lubrizol qui est, elle, classée site Seveso.
[2] Installation classée pour la protection de l’environnement
[3] 
Honnêtement, on a piqué ça à l’arrache sur leur site et on a aucune foutue idée de ce que ça veut dire.

Toulouse,31000:Sabotage incendiaire contre le chantier TESO- 4 octobre 2019

Toulouse : Sabotage incendiaire contre le chantier TESO – 4 octobre 2019

Toulouse by night

Eurovia, succursale de Vinci, a vu une de ses machines bruler cette nuit du 4 octobre, sur le chantier de gentrification de la place Arago a Toulouse

Depuis plusieurs mois, les chantiers de construction d’une zone d’affaires autour de la gare Matabiau a Toulouse continuent dans leur vaste entreprise de destruction de maisons et vieux quartier. Le projet TESO (toulouse euro sud ouest) veut reconfigurer la ville en une métropole technologique, policière et touristique.

Projet gargantuesque qui curieusement implique ces mêmes entreprises qui batissent toujours plus de prisons. Eurovia, succursale de Vinci, a vu pour cela une de ses machines bruler cette nuit du 4 octobre, sur le chantier de gentrification de la place Arago, extension du réaménagement de toute la zone visant a y installer ces cadres dynamiques et flexibles loin de ces rages jaunes, noires et vertes qui convergent.

Contre TESO et les industries de destruction massive et pour la liberté des GJ, prenons celle de rappeler a ces machines qu’elles ne sont pas les bienvenues dans nos quartiers.

Greta

[Publié sur indymedia nantes, mardi 8 octobre 2019]

Valence, Drôme:Un centre aqualudique qui fait des vagues, Spie Batignoles se frottent les mains!!

https://rovaltain.f

 Note:Spie batignolles sud-est conduit aussi bien des projets de conception et de construction que des travaux de proximité et de maintenance, en neuf ou en réhabilitation, pour des clients privés et publics. Nous sommes largement référencés dans les secteurs de l’industrie, de la santé/médico-social, des équipements collectifs (centres aquatiques, écoles, parkings,…), de l’hôtellerie-tourisme et des bâtiments tertiaires.

Quelques réalisations à venir et réalisées à Valence et dans la Drome : Ehpad de St Vallier, bâtiment Amplitude, rénovation énergétique du Lycée Amblard, centre pénitentiaire de Valence, piscine caneton et centre aquatique de l’Epervière


  /www.peuple-libre.fr

La Chambre régionale des comptes a rendu son rapport sur les finances de Valence Romans. Ses critiques sont nombreuses sur le coût du centre aqualudique de l’Épervière et son mode de gestion.

Le centre aqualudique de l’Épervière va-t-il nous coûter plus cher que prévu ? C’est la question qu’on est en droit de se poser à la lecture du rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC) qui a passé au crible les finances de Valence Romans agglo de 2014 à 2018. Un long chapitre est consacré à ce projet, en raison de sa dimension financière et du mode de gestion particulier qui a été choisi. Le centre aqualudique a fait, en effet, l’objet d’un contrat de concession entre l’agglo et la société « Espacéo Valence Romans ». Ce contrat prévoit qu’Espacéo assurera l’exploitation du centre pendant 23 ans, moyennant le versement d’une contribution forfaitaire annuelle de la collectivité de 1,38 M€ par an jusqu’au terme du contrat en 2042.

Un coût de 30,7 millions d’euros pour l’agglo

Les magistrats de la CRCR pointent du doigt le fait que l’agglomération va porter seule le coût de l’investissement initial de 26,4 millions d’€ HT, ainsi qu’une contribution forfaitaire annuelle coûteuse, soit un coût total de 30,7 millions d’€ (en comptant l’investissement et le fonctionnement) pour l’agglo. De son côté, la société concessionnaire n’apporte que 400 000 € de fonds propres. « Cette dernière bénéficiera de la rentabilité potentielle d’un équipement neuf sur une durée très longue (25 ans), sans en avoir supporté le financement » regrettent les magistrats qui dénoncent « le manque de transparence sur le coût global de l’opération« . « L’information donnée à l’assemblée délibérante et au grand public par l’exécutif de Valence Romans Agglo n’a pas été complète sur l’économie du projet, et en particulier sur les conditions de son financement » indique le rapport des magistrats. Ceux-ci notent également que l’article paru en juillet 2018 dans le magasine de l’agglo pouvait laisser croire que l’investissement était supporté à parts égales entre l’acteur privé et l’agglo : « Cette présentation limite l’investissement public à 14 M€, alors que plus de 98% des ressources nécessaires à la construction seront à terme prises en charge par l’agglomération et qu’elle finance la quasi-totalité de la construction du centre aquatique« .

Beaucoup de questions,
mais pas de débat

Les magistrats s’inquiètent aussi de l’absence d’étude de fréquentation, du « choix du mode de gestion déjà arbitré par l’exécutif » et des modifications du contrat initial notamment en ce qui concerne les tarifs, etc. Face à ses critiques de la CRC (20 pages tout de même sur le centre aquatique !), on s’attendait à ce que le débat fasse rage jeudi 3 octobre en séance ordinaire de conseil d’Agglo. De débat, il n’y eut pas. Ou si peu. Tout juste Pierre-Jean Veyret (Valence) revenait-il sur le fait que l’intercommunalité avait mal communiqué sur le montant global du projet et sur le choix pour le moins original de mode de gestion du centre aquatique. Alors que la plupart des équipements de ce type sont, soit gérés en direct par la collectivité soit par délégation de service public, l’Agglo Valence Romans a opté pour « concéder l’usage du bâtiment pour 25 ans » à un organisme privé qui y fera ce que bon lui semblera. Le président de la superstructure aux 54 communes, Nicolas Daragon, affirmait justement que cela permettait « d’éviter les éventuels conflits entre la vision politique et les idées propres d’un gestionnaire« . Mais surtout, il signalait à ces collègues « qu’il avait déjà répondu à la chambre des comptes qu’il ne partageait pas son analyse financière sur le centre aquatique« . Alors que celle-ci parlait d’un enrichissement personnel du gestionnaire privé (aux dépends de l’Agglo ?), Nicolas  Daragon expliquait qu’il n’en n’était rien : « par contrat avec le concessionnaire, il devra nous reverser 15 à 25 % s’il réalise à minima 57 000 € de bénéfice« . Alors que la CRC s’interrogeait sur un investissement coûteux et risqué pour la collectivité, le maire de Valence au contraire se satisfaisait « d’un choix de gestion peu banal, mais qui au contraire limite les coûts et les risques ». Et d’expliquer : « Sur 25 ans, l’Agglo n’aura pas à payer les travaux d’entretien du bâtiment et n’aura pas à supporter les soucis d’investissements nécessaires au fil du temps« . Selon l’élu, c’est donc à long terme que la collectivité y gagne. In fine, l’assemblée a simplement « pris acte » du rapport de la CRC.

La fonte des glaces révèle l’héritage de la guerre froide : le Groenland est parsemé de déchets nucléaires

[Tiré de plusieurs sources anglo-saxones, dont un site anglais qui a copié celui-ci (en néerlandais, mais la vidéo qui se trouve dans l’article est intéressante, hélas elle est en anglais…) : https://joop.bnnvara.nl/nieuws/smeltend-ijs-toont-erfenis-koude-oorlog-groenland-bezaaid-met-kernafval]

Il est connu que les calottes glaciaires fondent à cause du réchauffement climatique. Et que beaucoup de problèmes vont en découler. La fonte des glaces fait monter le niveau des mers, et de grandes quantités de méthane sont relâchées dans l’atmosphère, ce qui accélère la réchauffement. Mais les épaisses couches de glaces nous protègent également contre les dangers du passé. La fonte du permafrost a par exemple déjà causé une petite épidémie d’anthrax en Sibérie du nord au cours de l’année 2016.

Les effets de la crise climatique sont clairement visibles au Groenland. La glace polaire fond bien plus vite que prévu, avec le résultat que des déchets nucléaires enterrés dans les années 50-60 finiront par se retrouver exposés à l’air libre par la fonte des glaces, ou bien rejetés dans la mer à cause de l’avancée des glaciers.

Ces déchets radioactifs viennent d’une base militaire américaine, construite sous la glace dans les années 50 et 60. Elle était alimentée par un réacteur nucléaire « portable » (le premier du genre au monde), qui a été retiré en 1967 ; mais certains éléments, tel le liquide de refroidissement, sont toujours sur place. Par ailleurs, il y a aussi de nombreux autres déchets toxiques, tels des liquides chimiques très dangereux, dont certains refont déjà surface (sur la photo, on voit des fûts de gazole vides et abandonnés sous la glace -à l’époque !).

Cette information n’est pas vraiment nouvelle car on en parlait déjà en 2016 [1]. Mais la fonte des glaces étant plus rapide que prévu, les déchets radioactifs vont se refaire surface plus vite que prévu. Alors que les scientifiques qui avaient découvert le pot aux roses prévoyaient un danger à partir de 2090 -ce qui laissait le temps de ne surtout rien faire!-, mais les infiltrations d’eau souterraines risquent d’accélérer le processus. On aura donc probablement des fuites radioactives d’ici quelques décennies si rien n’est fait…

Peut-être est-ce la raison pour laquelle le psychopathe en chef (Donald Trump) a proposé au Danemark de racheter le Groenland cet été ? En effet les danois ne sont pas content que l’oncle Sam ne prenne pas ses responsabilités, mais si l’île devient territoire des USA, ils pourront bien faire -ou ne pas faire- ce qu’ils veulent.

[1] Voir par exemple l’article de france24, traduit (pas très bien) du site anglais sur ce lien.

La Feuille d’infos du CIRA# 22 octobre 2019

LA FEUILLE D’INFOS DU CIRA #220OCTOBRE 2019Paraît depuis novembre 1999.

Toujours gratuite. Supplément au Bulletin du CIRAn° 45.La reproduction et la diffusion de cette feuille sont vivement souhaitées.

Qui ne sent pas la nécessité du combat, ne vit pas, mais végète.(Panaït Istrati)

https://www.cira-marseille.info/wp-content/uploads/2019/09/Feuille-220.pdf

RENCONTRES SÃO PAULO (BRÉSIL): dimanche 17 novembre 2019de 10 heures à 20 heures. Plusieurs collectifs dont la Bibliothèque Terra livre organisent la 10eFoire anarchiste de São Paulo. Cette rencontre internationale accueillera des stands d’éditeurs de livres, revues et fanzines, des débats, des ateliers, des expositions, du théâtre, de la poésie, de la musique…Adresse: Espaço Cultural Tendal da Lapa, Rua Constança 72, Lapa, São Paulo.Renseignements:https://feiranarquistasp.wordpress.com/

PUBLICATIONSLes livres qui sont présentés dans La Feuille d’infossont disponibles chez votre libraire préféré-e ou aux adresses parfois mentionnées. KATE AUSTIN.Kate Austin (1864-1902) est une journaliste anarchiste. Elle vivait dans une ferme du Missouri et collaborait à plusieurs revues libertaires. Certains de ses articles ont été choisis et traduits par Aurélien Roulland. Ils traitent de la condition féminine, de lacontraception, des enfants, de la peine de mort, de la grève générale… Kate Austinavait très peu fréquenté l’école mais était une grande lectrice. Elle a entretenu une correspondance avec denombreux militants et avait noué une amitié avec Emma Goldman. Elle est morte de la tuberculose. Ses textes sont suivis de plusieurs hommages.Kate Austin, paysanne anarchiste et féministeprésentation et traduction d’un choix de textes par Aurélien Roulland. Éditionsdu Monde libertaire, 2019. 108 pages. 10 euros.

CAMILLO BERNERI.Camillo Berneri (1897-1937) est un philosophe et écrivain anarchiste italien. Mussolini le contraint à l’exilen France. En 1936, il rejoint la Catalogne et combat sur le front d’Aragon dans la Colonne Ascaso, composée d’antifascistes Italiens.Il défend l’idée de révolution sociale. Il est assassiné par les staliniens pendant les journées de Mai 1937. Ce recueil de textes, la plupart inédits en français, donne un aperçu de son œuvre méconnue en France.Contre le fascisme: textes choisis (1923-1937)par Camillo Berneri. Agone, 2019. 384 pages. (Mémoires sociales). 22 euros.CNT ESPAGNOLE. José Peirats (1908-1989) est un ouvrier briquetier et un militant de la Confédération nationale du travail (CNT) depuis son plus jeune âge. À la demandede la CNT en exil, il rédige une histoire de la CNT,des origines (1911) à la fin de la guerre civile (1939). Trois tomes seront publiés par la CNT entre 1951 et 1953. Ils sont réédités en 1971 par les éditionsantifranquistes Ruedo ibérico. Cet ouvrage de référence est traduit pour la première fois en français par les éditions Noir et rouge.La CNT dans la Révolution espagnole: tome 2par José Peirats; traduction de Frank Mintz, revue et corrigée par Claire Lartiguet et Ramón Pino; révision générale deMiguel Chueca. Noir et rouge, 2019. 472 pages. 19 euros.

COMMUNE DE PARIS.Louise Michel (1830-1905) a été témoin direct de la Commune de Paris. Elle était sur les barricades puis elle a été condamnée à la déportation. Son récit est puissant et chargé d’émotion. Son écriture est vibrante et énergique. Cette nouvelle édition est annotée et accompagnée d’un cahier d’illustrations de 30 pages. La Communepar Louise Michel. Édition illustrée. Éditions de la Lanterne, 2019. 364 pages. (Éclairages; 1). 18,50 euros.CORDISTES.Les cordistes sont des professionnels du bâtiment ou du nettoyage qui travaillent en hauteur, à l’aide de cordes, pour exécuter des travaux d’accès difficile. Éric Louis est l’un d’entre d’eux. Il raconte le quotidien de ce métier difficile: déplacements, accidents du travail, conditions de travail… La plupart des chroniques de ce recueil sont précédemment parues dans La Brique,journal de critique sociale paraissant à Lille.Chroniques sur cordespar Éric Louis. Le Cordiste en colère, 2019. 77 pages. 5 euros.R

OMOLO GARBATI.Romolo Garbati (1873-1942) est engagé dans les milieux socialiste et anarchiste en Sardaigne. Il doit fuir l’Italie car il est menacé de prison pour ses écrits. Il part pour la Tunisie puis l’Algérie et enfin l’Égypte où il s’installe en 1902. Dans ce pays, il est journaliste pour la presse anarchiste et bourgeoise, de langue italienne et française. Il écrit ses mémoires en français en 1933. Sontémoignage est très intéressant sur lesmilieux de la presse au Caire et à Alexandrie. Ce récit est accompagné de nombreuses notes présentant des personnages pittoresques: visionnaires, typographes, artistes (notamment Ivan Aguéli), maîtres-chanteurs, escrocs…Mon aventure dans l’Afrique civiliséepar Romolo Garbati. Alexandrie (Égypte): Centre d’études alexandrines, 2018. 330 pages. (Littérature alexandrine; 3). 20 euros.Ce livre est disponible aux éditions de Boccard: info@deboccard.com

GILETS JAUNES.Depuisnovembre 2018, lesGilets jaunes ont été à l’origine d’un mouvement de contestationsociale et de nombreux actes de rébellion.Sur les ronds-points, dans des défilés sauvages, des individu·e·s ont pu contester l’ordre établi et échanger leurs points de vue. Sur les gilets, certain·e·s d’entre eux et elles, ont inscrit ce qu’il leur passait par la tête. Ce livre rassemble une centaine de photos de ces dos qui parlent ainsi que divers témoignages.Ahou! Ahou! Ahou!: novembre 2018-avril 2019: les dos prennent la parole et les échines se redressent. L’Insomniaque, 2019. 64 pages. 9 e

LINDIENS…Au début des années 2000, des Autochtones (Indiens des États-Unis et du Canada, Hawaïens) ont modelé la notion d’anarcho-indigénisme. Les anarchistes, depuis Élisée Reclus et Pierre Kropotkine se sont intéressés aux sociétés sans État despeuples autochtones. Ce livre rassemble des entretiens avec plusieurs militant·e·s. Ils révèlent les points communs entre pensée et tradition autochtones et anarchisme. Leur vision du monde passepar l’anticolonialisme, le féminisme, l’écologie, l’anticapitalisme et l’anti-étatisme.L’anarcho-indigénisme: entretiens réunis par Francis Dupuis-Déri et Benjamin Pillet. Montréal (Canada): Lux, 2019. 208 pages. (Instinct de liberté). 12 euros.

PAUVRETÉ.En 1841, l’économiste et sociologue français Eugène Buret(1810-1842)publie La misère des classes laborieuses en France et en Angleterre. Il y explique le principe de misère sur lequel repose notre civilisation. Les propriétaires, seuls légitimes détenteurs du droit,peuvent accumuler les richesses et faire l’aumône aux pauvres en les faisant accéder au salariat. Ce livre précurseur a inspiré Pierre-Joseph Proudhon et Karl Marx. Philippe Riviale, l’auteur de cet essai, est philosophe et historien. Il a écrit plusieurs livres sur la Révolution française et la civilisation marchande.Fondation de la civilisation marchandepar Philippe Riviale. L’Harmattan, 2019. 296 pages. (À la recherche des sciences sociales). 31 euros.

ROJAVA.Depuis 2011, la région du Rojava (Kurdistan syrien) est devenue à la fois le symbole de la résistance contre Daech, mais aussi un territoire qui se construit autour d’un projet révolutionnaire d’autogestion démocratique, inspiré en partie par l’anarchiste américain Murray Bookchin et ses propositions d’écologie sociale et de municipalisme libertaire. C’est ainsi que, début 2018, le Comité pour l’écologie du canton Cizirê (nord-est du Rojava), en collaboration avec la Commune internationaliste du Rojava, a lancé unecampagne internationale afin de soutenir des travaux écologiques. L’Atelier de création libertaire soutient cette démarche en diffusant le livre Make Rojava green again.Make Rojava green again. Dog Section Press: Commune internationaliste du Rojava, 2019. 144 pages. 8 euros.ROMAN NOIR.Laurence Biberfeld est l’auteure d’une vingtaine de livres, surtout des romans et quelques essais (sur l’éducation, la prostitution…). Dans ses histoires, elle parle du quotidien avec des personnages que l’on peut croiser tous les jours. Son écriture efficace et crue allie la dureté des situations avec un humour cinglant.

Péter les boulonsraconte l’histoire d’une fille dont le père a subi une opération chirurgicale ratée. Avec l’aide de compagnons squatteurs, elle décide de se venger. Assistantes sociales, psys, agents de Pôle emploi doivent alors se mettre aux abris. Car c’est le système social entier que le gang veut déboulonner.Péter les boulons par Laurence Biberfeld. In8, 2019. 240 pages. 17 euros.SANTÉ.ManfredSpitzer est un psychiatre spécialiste du cerveau. Il montre que notre santé physique et mentale et celle de nos enfants est gravement menacée par notre dépendance aux technologies numériques.De nouvelles maladies sont apparues: baisse des performances cognitives, troubles du sommeil, baisse de l’attention, repli sur soi, disparition de l’empathie… Chez les plus jeunes, on constate une baisse de la motricité et des capacités de perception. Ce travail important ne se contente pasde lancer une alerte. Il nous apprend aussi à nous protéger et agir à titre préventif.Les ravages des écranspar Manfred Spitzer. L’Échappée, 2019. 400 pages. 22 euros.

VICTOR SERGE.Peu après le début de la Seconde Guerre mondiale, le révolutionnaire Victor Serge (1890-1947) publie une série d’articles dans un journal grand public L’Intransigeant. Ces textes sont pour la première fois réunis dans un volume. Victor Serge analyse les prémisses du conflit.Il s’interroge sur les raisons du pacte germano-soviétique. Il a lui-mêmeconnu la répression impitoyable qui sévit en URSS. Il voit les limites de cet accord ainsi que la concurrence préventive que se livrent les deux pays, alors que Staline attaque la Finlande.L’école du cynisme: de la Seconde Guerre mondiale et ses raisonsparVictor Serge; introduction et notes de Charles Jacquier; illustrations de Vlady. Nada, 2019. 128 pages. 14 euros

.CINÉMA

RAVACHOL.Bernard Cerf a réalisé le premier film consacré à François Claudius Koënigstein (1859-1892), plus connu sous le nom de Ravachol. Un peu oublié de nos jours, il s’agit d’une figure emblématique de l’anarchisme. Contre une société injuste et violente, il justifiait l’usage des bombes.Accusé de plusieurs crimes antérieurs aux attentats, il sera guillotiné.Ravachol réalisé par Bernard Cerf. Les Productions aléatoires, 2015. 61minutes. Le DVD de ce film, accompagné de 4 courts métrages du réalisateur coûte 20 euros chez Les Mutins de Pangée. Sur Internet : https://www.lesmutins.org/ravachol-1869

RÉCUPÉRATION

SORAL. Alain Soral est un idéologue d’extrême droite. Il est le fondateur du mouvement Égalité et réconciliation qui est nationaliste, antisémite et raciste. Sa maison d’édition s’appelle Kontre Kulture. La plus grande partie de son catalogue estconsacrée à la dénonciation des Juifs mais le confusionnisme de Soral lui fait aussi éditer des auteurs marxistes et même anarchistes. On trouve en effet des textes de Michel Bakounine, Pierre Kropotkine,Bernard Lazare, Pierre-JosephProudhon et Henry David Thoreau !

CENTRE INTERNATIONALDE RECHERCHES SUR L’ANARCHISME50rue Consolat, 13001 Marseille.Permanences du lundi au vendredide 15 heures à18 heures 30. Possibilité d’ouverture sur rendez-vous.Téléphone: 09 50 51 1089 Courriel: cira.marseille@gmail.comSur Internet: https://www.cira-marseille.info/